Nous sommes signataires d’une tribune qui dénonce les dérives du Sommet sur les Systèmes Alimentaires des Nations Unies et appelle la France à résister aux pressions des multinationales.
Organisés par les Nations Unies suite à l’initiative du Forum Economique Mondial, cet événement va avoir des conséquences massives sur notre agriculture et notre alimentation sans que la société civile n’y soit vraiment associée. C’est l’avenir de nos systèmes alimentaires, au Nord comme au Sud, qui y sera discuté. La France est particulièrement investie dans l’organisation de ce sommet : elle en finance l’organisation à hauteur de 100 000 euros, y mobilise les institutions de recherche françaises et est considérée comme un pays “champion” sur le sujet. Sa voix y sera donc particulièrement entendue.
En l’état, ce sommet soulève de très nombreuses questions. La mainmise des groupes agroalimentaires et des promoteurs d’une agriculture 4.0 sur l’organisation et le contenu, ainsi que les failles dans l’implication de la société civile et dans la gouvernance sont problématiques. Alors que le monde traverse une crise agricole et alimentaire, que les prix des denrées flambent, et que l’urgence climatique s’affirme de jour en jour, ce sommet risque de renforcer encore le système agro-industriel dominant, au détriment de l’agroécologie paysanne.
Il est aujourd’hui impossible de porter une voix discordante dans le cadre de ce sommet.
Alors que la FAO et de nombreuses recherches ont démontré le rôle essentiel de l’agroécologie paysanne dans la résolution des défis sociaux, alimentaires et environnementaux contemporains, les organisateurs du sommet promeuvent au contraire principalement une agriculture qui repose sur des « technologies de pointe », centrées sur des solutions prétendument révolutionnaires et faussement vertes.
Avec l’approbation de l’ONU, se met ainsi en œuvre la stratégie d’influence des principaux groupes agroalimentaires, de technologies de pointes et financiers mondiaux.
« Dans chacun des cas, les solutions proposées se font au détriment du droit à l’alimentation et de l’autonomie des petits producteurs et étendent l’emprise de ces multinationales sur les terres, eaux, semences, gènes animaux et végétaux.
Illustration de cette mainmise, l’envoyée spéciale des Nations Unies pour le sommet n’est autre que la présidente de l’alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), Mme Kalibata. AGRA est une initiative cofondée par les Fondations Bill et Melinda Gates et Rockefeller dans le but d’orienter l’agriculture africaine vers des solutions technologiques avec une prédominance des intrants chimiques et de la biotechnologie. Elle est ardemment décriée par les ONG et organisations de producteurs locales pour son manque de résultats et sa proximité avec certaines multinationales agroalimentaires cherchant des débouchés sur le continent.
Au contraire, l’agroécologie paysanne a fait ses preuves. Les fermes familiales du monde entier, de même que les pêcheurs artisanaux et les communautés indigènes, produisent plus de 70% de la nourriture consommée dans le monde, tout en utilisant moins de 20% des ressources productives. Les pratiques de polyculture-élevage ont une efficacité énergétique beaucoup plus élevée que les monocultures et l’élevage industriels. Tandis que les pesticides, les engrais chimiques et les monocultures ravagent les sols et la biodiversité, les techniques agroécologiques ont montré leur capacité à les restaurer. Alors que l’insécurité alimentaire dans le monde n’est plus liée à un manque de production mais à des inégalités croissantes, les choix politiques au niveau international sont décisifs pour orienter l’agriculture et les systèmes alimentaires. Malgré leur manque d’efficacité et leurs multiples impacts, les « innovations technologiques » des multinationales agricoles et agroalimentaires bénéficient de centaines de milliards d’aides publiques tandis que l’agroécologie est sous-financée. Avec ce sommet, un nouveau pas va être franchi dans l’accaparement de la gouvernance mondiale de l’alimentation par une poignée de multinationales déjà en situation de monopole.
Peu connu et peu relayé dans les médias, ce rendez-vous mérite une implication de tous et toutes pour que l’agriculture de demain ne soit pas celle qui détruit aujourd’hui la planète.
Alors même que le GIEC vient de publier son dernier rapport et souligne l’inefficacité de l’ensemble des mesures prises aujourd’hui par l’ensemble des pays, des modèles agrobiologiques et paysans existent et constituent une solution fiable pour permettre une vie sur la terre. Le CNRS précise également dans on dernier rapport la possibilité d’une Europe 100 % bio et autonomes en 2050… a condition de prendre le bon chemin ce que ce nouveau sommet mondial ne permet pas d’espérer.
Pour aller plus loin :
Notre article sur la crise climatique : https://www.bioconsomacteurs.org/bio/dossiers/agriculture-alimentation-sante-environnement/comment-la-crise-climatique-impacte-les
Rapport du GIEC https://www.blast-info.fr/articles/2021/le-rapport-du-giec-synthese-et-integralite-dh6_n5k8QWiJCtr1vjMZ4g
Rapport du CNRS sur l’agriculture bio : https://www.cnrs.fr/fr/une-agriculture-biologique-pour-nourrir-leurope-en-2050
Tribune pour dénoncer ce Sommet sur les systèmes alimentaires : https://www.lejdd.fr/Societe/tribune-il-faut-sauver-lagriculture-paysanne-4059271