En France, la pollution de l’air est un enjeu majeur, provoquant 48 000 décès annuels (9% de la mortalité). Les valeurs limites ne sont pas toujours respectées malgré des engagements pris en 2005. En octobre 2019, la France a été condamnée par la justice européenne pour mise en danger de ses citoyens et encourt une amende de 11 millions d’euros. L’air est pollué par les particules fines et gaz toxiques (trafic routier, industries) mais aussi par les pesticides.
Qu’entend-on par « pesticides » ?
C’est un terme générique qui rassemble des produits de lutte contre divers organismes : herbicides, insecticides, parasiticides, fongicides (champignons parasites des végétaux) et les biocides (organismes nuisibles). Ils sont utilisés dans l’agriculture, l’horticulture (jardins), la sylviculture (forêts), l’hygiène (cafards, puces) ou encore le BTP (aéroport, chemins de fer, routes).
Les pesticides sont un véritable problème de santé publique. Certains sont accusés d’être des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire d’« induire des effets néfastes sur l’organisme d’un individu ou sur ses descendants » (OMS). Des études scientifiques pointent le fait qu’une faible exposition à des pesticides sur une période de longue durée augmente le risque de développer des cancers, des problèmes neurologiques, d’infertilité ou immunitaires.
La contamination de l’air par les pesticides
En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe la pollution de l’air comme l’un des 10 problèmes majeurs mondiaux. On retrouve des pesticides dans l’air car entre 25% et 75% ne se déposent pas sur les surfaces traitées lors des épandages. Ce taux varie en fonction des conditions météorologiques et climatiques, des produits et des quantités utilisés, de la dégradabilité (incorporation dans les sols), du type de surface et des pratiques agricoles. Les pesticides se retrouvent donc dans l’air que nous respirons, par le vent, l’érosion des sols ou l’érosion éolienne.
Un rapport alarmant publié en décembre 2019 par Atmo France (la fédération des Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air – Aasqa) montre que nous respirons directement les pesticides qui sont dans l’air. Ce rapport est issu de 15 ans de recherches menées entre 2002 et 2017, et a consisté en 6837 prélèvements sur 176 sites permanents ou mobiles répartis en zones rurale ou urbaine. On y découvre qu’on respire, en plus de particules fines et de gaz toxiques présents dans l’air, entre 40 et 90 pesticides (fongicides, insecticides, herbicides) dont certains sont pourtant interdits. Ce taux de pesticides dans l’air varie selon le type de zone (rural, urbain avec les désherbants et insecticides sur la voirie et les parcs) et de cultures (agriculture, viticulture), la saison et les conditions météorologiques. Par exemple, le taux de pesticides dans l’air sera plus important à l’automne pour les zones agraires, et au printemps ou en été pour les zones viticoles. Il y a également des pesticides présents dans l’air intérieur, ceux utilisés dans les logements pour éliminer les poux, les cafards, les mites. En zone urbaine, de nombreux désherbants et insecticides sont aussi utilisés sur les voiries et dans les parcs.
Que faire ?
Si la mesure des pesticides dans l’eau et les denrées alimentaires est obligatoire dans l’eau depuis 30 ans, elle ne l’est toujours pas dans l’air. De fait, il n’y a ni de limites règlementaires sur les concentrations de pesticides, ni de plan de surveillance national en la matière. Cette surveillance est réalisée par des associations (les associations de surveillance de la qualité de l’air -AASQA) et l’Observatoire des résidus de pesticides (ORP) qui analysent leur risque sanitaire.
Le nombre de pesticides autorisés en Europe a tendance à diminuer, mais il faut souligner que certains persistent dans l’air plusieurs années après leur interdiction. En 2018, l’ANSES publie un communiqué de presse sur les polluants non réglementés dans l’air ambiant. Du fait de leurs effets néfastes sur la santé, il est possible d’effectuer un signalement pour déclarer des symptômes, identifier des risques connus et potentiels ainsi que proposer des mesures. Les différents relais sont les suivants :
• La plateforme PhytoSignal, centralisée à l’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine
• Le Portail de signalement des événements sanitaires indésirables, sous l’égide du Ministère chargé de la santé
• L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES)
Cette lutte contre l’usage des pesticides est incarnée par l’association Nous voulons des coquelicots. Créée à la fin 2018, l’Appel pour l’interdiction de tous les pesticides de synthèse a franchi le million de signatures fin 2019. La Semaine pour les alternatives aux pesticides, dont nous sommes partenaires, a lieu une fois par an fin Mars, avec des projections, des conférences-débats, des ateliers, de visites de fermes et d’autres événements.
Dans le contexte actuel de pandémie liée au coronavirus, dans un article publié le 30 mars 2020 dans le journal Le Monde, des médecins et chercheurs alertaient que la pollution de l’air est un « facteur aggravant ». Atmo France, qui regroupe l’ensemble des organismes de surveillance de la qualité de l’air, concluait même qu’« une exposition chronique à la pollution de l’air est un facteur aggravant des impacts sanitaires lors de la contagion par le Covid-19 ».
Il serait grand temps d’appliquer le principe de précaution pour protéger la santé des populations…
Cet article a été rédigé par Aymée Nakasato, bénévole de Bio consom’acteurs.