Sécheresse, Flambée des prix, pénuries,.. Faisons le point

Un thermomètre jouant avec les 50° en Inde et au Pakistan, d’importantes tempêtes de sable au Moyen-Orient, des chaleurs extraordinaires avec des températures de 30 °C un peu partout, voire des pics à 35 °C par endroit vers la mi-mai en France.

Le mois de mai 2022 fait déjà figure de référence tristement historique… Depuis le début d’année, le déficit de pluie atteint des records. Les conditions actuelles suivent le même scénario, avec de longues périodes chaudes et ensoleillées. Le cumul de pluie moyen sur l’ensemble du pays est d’ailleurs le plus faible depuis onze ans. Ces événements climatiques correspondent aux analyses du GIEC, et s’ajoutent à uncontexte déjà très tendu avec la situation internationale, qui accroit les risques de pénuries et la flambée des prix en particulier sur les matières premières. Quelles conséquences pour les consommateurs et les consommatrices et pour celles et ceux qui œuvrent à consommer autrement en privilégiant des produits bio et locaux ?

 

Sécheresse en France : à quoi s’attendre sur la production ?

La sécheresse va toucher l’ensemble du territoire d’ici à la fin de l’été. L’alerte émane du ministère de la Transition écologique, qui a publié le 19 mai une cartographie des risques de sécheresse hydrologique. « Elle montre que l’été 2022 pourrait être marqué par des étiages ou des baisses des nappes marquées sur la totalité du territoire », précise le ministère dans un communiqué.

Les raisons sont multiples et les articles sont nombreux à expliquer ce qui nous attend à l’image de cet article de Reporterre. Mais quels impacts côté production ?

Des sols secs sont synonymes de mauvaises récoltes pour les agriculteurs qui s’inquiètent, surtout les producteurs de blé. Le ministère de l’Agriculture a mis en garde : « les cultures d’hiver, comme le blé ou l’orge, qui sont aujourd’hui en phase de développement, commencent à connaître des situations qui vont affecter les rendements ». Il affirme que la sécheresse, les fortes températures et le manque d’eau auront « un impact sur la production de céréales ».

Si le blé, l’orge, les betteraves et le maïs sont en première ligne avec une baisse du rendement et une baisse de la valeur nutritionnelle, la production de lait est également touchée. La sécheresse pourrait en effet compromettre la production de fourrage pour alimenter les vaches, et in fine la production de lait. Dix départements français ont d’ores et déjà dépassé le seuil d’alerte sécheresse au mois de mai, avec un déficit pluviométrique de 70%. De quoi inquiéter les éleveurs de vaches, dont l’activité demande d’importantes ressources en eau.

Les légumineuses sont plus résistantes, mais elles sont produites et consommées en trop petite quantité en France à ce jour. Quant aux légumes, de nombreux paysans font remonter leurs difficultés suite aux gelées tardives et à l’absence d’eau. Si ce temps favorise une certaine précocité pour les cultures irriguées, la suite de l’été est plus incertaine.

Flambée des prix, pénuries alimentaires : à quoi s’attendre ?

Selon The Telegraph, le gouverneur de la Banque d’Angleterre a mis en garde contre une hausse « apocalyptique » des prix des denrées alimentaires dans le monde et s’est dit « impuissant » face à une inflation galopante alors que l’économie est malmenée par la guerre en Ukraine. Plus précisément, les effets cumulés du réchauffement climatique, du contexte international et certaines décisions politiques de court-terme qui nourrissent l’inflation et entraîne une flambée durable des prix des matières premières alimentaires. Par exemple, les cours du blé devraient augmenter de plus de 40 %, le maïs de 60%.

Pour le blé, si la France ne risque, a priori, pas une pénurie malgré la sécheresse et une baisse des rendements en 2022, une hausse des prix au stade du consommateur apparaît en revanche inévitable. Face à cette augmentation, certaines boulangeries ont récemment été contraintes d’augmenter de 10 centimes le prix de la majorité de ses produits, sans toutefois toucher à celui de la baguette, le blé ne représentant qu’entre 5,6 % et 8,5 %, du prix final du pain.

Les paquets de pâtes ne déserteront pas prochainement les rayons de supermarché, car nous utilisons encore les récoltes de l’année précédente. Mais s’ils viennent à manquer la cause sera principalement due à la création de stocks par les consommateurs.

A l’échelle mondiale, il manquera au minimum 40 millions de tonnes en 2022 sur les 600 millions nécessaires. Plusieurs pays connaîtront des pénuries directes sur leur territoire à cause des choix menés par d’autres sur les exportations, ainsi que par la baisse des rendements dues aux événements climatiques.

Selon Marc Dufumier, dans un article pour le magazine mensuel Alternatives économiques : “ La guerre en Ukraine met en évidence l’une des failles de notre agriculture : sa très forte dépendance énergétique. “

“ Les agriculteurs ont à subir une hausse brutale des prix des engrais azotés de synthèse (urée, ammonitrates, sulfates d’ammonium, etc.) que nous importons principalement depuis la Russie, ou qui sont fabriqués en Europe de l’Ouest, avec du gaz naturel russe ou norvégien. Nos éleveurs, qui nourrissent désormais principalement leurs animaux avec des graines, farines et tourteaux, ont toutes les raisons d’être inquiets : puisque cette alimentation représentait déjà leur principale charge d’exploitation, avant même que n’intervienne cette hausse brutale des cours.

