« La société de masse est peut-être encore plus sérieuse, non en raison des masses elles-mêmes, mais parce que cette société est essentiellement une société de consommateurs où le temps du loisir ne sert plus à se perfectionner ou à acquérir une meilleure position sociale, mais à consommer de plus en plus, à se divertir de plus en plus. » (Hanna Arendt, 1961).
Que dire sur le géant américain du commerce en ligne, accessoirement devenue l’entreprise la plus cotée en bourse en début d’année 2019, détrônant Apple par une capitalisation de l’entreprise dépassant à ce jour les 873 milliards de dollars… Entre un impact dévastateur sur l’environnement, les procédés d’optimisation fiscales, les promesses de neutralité carbone du PDG Jeff Bezos, et les conditions de travail indécentes lié au management « amazonien ».. l’unique mot d’ordre est : productivité. Amazon est loin d’être irréprochable sur ces sujets, et cela nous parait utile de dresser un état des lieux non exhaustif de ses manquements. En s’appuyant sur de récentes enquêtes à l’encontre de la firme multinationale faisant appel au « Green washing » pour embellir leur image (voir Reporterre, ou encore Greenpeace), nous allons voir en quoi il nous apparait évident qu’un « comsom’acteur » devrait éviter de passer par commande sur Amazon.
Au lendemain du XXème siècle, l’entreprise américaine Amazon s’ouvre au marché français par l’ouverture de sa première filiale sur le territoire en 2000. A ce jour, peu de consommateurs français peuvent se targuer de ne pas connaitre cette entreprise qui, en quelques temps, a réussi à révolutionner le commerce par l’éclatement de la bulle internet lui permettant de faire passer l’e-commerce au premier plan. Ce passage a permis au géant américain d’élaborer un « market place » où Amazon héberge des offres de vendeurs tiers, offrant un large panel de produits. Cette plateforme, faisant jouer la concurrence entre producteurs, nous promet d’offrir au consommateur un maximum de choix pour un même bien. De cette façon, Amazon arrive à obtenir des prix plus bas… et de plus gros volumes. Il est vrai que le gain purement économique pour le consommateur est indéniable. Mais qui sont les véritables perdants de ce modèle économique de surconsommation, ayant pour mot d’ordre « Work Hard, Have fun, Make history » ?
Quels sont les coûts environnementaux d’Amazon ?
Nous tenons à remercier Greenpeace, le collectif des Amis de la Terre et Reporterre qui nous permettent d’en savoir un peu plus sur le modèle Amazon…
En France, Amazon est le second vendeur de produits électroniques. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) « la consommation d’objets électroniques vendus sur leur plateforme représente un quart des émissions de gaz à effet de serre des Français. ». En cassant les prix par son modèle de « market place », la firme se procure un quasi-monopole sur ce marché. Plus de 100 000 téléviseurs différents s’offrent au client… et la concurrence entre vendeurs du monde entier est rude.
Amazon joue de sa position quasi-monopolistique en se cachant derrière sa plateforme pour se dédouaner de toute responsabilité envers les consommateurs français. Cela engendre, comme le dit Alma Dufour, chargée de campagne au sein des Amis de la Terre, « qu’Amazon ne respecte pas les droits de garantie et, lors de notre saisie, en septembre, elle ne reprenait toujours pas les déchets électroniques alors que c’était rendu obligatoire par la loi ». (D’allens, 2019).
L’impact environnemental d’une telle variété de produits venant de l’autre bout de la planète est considérable et les déchets électroniques ne sont toujours pas gérés par l’entreprise. N’ayant jamais été aussi prospère qu’à ce jour, Amazon, dans sa quête toujours plus grande de satisfaire au plus vite ses consommateurs, s’appuie sur sa propre compagnie de fret aérien « Prime air » qui possède plus de 32 avions ; prêts à livrer le plus rapidement possible. Les derniers échos du Wall Street journal ne sont pas de bonnes nouvelles dans la lutte contre le changement climatique car « Amazon, d’ici 2021, devrait utiliser jusqu’à 70 avions pour assurer ces livraisons rien que pour les États-Unis. » Une aberration au regard de l’urgence climatique. (Cameron, 2019).
Quand Reporterre, dans le cadre d’une investigation, demande des informations sur l’utilisation massive des énergies fossiles ou sur l’opacité totale au sujet de la traçabilité des produits, Amazon use d’éléments de langages peu convaincants…
« La multinationale s’est fixée comme objectif de rendre la moitié de ses livraisons neutres en carbone d’ici 2030, notamment par l’utilisation de véhicules électriques, de carburant bio pour le transport aérien, d’emballages recyclables et l’utilisation d’énergies renouvelables. »
La volonté d’Amazon d’être une firme multinationale œuvrant pour la réduction de ces émissions de gaz à effet de serre est une position plus que frileuse voir même mensongère. D’ailleurs, des faits ont dévoilé la faible volonté des dirigeants d’Amazon à influer réellement sur le dérèglement climatique de notre planète.
Les rapports financiers d’Amazon :
En tant que grande entreprise capitalistique, Amazon use de mécanismes pour optimiser fiscalement son chiffre d’affaire.
« Amazon Europe a réalisé 21,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais ce montant n’intègre ni les revenus de sa « market place », ni ceux du cloud ou de la publicité. Le bénéfice déclaré est, lui, lilliputien : 60 millions d’euros. Et l’impôt final est de 16,5 malheureux millions d’euros » (Berthelot, 2018). La France est actuellement en attente de plus de 196 millions d’euros venant d’Amazon via un redressement judiciaire, pour la période 2006/2010. En effet, Amazon doit payer, comme toute entreprise, l’impôt sur les sociétés à hauteur de 33,3% Imaginez tout ce qu’on pourrait mettre en œuvre pour la transition avec ces millions qui manquent dans les caisses de l’Etat…
On ne peut pas parler d’Amazon, sans évoquer son PDG fondateur : Jeff Bezos, devenu l’homme le plus riche de la planète depuis novembre 2017. Cet entrepreneur engagé dans le mouvement transhumaniste nous promet qu’Amazon remplirait avec 10 ans d’avance ses engagements climatiques dans le cadre de l’Accord de Paris… Chiche ?
Pour maintenir sa position de leader du e-commerce, Amazon est prêt à tout. Pour se constituer une armée de livreurs, le géant incite ses salariés actuels à quitter leur job au sein de la firme… Pour créer leur propre entreprise de livraison. Vive le libéralisme appliqué au droit du travail… A ce sujet, nous vous invitons à aller voir le film « Sorry we missed you » de Ken Loach, qui relate l’histoire d’une famille qui subit de plein fouet les dérives de ce système.
Pour aller encore plus loin, nous vous conseillons également le reportage de l’émission Capital sur M6, qui dévoile au grand jour comment Amazon préfère détruire des produits neufs pour éviter des couts logistiques supplémentaires.
Sources :
Berthelot, Benoit. 2018. « Comment Amazon embrouille le fisc ». Capital.
D’Allens, Gaspard.2019. « Amazon grandit, l’environnement pâtit ». Reporterre.
Cameron, Doug. 2019. « Amazon rents more jets to expand next-day delivery ». The Wall Street Journal.