Dufumier

La Bio peut-elle nourrir durablement la planète ? L’agriculture biologique est surtout réputée pour sa contribution à la fourniture de produits agro-alimentaires sains, sans hormones de croissance ni résidus pesticides. On lui reconnaît aussi souvent sa capacité à préserver un environnement agréable et à ne pas trop porter préjudice aux potentialités productives des écosystèmes. Mais du fait de ses moindres rendements à l’hectare, il lui est fréquemment reproché de ne pas être suffisamment productive. Trop chers, les produits bios, ne seraient pas aisément accessibles aux couches sociales les plus modestes. Et pire encore, aux dires de certains, il serait illusoire d’imaginer pouvoir nourrir correctement et durablement une population mondiale sans cesse croissante avec cette forme d’agriculture. Mais la réalité est en fait tout autre. La faim et la malnutrition proviennent de la pauvreté de paysans qui, dans le Sud, ne parviennent pas à résister à la concurrence des surproductions exportées par les pays du Nord et sont parfois contraints de s’exiler vers les bidonvilles sans pouvoir y trouver des emplois rémunérateurs. Il convient donc en fait de créer les conditions qui permettront aux paysanneries pauvres du « Sud » de dégager des revenus suffisants pour à la fois satisfaire leurs besoins essentiels et investir dans l’amélioration de leurs systèmes de culture et d’élevage, de façon à assurer par elles-mêmes l’alimentation de leurs propres pays. Les Européens seraient quant à eux bien inspirés de cesser la surproduction de denrées standards difficilement exportables et de réorienter leur agriculture vers la fourniture de produits de toujours plus grande qualité gustative et sanitaire, en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre et sans causer de dommages à leur environnement. Cette réorientation de notre agriculture vers des formes de production plus durables et artisanales aurait aussi l’avantage de mettre fin à nos surplus récurrents de produits « tout venant » exportés vers les pays pauvres du Sud. 

L’association Bio Consom’acteurs a justement un rôle très important à jouer, notamment au travers de l’édition de ses livrets d’information, en aidant les consommateurs à comprendre pourquoi il est important de passer d’un état «passif» à un comportement beaucoup plus «actif» doublé d’un investissement «collectif». En effet l’union des consommateurs de produits bio aux côtés des paysans pèsera plus lourd face aux pouvoirs publics en faveur du choix d’une agriculture relocalisée, diversifiée, de saisonnalité, en filière courte, débouchant sur une alimentation de qualité plus saine, plus autonome, plus écologique, à plus faible coût énergétique grâce à la réduction des transports, des conditionnements, des stockages, et à l’absence d’utilisation de produits chimiques.
La défense de cette agriculture bio, respectueuse de l’environnement et soucieuse de la qualité de nos aliments en France et en Europe, n’est donc en rien contradictoire, bien au contraire,  avec le droit des nations du Sud de reconquérir leur sécurité et souveraineté alimentaires.
 
 
Marc Dufumier est professeur émérite d’agriculture comparée et développement agricole à AgroParisTech, membre du conseil stratégique de l’agriculture et de l’agro-industrie durables du Ministère de l’agriculture, membre du Comité de veille écologique de la Fondation pour la Nature et l’Homme et président de la Plate-Forme pour le Commerce Équitable.
 
 

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