La très forte dépendance de notre agriculture et de notre alimentation à l’égard de l’emploi d’énergies fossiles ne résulte pas tant des besoins en carburants des tracteurs et des moissonneuses-batteuses que du recours intensif aux engrais de synthèse pour fertiliser les céréales (blé, orge, etc.) et oléagineux (colza, tournesol) destinés à la nourriture et à celle des animaux. S’ajoute en France une très forte utilisation de pesticides produits dans les industries de la pétrochimie (La consommation de produits pesticides à usage agricole est encore de l’ordre de 72 000 tonnes par an en moyenne).

Avec 4,5 millions de tonnes d’équivalent pétrole, la facture énergétique de l’agriculture française s’élevait à 3,2 milliards d’euros en 2019, avant même la hausse vertigineuse du prix du gaz naturel, soit un montant égal à près du tiers de l’excédent de la balance commerciale agricole.”

A l’inverse des déclarations récentes de la FNSEA ou des gros semenciers internationaux comme SYNGETA, augmenter la production et continuer sur un mode de production intensif de l’agriculture conventionnelle, n’est en rien une solution. Sa dépendance aux énergies fossiles est telle que ses pratiques sont responsables de l’aggravation du réchauffement climatique et de la chute de la biodiversité, elles-mêmes sources de la baisse des rendements dans le monde.

La bio comme solution ?

Si l’agriculture conventionnelle est une des causes majeures de la situation que nous connaissons, tant d’un point de vue climatique que social, son évolution vers l’agro-écologie est une des solutions. Nous vous invitons à lire Marc Dufumier sur le sujet dans cet article pour saisir les enjeux agronomiques qui y sont liés. La diversification des productions et notamment le rapatriement des productions de légumineuses en France, même avec les céréales, pourraient aller de pair avec une politique agricole favorisant ces pratiques et mettant en valeur les services environnementaux rendus. Le tout, en travaillant à une résilience territoriale basée sur des essences adaptées au climat, hors spéculation boursière… Mais nous en sommes encore très loin.

La capacité à “nourrir le monde” pour l’agriculture biologique n’est plus à prouver au même titre que son effet positif sur la biodiversité et le climat. Cependant, ni la politique agricole commune actuelle ni son application à l’échelle nationale ne vont dans ce sens. En effet, les aides en faveur de l’agriculture biologique étaient déjà moins élevées qu’en conventionnelle, et leur niveau a encore baissé. Les appellations, pourtant non vertueuses, surfant sur la volonté de changement des consommateurs bénéficient du même niveau d’aide (comme HVE). Pire, la guerre en Ukraine, la flambée des prix et les risques de pénuries libèrent des discours « anti-bio » proposant de remettre en culture l’ensemble des surfaces des jachères au profit d’une agriculture chimique, le tout, avec la complicité affichée du gouvernement.

Dans ce contexte, malgré une baisse des aides, l’agriculture biologique est une solution solide et résiliente. Notamment parce qu’elle est moins dépendante des cours du pétrole et du gaz, elle pourrait ne pas connaître le même phénomène d’inflation. Cependant, dans un contexte de crise sociale où se nourrir devient de plus en cher, la consommation bio baisse légèrement. Selon Denis Lairon (France inter, dans l’émission « Grand bien vous fasse »), « Si on veut un produit de très haute qualité, ce n’est pas anormal de le payer un peu plus cher. Les techniques, les méthodes de production sont plus compliquées. » D’autant que le producteur vit rarement de son métier et mérite donc que nous travaillions un à prix juste et équitable. Malgré l’argument, une politique globale s’impose.

Si nos modes de consommation doivent changer et peuvent permettre de payer plus cher en commençant par réduire le gaspillage, en apprenant à cuisiner des produits bruts, en achetant en vrac, en réduisant notre consommation de viande et en réduisant le nombre d’intermédiaires, le niveau de vie global baisse et demande une inversion des prix afin de rendre accessible à toutes et tous une alimentation de qualité.

Ces nombreuses solutions politiques existent et sont notamment défendues par deux plateformess dont Bio Consom’acteurs fait partie : le collectif pour une transition citoyenne et la plateforme pour une autre PAC

Si les prévisions climatiques et leurs conséquences sur la production ne sont en rien une surprise, nul ne peut deviner comment se dérouleront les 12 prochains mois, tant au niveau international que climatique. La période est incertaine mais des solutions existent. Notre action peut être quotidienne, notamment en se tournant vers les autres, en plébiscitant les alternatives et les chances de changements réels. L’équipe de Bio Consom’acteurs vous souhaite bon courage dans ces événements et vous rappelle que vous pouvez vous engager auprès d’une multitude d’associations qui tentent d’agir, dont la nôtre.

 

Pour aller plus loin :

Plate forme pour une autre PAC

Collectif pour une transition citoyenne

France TV – C ce soir – Secheresse va t-on manquer de blé ?

France inter – Grand bien vous fasse du 14 avril

Frane inter – 13-14 du 17 mai

Alternatives économiques – Marc Dufumier – Dininuer la dépendance énergétique de l’agriculture

UFC  que choisir – Billet du président -reforme de la PAC : même la commission critique le greenwashing Français

 

 

Partager

À votre tour, contribuez à écrire notre histoire collective !

Envoyez-nous vos textes, vos articles, partagez vos points de vue sur les sujets qui vous animent !

Articles liés