Pesticides: lettre ouverte à Ségolène Royal

Bio Consom’acteurs, Générations futures et Agir pour l’environnement, initateurs du projet Zéro phyto 100% bio, ont adressé une lettre ouverte à Madame Ségolène Royal, ministre de l’écologie, ce 22 mai 2014. Celle-ci tenait alors une conférence de presse à Paris, autour de son nouveau projet, Terre Saine.

Lettre ouverte à l’attention de Madame Ségolène ROYAL

Paris, le 22 mai 2014

 

Villes et villages sans pesticides :
Vous en avez rêvé, les associations l’ont déjà fait!

 

Madame la ministre,

Vous vous apprêtez à lancer une initiative intitulée « Villes et villages sans pesticides ». Nous accueillons favorablement votre engagement en faveur d’une suppression de l’utilisation des pesticides dans nos communes ; d’autant plus que nos associations ont développé depuis de longs mois une campagne complète avec un site internet éponyme qui, entre autres, référence les communes sans pesticides. Vous en avez rêvé, les associations l’ont donc déjà fait…

Par delà l’affichage des communes œuvrant à une suppression des pesticides, nous estimons nécessaire et urgent que le Gouvernement mette en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif de « zéro pesticides » le plus tôt possible et partout où le public pourrait être exposé à ces produits nocifs, en allant donc au-delà de ce que propose actuellement la loi Labbé  ou l’arrêté du 27 juin 2011 . A ce jour, les communes ont ainsi jusqu’en 2020 pour en finir avec les pesticides. Pour nos associations, 2015-2016 offrirait un délai suffisant pour changer de pratiques, informer les citoyens et former les élus et le personnel municipal aux alternatives à l’utilisation de pesticides (d’autant que le processus est largement engagé, ou abouti, dans de nombreuses collectivités, suite notamment aux lois Grenelle). La mise en place d’échéances intermédiaires permettraient aussi d’apprécier les évolutions mois après mois afin de mieux suivre les pratiques locales et éviter que certaines communes attendent le dernier moment pour se conformer à l’objectif « zéro phyto ».

En outre, ce projet « Villes et villages sans pesticides » doit reposer sur une grille de critères précis, avec des moyens adéquats, et couvrir de vastes zones et territoires. De fait, nous souhaitons que les stades, cimetières, trottoirs et zones jouxtant tous les points d’eau puissent être des lieux sans pesticides.  De même, nos associations estiment urgent de mettre en place dès à présent des zones sans pesticides à proximité des habitations, écoles, crèches, hôpitaux et maisons de retraite quand des zones agricoles jouxtent ces lieux de vie. Comme vous le savez, l’utilisation de pesticides peut affecter la santé des publics sensibles.

Vous trouverez, joint à ce courrier, un certain nombre de mesures concrètes dont certaines peuvent être mises en place rapidement. Comptant sur votre écoute, nous restons à votre entière disposition pour poursuivre ce premier échange et envisager la synergie de nos projets.

•    Agir pour l’environnement, S. Bordères – sborderes@agirpourlenvironnement.org Tel : 0140313448
•    Bio Consom’acteurs, Ch. Gondouin – charlotte@bioconsomacteurs.org / Tel : 01 44 11 13 93
•    Générations Futures, N. Lauverjat – nadine@generations-futures.fr / Tel : 06 87 56 27 54

Annexe – Exemples de mesures concrète à mettre en place

Pour atteindre l’objectif fixé de zéro exposition aux pesticides des populations, tout particulièrement les populations vulnérables, il faudra mettre en place un échéancier clair et contraignant et donner les moyens (humains et financiers) nécessaires pour atteindre cet objectif.

