QUESTION DU MOIS : COMMENT POUVEZ-VOUS INCITER LES ETUDIANT.ES A MIEUX CONSOMMER ALORS QU’ILS SONT D’ABORD TOUCHES PAR LA PRECARITE ALIMENTAIRE ?

Alors que nous lançons un concours d’éloquence à destination des étudiant.es [défends ta vision d’une agriculture et d’une alimentation soutenables], cette question fait directement écho, à l’heure où crise sociale et effondrement climatique se côtoient. Avant de répondre, reposons les chiffres et les faits de ces deux crises simultanées :

En bref

Précarité des étudiant.es
Principal sujet de la rentrée universitaire. Selon le dernier baromètre de la précarité étudiante :
•    79 % des répondants ont dû réduire leurs achats alimentaires et de première nécessité.
•    62 % sautent régulièrement au moins un repas par semaine
•    45 % déclarent renoncer à certains soins.
•    Un constat alarmant dans la droite ligne de celui effectué par l’Ifop en partenariat avec l’association d’aide alimentaire Cop1, le 12 septembre 2023. «Etudier devient un luxe»,  qui estime à 3 000 euros le coût moyen de la dernière rentrée universitaire.
•    19% des étudiants sont bénéficiaires de la banque alimentaire.
•    77 % des étudiants interrogés dans le cadre d’une enquête portant sur 5 115 personnes ont «un reste à vivre de moins de 100 euros par mois, soit 3,33 euros par jour»
•    Baisse des APL : Les personnes logées en résidences jeunes sont les plus touchées avec un montant moyen qui diminue de 10% depuis 2021

Effondrement climatique
•    En face de cette crise sociale, la crise climatique et environnementale s’accélère. « L’effondrement climatique a commencé », a déploré le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres,
•    Record mondial de températures pendant l’été de l’hémisphère nord, constaté par l’observatoire européen Copernicus.
•    L’été (juin-juillet-août) a connu les températures mondiales moyennes les plus élevées jamais mesurées. 2023 sera probablement l’année la plus chaude de l’Histoire jusqu’ici.
•    Canicules, sécheresses, inondations ou incendies ont frappé l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord, dans des proportions dramatiques et souvent inédites, avec leur prix en vies humaines et en dégâts sur les économies et l’environnement.

 

Justice sociale et justice climatique

 

Loin de s’opposer, ces deux notions sont deux combats indissociables. L’une ne saurait être pensée sans l’autre. C’est d’ailleurs une des conclusions du dernier rapport du GIEC.
Sur le plan climatique : les 10 % les plus riches de l’humanité étaient à l’origine de plus de la moitié (52 %) des émissions cumulées entre 1990 et 2015. Les 1 % les plus riches représentaient à eux seuls plus de 15 % des émissions cumulées pendant cette période, soit plus que les émissions totales cumulées de l’ensemble des citoyen-ne-s de l’Union européenne (UE) et deux fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité (7 %).
Sur le plan social : depuis 2020, deux tiers des richesses mondiales produites ont été captées par les 1% les plus riches. Depuis 2020, les 10 premiers milliardaires ont gagné 189 milliards d’euros, soit 2,7 milliards de dollars par jour , et l’équivalent de deux ans de factures de gaz, d’électricité et de carburant des Français·es.

La solution ne peut donc résider seulement dans les écogestes ou dans la culpabilisation individuelle, mais elle repose sur la nécessité d’un changement global. Les plus précaires sont non seulement celles et ceux qui ont le moins de moyens pour s’alimenter sainement ainsi et préserver leur santé, mais aussi ce sont les plus touché.es par la crise climatique.

Nous avons des responsables identiques à ces deux crises majeures, et des victimes identiques.  Non seulement il est difficile de s’alimenter mais il est presque impossible de le faire en préservant sa santé et un modèle protégeant la planète !

Pour répondre à votre question, nous ne tenons donc pas le discours selon lequel, les étudiant.es doivent mieux consommer d’autant qu’ils ne le peuvent – souvent – pas. Nous affirmons qu’il est injuste et scandaleux qu’une alimentation saine et soutenable ne soit pas accessible à toutes et tous.

Si le problème est global, des actions locales voient également le jour. Par exemple, à Poitiers, un panier bio hebdomadaire à 5 euros a été mis en place pour les étudiant.es. Il peut même revenir à 0,70 centimes pour les bénéficiaires de l’épicerie sociale et solidaire de l’université de Poitiers. Autre exemple , dans les restaurants universitaires gérés par les Crous, les repas sont à 1 € pour les étudiants boursiers, mais aussi pour les non-boursiers en situation de précarité.  Pour les solutions globales, nous vous invitons à retrouver les solutions politiques du Collectif pour une transition citoyenne, ou le collectif pour une sécurité sociale de l’alimentation, et les solutions portées par le collectif Nourrir qui permettraient de changer de modèle agricole et alimentaire.

Pour aller plus loin
Baromètre de la précarité étudiante
Comprendre la construction d’un prix et d’une marge
Collectif pour une SSA
Flambée des prix de l’alimentation : les spéculateurs de la faim sont de retour – Food Watch
Où sont passés les milliards de la PAC – Cash investigation

 

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