Une analyse de plus de 100 études comparant les agricultures conventionnelle et bio montre que les rendements en bio sont plus élevés que ce que l’on croyait.
Plus les scientifiques s’intéressent à l’agroécologie, plus celle-ci semble être gagnante. Une analyse de 115 études qui ont comparé les rendements en conventionnel et en bio, a conclu que l’écart de rendement entre les deux était plus petit que ce que l’on croyait jusqu’alors, voire était inexistant.
Cette nouvelle étude, publiée cet automne dans la revue américaine Proceedings of the Royal Society B, montre qu’en moyenne, les rendements en bio sont 19,2% plus faibles que les rendements en conventionnel. L’écart était de 25% selon une précédente étude publiée dans Nature en 2012.
Les chercheurs montrent aussi que certaines pratiques agricoles optimisant la productivité, telles la polyculture ou la rotation des cultures, minimisent l’écart de rendement (celui-ci tombe à 9% et 8% respectivement). Et que les rendements dépendent aussi du type de culture : il y a zéro écart de rendement entre des cultures de légumineuses (haricots, lentilles, pois) bio et conventionnelles.
Conclusion : faire du bio à la place du conventionnel ne suffit pas. C’est l’agroécologie, c’est-à-dire la science d’une agriculture soutenable à partir de l’étude des écosystèmes agricoles, qui permet d’avoir des rendements équivalents au conventionnel. « Notre étude montre qu’avec des investissements appropriés dans la recherche en agroécologie pour améliorer la gestion en bio, et dans la sélection de semences adaptées localement pour créer des agrobiosystèmes, l’écart de rendement peut être très réduit voire éliminé pour certaines cultures ou régions », affirme une des auteurs de l’étude, Lauren Ponisio, sur le site web de l’Université de Berkeley. « C’est particulièrement vrai si nous imitons la nature avec des fermes écologiquement diverses, qui exploitent les fortes interactions écologiques telles que la fixation de l’azote permise par la culture de légumineuses intercalaire ou en couverture ».
Last but not least : en mimant la nature grâce à des pratiques très diverses (agroforesterie, couverture végétale permanente, semis direct, permaculture, etc.), l’agroécologie au sens large est ce qui permet la résilience d’un agroécosystème face aux événements extrêmes dus au changement climatique : inondations, sécheresses, vagues de froid, etc.
Mais nourrir le monde n’est pas qu’une histoire de rendement, les auteurs de l’étude le précisent bien : « Notre système agricole actuel produit bien plus de nourriture que nécessaire pour nourrir chaque habitant de la planète ». Problème : 70% des gens qui ont faim sont de petits paysans. Ce qui peut faire la différence, c’est non seulement la manière dont cette nourriture est produite. Mais aussi qui la produit. Aujourd’hui, ceux qui pratiquent l’agroécologie sont principalement ceux qui l’ont inventée, à savoir de petits paysans vivant dans des pays du Sud, tels que ceux rassemblés dans le mouvement Via Campesina. Il est temps que ces gens-là, ainsi que leurs pratiques, soient enfin reconnus et soutenus par les pouvoirs publics (accès à la terre, à l’eau, aux infrastructures de santé, etc.) pour leur contribution à une nourriture productive et soutenable. Et qu’ils puissent se nourrir.