Portrait de Julien Lucy

  •   Qu’est-ce que la consommation responsable selon vous ?

C’est la consommation du monde de demain que nous construisons au quotidien. C’est à dire consommer d’abord bio, local et avec le moins d’intermédiaires possible. C’est consommer en sachant qui cela fait vivre derrière et quelles conséquences cela aura à l’échelle locale.

 

  •   Comment devient-on un consom’acteur ?

Je suis maraîcher bio en Charente maritime, mais avant cela j’étais en master de philosophie politique à la Sorbonne à Paris et assistant de direction pour la mairie de Paris. Il s’agit donc d’une reconversion importante, même si j’y vois le lien.

Comme souvent dans les reconversions de ce type, cela résulte d’un choix éthique et politique. Choix de vivre, qui fait sens, en adéquation entre ses dires et ses actes. En devenant paysan bio, j’ai choisi également de manger les produits de mes voisins paysans bio, de m’investir et d’exclure au maximum des aliments provenant du monde d’hier, celui que je dénonce et combats. Ce qu’il y a dans notre assiette nous relie à un territoire et doit nous parler. Il y aurait eu incohérence à produire mes légumes dans cette démarche et à ne pas être consom’acteur.

 

  • Concrètement, qu’est-ce qui a changé dans votre vie au quotidien ?

Tout. Je vivais à Paris, je consommais « ce que je pouvais » et mon mode de vie ainsi que mon activité professionnelle étaient en décalage avec mes pensées et mes actions militantes. On peut difficilement quitter l’ensemble de ses paradoxes du jour au lendemain mais aujourd’hui, tout est plus cohérent. Nous choisissons les actions que nous menons, les aliments que nous consommons et, je l’espère, nous contribuons au monde que nous voulons en agissant localement et quotidiennement.

 

  •  Pourquoi avez-vous choisi de devenir un relai Bio Consom’acteurs ? Qu’est-ce que vous a apporté cette expérience ?

Je partage les valeurs et les actions du réseau. Personne n’était relai en Charente maritime, et je me suis donc proposé. Si on veut que les choses bougent, il faut se mouiller, se lancer, quitte à se tromper mais rien n’empêche d’essayer. Quand les générations futures nous demanderons ce que nous faisons et ce que nous avons fait pour empêcher le massacre actuel de la planète et de l’humanité, même à avoir tout raté dans nos actions, on pourra au moins dire qu’on essaye, et qu’on a essayé.

 

  •  Quelles sont les actions que vous menez en tant que relai Bio Consom’acteurs ?

J’essaye de sensibiliser en créant des événements, en contribuant via les paniers de légumes que nous produisons sur la ferme, et via de l’information et du partage. J’essaye de diffuser les nouvelles du réseau, et de créer du débat.

Je participe également à des actions existantes (salon des vignerons bio de l’estuaire, par exemple) en apportant de la documentation, ou en la mettant en valeur sur mon stand de maraîcher. Nous sommes aussi une ferme pédagogique, cela nous permet de créer des animations ludiques sur la bio et l’alimentation.

Enfin, je crois qu’il est fondamental de penser collectivement les choses, il existe sur chacun de nos territoires de nombreux réseaux paysans, écologistes, environnementalistes ou citoyens qui représentent tous réunis une force incroyable, mais il est très rare qu’il y ait contact entre eux. Je fais partie d’autres réseaux et j’essaye de contribuer à ce que nous agissions ensemble.

 

  • Vous organisez les « Halles’ternatives », un marché paysan bio les 23 et 24 septembre prochain à Paris. En quoi consiste cet événement ?

C’est une tentative à laquelle nous vous invitons toutes et tous à participer. L’objectif est de créer un rendez-vous avec un marché de producteurs bio au Lieu-Dit, ainsi que des animations, des stands associatifs, des repas réalisés par le restaurant, à partir de nos produits et un grand débat le samedi soir.

Ça, c’est le programme, la façade publicitaire pour vous attirer mais le plus important c’est ce qu’il y a derrière. Il y a une volonté de convergence des luttes via la participation ici de dix réseaux nationaux dont Bio consom’acteurs, Greenpeace, la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologique, Accueil Paysan, France Nature Environnement, Agir pour l’Environnement, Générations Futures, Inf’OGM, WWOOF France et le Lieu Dit. La participation ne se résume pas qu’à la communication ou au financement, mais s’inscrit dans l’optique que nous pouvons tous partager un repas synonyme de valeurs partagées, et chercher à construire ensemble.

Nous avons pour objectif d’organiser un événement de ce type, au Lieu-Dit, tous les deux ou trois mois, afin de faire découvrir une région différente. L’idée étant d’échanger, de partager entre réseaux paysans, écologiques, sociaux, culturels, dans une volonté d’agir conjointement sur nos territoires en se fédérant autour d’un repas.

Pour que les réseaux acceptent de pérenniser l’initiative, il va falloir une belle réussite les 23 et 24 septembre, et c’est pour cela que nous vous y attendons nombreux-ses!

  • Quels conseils donneriez-vous à un futur relai Bio Consom’acteurs ?

Oser en ouvrant son champ de vision à ce qui existe déjà. Il existe des milliers d’initiatives, c’est une force et une chance.

Alors il faut oser et s’inspirer de ce qu’il se fait, quitte à se planter. Les consom’acteurs sont ceux qui ont le pouvoir de faire changer les choses en soutenant telle ou telle agriculture, telle ou telle alimentation.

Il me semble encore plus intéressant d’utiliser ce pouvoir avec les autres acteurs notamment avec les paysans bio, qui ont besoin de revenir au centre de la société civile, d’être portés par elle, pour co-construire un monde souhaitable, durable et vivable.

Julien Lucy

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