Tribune en soutien au maire de Langouët

©  Lionel Le Saux / Le Mensuel de Rennes

L’agriculture doit prendre en compte la santé des riverains . Le 27 Aout, le tribunal administratif de Rennes a supprimé l’arrêté municipal de Daniel CUEFF, maire de Langouet. Cette décision n’affecte en rien l’engagement et la détermination des associations et des citoyen.ne.s.

Daniel Clueff, avec cet arrêté, met le doigt sur un problème de santé publique. En effet, l’épandage de ces substances près des lieux de vie est nocif pour la santé des populations et l’environnement autour. D’ailleurs, cette décision du maire de Langouët n’a rien d’incongru car rappelons-le, une directive européenne de 2009 impose aux États-membres de l’UE de définir un tel périmètre de protection. La pression des lobbies agro-industriels a été l’unique frein à l’adoption au niveau national d’une réglementation allant dans ce sens.

Agir contre l’usage de pesticides, c’est agir contre l’usage de pesticides à proximité de nos populations. Et il ne s’agit pas de confiner l’agriculture à quelques territoires délimités ni d’isoler les habitations, il est plutôt question de mieux encadrer le modèle agricole actuel particulièrement dépendant de l’usage de ces substances nocives. Il faudrait favoriser la production de produits plus vertueux mais aussi soutenir les fermes concernées par l’utilisation de pesticides.

Il apparaît donc incohérent voire irrationnel qu’un organe déconcentré de l’Etat agisse à l’encontre de mesures destinées à conforter les prérogatives de l’Etat.

C’est pourquoi 21 organisations environnementales, dont Bio Consom’acteurs, se sont réunies pour adresser une tribune au pouvoir éxécutif. L’objet étant de lui rappeler son rôle dans le processus de transition qui doit être renforcé, soutenu.

Ces acteurs de la société civile soutiennent entièrement l’acte courageux de Daniel Cueff et appelle tous les maires de France à lui emboîter le pas pour assurer la protection des riverains et faire reculer l’usage de pesticides.

À l’Etat, ils demandent de prendre des mesures nationales de régulation de l’usage des pesticides à destination des exploitations agricoles.

Retrouvez le texte complet de la tribune ci-après :

L’agriculture doit prendre en compte la santé des riverains

En tentant d’interdire l’épandage de pesticides de synthèse à proximité des bâtiments, la commune de Langouët a ouvert un débat essentiel, qui confirme que l’imbrication entre agriculture et lieux de vie ne peut plus être négligée. La suspension de l’arrêté par le tribunal administratif de Rennes n’affaiblit pas la détermination des associations et des citoyen·ne·s.

Le 18 mai dernier, le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), Daniel Cueff, a signé un arrêté interdisant l’épandage de pesticides de synthèse « à une distance inférieure à 150 m de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ». Il ne s’agissait pas de subroger les compétences du ministre de l’agriculture concernant l’autorisation des produits, mais de compenser les carences de l’État en matière de protection des citoyens exposés aux épandages. Rappelons qu’une directive européenne de 2009 impose aux États-membres de l’UE de définir un tel périmètre de protection. Des discussions en ce sens avaient été engagées en 2016-2017 à l’initiative du ministère de l’environnement, mais abandonnées au dernier moment sous la pression des lobbies agro-industriels. Rappelons aussi que, le 26 juin dernier, le Conseil d’État a cassé partiellement l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, parce que certaines dispositions étaient insuffisamment protectrices et qu’il ne prévoyait « aucune mesure générale destinée à protéger les riverains des zones agricoles traitées ». Il est fondé de parler ici d’une carence fautive de l’État.

À l’issue d’une procédure contentieuse engagée par la préfète d’Ille-et-Vilaine, représentant par définition l’État français, l’arrêté municipal de Langouët a été suspendu mardi 27 août par le tribunal administratif de Rennes. Les motivations de la décision sont contestables. Quelle est la cohérence des pouvoirs publics lorsque le président de la République lui-même déclare formellement être d’accord avec l’objectif de Langouët, mais tergiverse, ne prend aucune mesure nationale, et laisse ses services déconcentrés bloquer une décision qui va dans le sens de l’histoire ?

