Sivens : le barrage initial abandonné, d’autres études doivent être menées

Le 16 janvier, un second rapport d’expertise sur le projet de territoire du bassin du Tescou a été remis au ministère de l’Écologie. Il propose deux alternatives au barrage initialement prévu et renvoie la balle au conseil général du Tarn, qui doit organiser un débat d’ici fin janvier. Pour les organisations environnementales, de nouvelles études sont nécessaires.

Le verdict des experts rendu le 16 janvier à Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, est clair : le projet de barrage à Sivens, à l’Isle-sur-le-Tarn, ne sera pas maintenu tel quel. Disproportionné, dit en substance la mission commanditée par la ministre en novembre dernier. Partant d’un objectif de 750 000 mètres cubes à retenir – soit la moitié de ce qui était prévu-, celle-ci propose deux alternatives au projet initial.
Première alternative : un réservoir réduit sur le site de Sivens de 750 000 mètres cubes, 330 m à l’amont de la rivière Tescou. Ce qui épargnerait 7 hectares de zone humide. Deuxième solution : un ensemble de trois retenues latérales ou collinaires (lesquelles se remplissent par la pluie et le ruissellement) dont l’ensemble ferait 750 000 mètres cubes. Une solution qui, selon les auteurs du rapport, serait moins impactante pour l’environnement que la première, mais plus chère, plus complexe et qui nécessiterait d’acquérir de nouvelles terres agricoles.
Dans tous les cas, les experts recommandent de mener une étude d’impact complète, avertissant qu’on ne peut pas « artificialiser » davantage la vallée du Tescou ni y développer les grandes cultures irriguées, d’après Libération.

Et les autres agriculteurs?
Quant aux organisations opposées au projet initial (Collectif pour la sauvegarde du Testet, France nature environnement et la Confédération paysanne), si elles se félicitent de cet abandon, annoncé publiquement par Ségolène Royal, elles n’en démordent pas : même dans ce rapport tout neuf, les besoins en eau des agriculteurs sont toujours fortement surévalués au vu des ressources en eau mobilisables sur le bassin versant.

Mais quels sont les besoins réels en eau dans le bassin du Tescou ? La réponse à cette question est encore floue. Pour le Collectif Testet, il n’y aurait que 19 agriculteurs à demander une allocation d’eau via un nouvel aménagement hydraulique. Ce nombre monte à une trentaine d’après la mission. Surtout, pour les opposants à un nouvel aménagement, ce ne sont pas ces irrigants, « installés dans la vallée » qui ont le plus besoin d’un appui public, mais ceux qui travaillent « sur les coteaux et les plateaux, plutôt difficiles à valoriser.  […] Or faute de temps les experts n’ont pu étudier leurs besoins en eau. Le projet de territoire devra donc impérativement s’adresser à ces agriculteurs. Il prendra ainsi véritablement une portée d’intérêt général qui faisait défaut au projet initial ».

Études complémentaires
Et quand bien même on considèrerait les irrigants, le volume de substitution devrait être abaissé à 330 000 mètres cubes, d’après le Collectif Testet. Cette valeur, inférieure de plus de la moitié à celle recommandée par les experts, serait plus cohérente, non seulement avec le plan national d’adaptation au changement climatique, qui prévoit de développer des économies d’eau et une meilleure efficience de son utilisation. Mais aussi avec les prélèvements réalisés par les agriculteurs durant les cinq dernières années. Et ce plus petit volume pourrait être comblé par le potentiel représenté par les retenues existantes, que les membres du collectif Testet estiment entre 400 000 et 500 000 mètres cubes. De son côté, la mission d’experts considère que  « les volumes mobilisables dans les retenues collinaires existantes par achat d’eau, après entretien, se situent à des niveaux bien inférieurs à la réponse aux besoins exprimés » et que « les marges que l’on peut attendre de cette option, coûteuse et difficile à mettre en œuvre, sont sensiblement moins importantes qu’en apparence et resteront modestes».

Le collectif explique le point de vue des experts par le fait qu’ils n’aient pas eu le temps d’identifier tout le potentiel des retenues collinaires existantes. Et  demande donc de nouvelles études, plus approfondies. « Il est tout à fait envisageable que les prélèvements de substitution dans les retenues collinaires suffisent à couvrir les besoins des irrigants du Tescou amont. Si des études complémentaires le confirment, aucune retenue ne serait à mettre en œuvre, avec comme conséquence importante de minimiser les dépenses publiques », soutiennent-elles dans un texte publié le 16 janvier. Pour le collectif, l’utilisation des retenues existantes serait la solution la plus rapide, la moins chère et la moins impactante pour l’environnement. Il demande aussi une réhabilitation urgente de la zone humide actuellement terrassée.

Agroécologie et agriculture biologique
Enfin, il est question de modèle agricole dans cette histoire. Quel est le projet de territoire qui permettra à celui-ci de s’adapter au changement climatique et à la crise écologique globale, tout en favorisant l’emploi dans la région ? Pour le collectif, un tel projet doit impérativement « renforcer les filières locales, développer l’agroécologie (agroforesterie, sols vivants ayant une meilleure rétention d’eau) et l’agriculture biologique, permettre de nouvelles installations », qui nécessiteront « un appui public à travers des moyens humains et financiers ». Quant aux responsables agricoles locaux (FDSEA), ils refusent évidemment de céder sur quoi que ce soit, arguant, le 19 décembre, que « seul le projet initial pourra répondre à tous les besoins », selon Reporterre.

Une commission locale de l’eau (CLE) va être mise en place par l’Etat pour élaborer un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du Tescou, qui devrait aboutir au printemps. La décision sur l’aménagement – ou non – du Tescou est maintenant dans les mains du Conseil général du Tarn.

 

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