C’est la rentrée, et cet été nous avons fait le plein de « on a aimé » !
Blanche – Élever, d’Elsa Sanial, éditions du sahus
Dans ce petit livre édité aux sahus, Elsa Sanial raconte son quotidien d’éleveuse de brebis en Haute-Loire. Son écriture, mi-documentaire mi-poétique, embarque les lecteurices à travers ce métier invisible, au fil des saisons et de leurs particularités. Elle rend hommage à ses brebis, dont elle énumère les prénoms, les origines, les difficiles mises au monde, et les morts violentes parfois. Elle interroge son rapport à ses classes sociales, la maladresse de son père qui rencontre la culture de sa mère, les fractures entre les mondes, les liens qu’elle entretient avec ses voisins éleveurs remplacés par leurs machines. Elle parle d’elle, de ses souffrances, des longues nuits passées à la bergerie, de la course aux pâturages, de son odeur de chèvre, des ses ongles noires, de cette terre qui la suit partout. Petit à petit, elle cartographie sa profession dans les moindres détails et met en lumière ce qui la structure : discrimination de genre, compétitivité, course au productivisme, mécanisation, politiques agricoles inadaptées…
Et puis, Elsa Sanial aborde la mort, se qualifie d’assassine. Elle qui nomme, aime, suit l’agneau dont « elle doit se sentir capable un jour de frapper le crâne ». Elle évoque le poids du regard, méprisant ou gêné, des gens qui comprennent qu’elle abat ces mêmes brebis qu’elle élève.
« Élever » soulève énormément de questions, en douceur et en brutalité, et rend sensiblement et intellectuellement compte des enjeux de l’élevage, des significations d’un tel métier. Le langage d’Elsa est simple, et met en lumière toutes les zones de gris que comporte son quotidien.

Julien – La belle de mai, histoire vraie d’une des premières grèves de femmes Mathilde Ramadier et Elodie Durand
Une bande dessinée historique qui nous plonge dans les injustices sociales et les discriminations des ouvrières de la manufacture de tabac de Marseille durant l’hiver 1887. Subissant jour après jour les fouilles au corps des contremaîtres, les sanctions injustes, les mauvaises conditions de travail, cette lecture nous montre comment l’organisation et la solidarité dépassent la peur. Des journalistes aux ouvriers hommes qui ne soutiennent pas (du moins au début) une grève inédite chez des ouvrières, la description de ce temps fort des mouvements sociaux fait du bien alors que la mobilisation du 10 gronde et que les mouvements de grève sont lancés en dehors de cadres traditionnels. Ne rien lâcher, cultiver la solidarité même quand les vents contraires sont connus pour être plus forts, une belle leçon et une lecture inspirante pour cette rentrée des luttes !

Marion – Les Pizzlys, Jérémie Moreau
En mars dernier, Blanche m’a fait découvrir la bande dessinée Alyte, qui était d’ailleurs sa recommandation du mois, dans laquelle nous suivions un petit crapaud accoucheur. J’ai adoré et voulu découvrir d’autres œuvres de l’auteur et c’est ainsi que j’ai lu Les Pizzlys, une bande dessinée également. On y rencontre Nathan, qui perd peu à peu ses repères à force d’enchaîner les courses uber pour subvenir aux besoins de ses adelphes Zoé et Étienne. Alors qu’il conduit Annie à l’aéroport, ils et elles ont un accident et Annie finit par inviter Nathan, Zoé et Étienne à la suivre en Alaska sur ses terres natales. Là, ils et elles apprennent à vivre différemment, plus sobrement, coupés de la technologie et de leurs habitudes citadines. Annie, de son côté, retrouver une terre, fortement impactée par le réchauffement climatique et fait face aux démons, violence et alcool, qui pèsent sur les rares habitant·es restant·es.
Dans cette fable écologique, Jérémie Moreau interroge autant les dérives de nos sociétés européennes que le racisme environnemental subi par les populations autochtones. Une lecture que je vous recommande vivement !

Flora – Terres et liberté, manifeste antiraciste pour une écologie de la libération, dirigé par Fatima Ouassak
Terres et liberté nous invite à élargir le regard, à sortir de l’écologie blanche et bourgeoise qui occupe trop souvent le devant de la scène. Sous la direction de Fatima Ouassak, ce recueil fait dialoguer des voix diverses (12 auteurices plurielles) qui rappellent que l’écologie n’a de sens que si elle est aussi antiraciste et décoloniale.
On y retrouve des références fortes comme Fanon ou Sankara, mais aussi des auteurices d’aujourd’hui qui parlent de luttes concrètes, de la Palestine aux quartiers populaires, en passant par l’art et les mémoires de résistance. Chaque texte est court mais dense, et tous se répondent pour tisser un fil commun : la conviction que liberté, dignité et écologie sont indissociables.
C’est un livre qui invite à ralentir, à questionner nos certitudes, mais qui donne aussi de l’énergie pour réinventer un projet politique plus juste et plus inclusif. Une lecture qui nous rappelle que l’écologie ne doit pas être lisse ni confortable, mais vivante, rebelle et tournée vers l’émancipation !