Il n’est pas anodin de constater que 96 % des Français·es soutiennent la décision de Daniel Cueff. Ils sont bien conscients de la réalité des campagnes françaises : les terres agricoles et les lieux de vie des ruraux ne sont pas disjoints dans deux univers hermétiques et virtuels. Parcelles agricoles et habitations, champs et écoles, cultures et villages, sont intimement imbriqués et forment une mosaïque. Qui oserait prétendre que l’emploi des pesticides de synthèse serait sans danger pour les riverains ? Tout agriculteur sait pertinemment que l’utilisation de ces produits impose des mesures drastiques de protection, en particulier un tracteur avec une « cabine » parfaitement hermétique pour empêcher strictement tout contact avec le nuage de pulvérisation. Ces produits sont autorisés, mais dangereux, et l’utilisateur doit se protéger rigoureusement. Comment fermer les yeux sur le fait que les riverains sont exposés au même nuage de pulvérisation, mais sans la moindre protection ? Comment évacuer cette infraction gravissime aux obligations de protection sanitaire des citoyen·ne·s ?

Il ne peut pas être question de confiner l’agriculture dans quelques territoires limités, pas plus que d’interdire d’habiter et de vivre à la campagne ! Le pragmatisme impose d’encadrer bien plus précisément l’usage des pesticides agricoles. L’une des réponses possibles est l’instauration de bandes-tampons, comme l’ont proposé la commune de Langouët mais également une vingtaine d’autres municipalités françaises. Il va de soi que ce changement de pratiques sur une partie de leurs champs ne sera pas simple pour certains agriculteurs, et qu’il faudra accompagner cette disposition. Il serait malhonnête de prétendre que les surfaces concernées seraient « perdues » pour la production agricole, puisque l’agriculture biologique fait depuis longtemps la preuve que des parcelles non-traitées par des produits de synthèse sont tout-à-fait productives. Il faudra aider les paysan·ne·s à acquérir de nouvelles compétences et à valoriser les productions concernées, en renforçant les soutiens aux petites fermes morcelées. Mais le débat à ouvrir est plus large, et doit interroger la nature des produits autorisés (favoriser les produits naturels à action brève, interdire au plus vite les produits les plus rémanents et les plus toxiques) et les modalités d’utilisation.

Par conséquent, le rôle de l’État ne doit plus être celui d’un censeur, mais celui d’un facilitateur et d’un accompagnateur du changement. Il n’est plus temps d’attendre. Nous appelons les maires de France à prolonger l’exemple de Langouët, en adoptant à leur tour des arrêtés de protection des riverain contre les épandages de pesticides de synthèse à proximité de tous les bâtiments à usage d’habitation ou professionnel. Nous appelons également l’État (dont les préfet·e·s) à renoncer à poursuivre ces « maires courages », et à prendre enfin des mesures politiques nationales de régulation de l’usage des pesticides agricoles.

 

Signataires :

Jacques Caplat – secrétaire général d’Agir Pour l’Environnement
Frank Alétru – président du Syndicat National d’Apiculture
Alain Bazot – président de l’UFC Que Choisir
Arnaud Apoteker – délégué général de Justice Pesticides
Clotilde Bato – déléguée générale de SOL – Alternatives agroécologiques et solidaires
Michel Besnard – président du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest
Alain Bonnec – président d’Eau et Rivières de Bretagne
Allain Bougrain-Dubourg – président de la LPO France (ligue pour la protection des oiseaux)
Evelyne Boulongne – porte-parole du Mouvement Inter-Régional des AMAP
André Cicolella – président du Réseau Environnement Santé
Jérôme Frignet – directeur des programmes de Greenpeace France
Khaled Gaiji – président des Amis de la Terre
Karine Jacquemart – directrice générale de FoodWatch France
Gilles Lanio – président de l’Union Nationale de l’Apiculture Française
Jacques Loyat – commission politique agricole d’ATTAC
Sandrine Maguet-Delourmel – référente des Coquelicots de Langouët et cofondatrice du Comité de soutien à l’arrêté du maire de Langouët
Véronique Moreira – présidente de WECF France
Laurent Pélerin – président de la LPO Bretagne
Julie Potier – directrice générale de Bio Consom’acteurs
François Veillerette – directeur de Générations Futures

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