Les coûts cachés des pesticides et nitrates d’origine agricole

La facture d’eau des Français s’alourdit de 7 à 12% à cause des pollutions dues à l’agriculture conventionnelle. Une externalité à prendre en compte lorsqu’on parle du prix de l’agriculture biologique.

 
On sait qu’ils existent, mais on ne les voit pas. Les chiffres du Commissariat général au développement durable (CGDD) s’imposent d’eux-mêmes. Nous dépensons en moyenne entre 1 000 et 1 500 millions d’euros supplémentaires par an, à cause des excès de nitrates et de pesticides d’origine agricole présents dans l’eau.  D’après l’étude, entre 640 et 1 140 M€ sont payés via la facture d’eau: n’importe lequel d’entre nous dédie 7 à 12% de sa redevance à la gestion des nitrates et pesticides issus de l’agriculture conventionnelle.
 
Indépendamment de leur facture d’eau, les Français dépenseraient un surplus de 380 M€  lié à ces pollutions agricoles: 160 millions d’euros pour les systèmes de filtration de l’eau à domicile,  220 M€ pour l’achat de bouteilles d’eau minérale pour les enfants en bas âge, 10 à 14 M€  pour la collecte et le traitement de ces déchets ménagers.
Dans les localités les plus polluées, le surplus atteint 494 euros par ménage (ou 215 euros par personne), annuellement, facture d’eau et installations personnelles confondues. Soit un surcoût de près de 140% par rapport à la facture d’eau moyenne de 2006.

 

Mélanger eaux contaminées avec eaux propres pour produire de l’eau potable

Où vont les 640 à 1 140 M€ payés via la facture d’eau ? D’abord, dans le traitement de potabilisation de l’eau. Débarrasser l’eau des polluants pour la rendre potable, ça coûte cher : «  les coûts d’élimination des nitrates et pesticides des milieux aquatiques seraient respectivement supérieurs à 70 euros par kg pour les nitrates, et à 60 000 euros par kg pour les pesticides », détaille le rapport. Quant aux eaux usées, elles doivent aussi subir des traitements avant de repartir dans la nature. En tout, potabilisation et traitement des eaux usées coûteraient de 480 à 870 M€ par an.
 
N’oublions pas les 60 à 100 M€ par an, qui servent à déblayer les captages d’eau pleins d’algues et de matières organiques, dont la prolifération incombe aux excès de nitrates. Ni la mise en place de nouveaux captages d’eau situés en-dehors des zones polluées, donc de plus en plus éloignés des agglomérations. Ce qui coûte entre 20 et 60 M€ par an. Sans compter les producteurs d’eau potable qui mélangent les eaux des captages pollués avec celles d’autres ressources « propres ». Ces interconnections coûteraient entre 20 et 40 M€ aux contribuables chaque année. Elles concerneraient « 15% des eaux potabilisées » et  « posent de vraies questions éthiques », précise le CGDD. 
 
Ce ne sont pas les pollueurs, ici les agriculteurs conventionnels, qui payent. Mais les ménages. «Sur 2007 et 2008, les agences de l’eau ont engagé 144 M€ au titre de la lutte contre la pollution agricole alors qu’elles n’ont encaissé qu’environ 11 M€ de redevance de pollution des agriculteurs».  Le rapport pointe en revanche, pour les agences de l’eau, « un solde net annuel de 60 à 70 M€ de dépenses dues aux pollutions agricoles et majoritairement financées par la redevance domestique». Si ces pollutions ne s’arrêtent pas là, le contribuable devra d’ailleurs payer encore plus.
 

Absurdité des traitements curatifs

Car les ressources aquatiques sont déjà dégradées. « Le total résiduel des contaminations azotées des ressources et milieux aquatiques et marins est estimé à 806 000 tonnes, dont 88,7% proviennent de l’agriculture et de l’élevage », rappelle la CGDD. Et « laver » les eaux de surface et côtières de leurs nitrates et pesticides agricoles nécessiterait des traitements dont le coût atteindrait 54 milliards d’euros. Celui de la restauration des eaux souterraines, 522 milliards.
 
Ces chiffres démontrent l’absurdité des coûts des traitements curatifs, et l’intérêt des actions de prévention. Ils soulignent notamment l’ « importance de la mise en œuvre des engagements du Grenelle impactant la qualité des ressources aquatiques, dont les engagements sur l’agriculture biologique, la protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable, les bandes enherbées et le retrait des pesticides ». Le défi sera peut-être relevé en 2012.

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