Pour ce qui est des populations jouxtant des zones cultivées

–    En zone agricole, mettre en place de Zones Non Traitées (ZNT) de 200 mètres minimum à augmenter en fonction des lieux (notamment des lieux qui accueillent des populations vulnérables) et des régions à IFT (Indice de fréquence de traitement) hautes ainsi que lorsque sont utilisés des produits T ou T+, et/ou contenant des perturbateurs endocriniens et/ou des CMR ;
Motivation : les dernières informations sur les intoxications aiguës subies par des écoliers, les nombreux témoignages reçus par nos organisations sur des cas d’intoxications, les expositions mesurées de ces populations etc. nécessitent des mesures de protection des riverains. Comment justifier qu’une ZNT soit imposée le long des cours d’eau, qu’on envisage de pulvériser certains pesticides à la tombée de la nuit pour protéger les abeilles et que dans le même temps aucune mesure de protection ne soit prise pour protéger la santé des Hommes et tout particulièrement celle des enfants ?
–    Établir une norme limitant la présence des pesticides dans l’air avec des mesures aux abords des lieux de vie (habitations, écoles etc.).
Motivation : Cette norme est inexistante à l’heure actuelle, de fait, les dispositions qui peuvent être prises en la matière n’ont qu’une utilité indicative et ne contraignent pas la prise de mesures. A minima et à titre d’information, ces mesures doivent être rendues obligatoires, tout particulièrement dans les zones à risques (le long des écoles).
–    Obliger la présence d’anémomètres embarqués sur les tracteurs pour mesurer la force du vent et vérifier que l’arrêté de 2006 a bien été respecté ;
Motivation : Il existe un arrêté en date du 12 septembre 2006 qui stipule que « Quelle que soit l’évolution des conditions météorologiques durant l’utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. Les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d’intensité inférieur ou égal à 3 sur l’échelle de Beaufort. « 
Or, dans la pratique, il s’avère que cet article n’est quasiment jamais respecté et qu’il est très difficile pour les citoyens (même avec des relevés météorologiques) de faire la preuve du non-respect de cette disposition.
Pour compléter ce dispositif, et permettre notamment aux riverains de prendre des mesures de protection en amont, il serait nécessaire de rendre obligatoire :
–    un avertissement obligatoire aux populations 48h avant chaque épandage par l’agriculteur via un courrier (postal ou électronique) + affichage en mairie ;
–    la mise en place de « manche à air » visible de tous, agriculteurs comme riverains ou gendarmes ;

–    une signalétique dans les champs comme cela se fait dans d’autres pays quand le produit est épandu et à laisser 48h après la pulvérisation et une signalétique permanente le long des routes traversant et longeant les zones à fort IFT  de type «  ATTENTION – Zone de traitements fréquents – Ne pas stationner » ;
–    imposer dans le cadre de la révision des SCOT et PLU des mesures intégrant le risque d’exposition aux pesticides
Il faut aussi plus de moyens de contrôle et de police sur le territoire :
–    Augmenter le nombre de gendarmes FREE (Formateur Relais Enquêteur Environnement) et/ou de fiches d’instruction OPJ (Officier de police judiciaire) spécifiques à ce types d’infractions toutes qualifiées de délictuelles.
Pour les Zones non agricoles (ZNA)
–    Contrôler et imposer le respect de l’arrêté du 27 juin 2011 relatif à l’interdiction d’utilisation de certains produits mentionnés à  l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime dans des lieux fréquentés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables
Motivation : Les articles 5 et 6 de cet arrêté ne sont quasiment jamais respectés, ils stipulent pourtant :
« Art. 5. −Sans préjudice des dispositions de l’article 4, les zones des lieux fréquentés par le grand public qui font l’objet de traitement par un produit mentionné à l’article 1 er sont interdites d’accès aux personnes,
Art. 6. −Préalablement aux opérations d’application des produits visés à l’article 1er, les zones à traiter situées dans les lieux mentionnés à l’annexe et dans les parcs, les jardins, les espaces verts et les terrains de sport et de loisirs ouverts au public sont délimitées par un balisage et font l’objet d’un affichage signalant au public l’interdiction d’accès à ces zones.
L’affichage informatif est mis en place au moins vingt-quatre heures avant l’application du produit, à l’entrée des lieux où se situent les zones à traiter ou à proximité de ces zones. L’affichage mentionne la date du traitement, le produit utilisé et la durée prévue d’éviction du public.
L’affichage et le balisage des zones traitées restent en place jusqu’à l’expiration du délai d’éviction du public. »
–    Donner les moyens aux collectivités d’anticiper le passage au zéro pesticides sur leur territoire. Espérer imposer le zéro pesticides sans former les élus, les gestionnaires et les applicateurs (mais aussi les citoyens) est illusoire et voué à l’échec. Il faut former sérieusement et informer sur les risques sanitaires, environnementaux et les techniques alternatives. Ces formations doivent être faites par des personnes compétentes et indépendantes des vendeurs de pesticides de synthèse.
L’État devrait aussi être exemplaire et passer à zéro pesticides sans délais sur les espaces dont il a la gestion. Enfin, les acteurs privés ne doivent pas être oubliés : bailleurs, établissements de santé, entreprises etc. doivent appliquer l’arrêté du 27 juin 2011 dès maintenant
 

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