Autant vous le dire tout de suite : Night moves (« virées nocturnes »), de Kelly Reichardt, n’est ni un film sur l’écologie, ni un film sur la bio. C’est un thriller psychologique sur les idéaux, sur l’engagement dans une cause qui nous semble juste, et sur le fait d’assumer ses actes. Ou non.
Josh, la trentaine, travaille dans une ferme bio de l’Oregon. Avec Dena, jeune écologiste, aussi convaincue que lui, et Harmon, barbu qui a fait de la prison pour une raison inconnue, il se lance dans un projet fou : faire sauter un barrage hydroélectrique, dans le plus grand secret. Leur espoir: que cette action spectaculaire résonne comme un cri d’alarme, qui dénoncerait l’impact néfaste des humains sur l’environnement. On ne saura quasiment rien de leurs arguments. Si ce n’est qu’ils sont en colère, comme nous pouvons l’être dans la vie réelle lorsqu’on prend conscience que notre civilisation postindustrielle détruit la planète et ses écosystèmes à toute vitesse. Une colère qui les a convaincus qu’il faut faire quelque chose pour arrêter ce saccage. Insatisfaits des petites actions du quotidien, ils visent grand. Trop grand, peut-être…car un accident dramatique aura lieu, sans qu’ils aient pu le prévoir. Et qu’ils ne pourront pas assumer à leur échelle.
L’intérêt de l’histoire réside non seulement dans la façon dont les personnages vivent l’avant : leurs regards rendent leur conviction aussi palpable que l’est la douceur des couleurs chaudes de l’Oregon. Mais surtout dans la façon dont ils vivent l’après. Si tous ont peur – d’être découverts, d’écoper de « 300 ans de tôle », comme dit Harmon -, tous sont loin de gérer cette peur de manière identique.
Josh, métamorphosé en animal traqué, se referme sur lui-même et doute de tout le monde, y compris de ses copains écolos. Jamais, pourtant, il ne semblera douter du bien-fondé de sa démarche. Dena, quant à elle, rongée par la culpabilité, a perdu le sens de ce qu’elle a fait. Elle se met à parler… La fin laisse un goût amer au spectateur, mais reste ouverte. La finesse du jeu des personnages et la sobriété des images (si vous voulez voir le barrage s’écrouler dans un déluge d’effets spéciaux, passez votre chemin) font de cette fiction une porte de réflexion sur l’activisme, sur l’utilité de celui-ci à long terme lorsqu’il n’est pas accompagné d’éducation et de sensibilisation du grand public, et sur ses conséquences sur le mental des gens. Un film qui prend aux tripes, et que les militants de toute sorte gagneraient à voir.
Night Moves, de Kelly Reichardt, 2013, 107 minutes
Sortie le 30 avril 2014