Eau contaminée et pesticides

Retour sur le scandale récent des traces de résidus chlorothalonil dans l’eau du robinet. Malheureusement, ces condamnations sont courantes et récurrentes !

 

En bref :
            

  • Le chlorothalonil est un pesticide fongicide utilisé en agriculture (céréales et protéagineux) depuis les années 70.
  • Des traces ont été retrouvées en 2023 dans le réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine début avril par l’ANSES. Un tiers de l’eau consommée serait concernée
  • Le chlorothalonil n’est pas le seul produit retrouvé. L’analyse découvre la présence de 7 molécules dépassant la limite de qualité de l’eau.
  • Le chlorothalonil est un produit irritant et hautement toxique.
  • Les contrôles deviennent complexes et coûteux avec l’apparition de nouvelles molécules. La facture pourrait se chiffrer en milliards d’euros.
  • Les pesticides de synthèse et le modèle agro-industriel en cause : la dépendance du système agricole à ces produits nocifs pour l’Homme et la Nature pourrait sanitairement nous coûter très cher.

 

Le chlorothalonil est un pesticide fongicide utilisé en agriculture (céréales et protéagineux) depuis les années 70 ou dans les peintures de bateaux pour éviter le développement d’algues et de micro-organismes. Il est interdit en France depuis 2020.
Ce produit chimique de synthèse, ou produit phytosanitaire, est classé cancérigène supposé et avait été interdit par la Commission Européenne en 2019, alors qu’il avait été prouvé dangereux dès 2009 par les USA (1). La France avait alors accordé un délai supplémentaire (jusqu’en 2020) afin d’écouler les stocks. Un peu étrange « d’écouler les stocks » (c’est à dire de continuer de polluer les sols, les aliments et les corps) lorsqu’on sait que c’est un produit nocif pour l’environnement et la santé… business is business!

Des traces ont été retrouvées dans le réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine début avril par l’ANSES

Le 6 avril 2023, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, découvre des résidus de chlorothalonil dans l’eau du robinet, mais aussi dans les eaux souterraines (dont on tire les eaux minérales en bouteille). Un tiers des échantillons est contaminé au chlorothalonil, ce qui signifie qu’au moins un tiers des eaux ne sont pas conformes aux règles de qualité de l’eau.
Le chlorothalonil n’est pas le seul produit retrouvé lors de cette analyse : sur 157 produits recherchés, 89 ont été détectés, dont 7 molécules dépassant la limite de qualité de l’eau (supérieur à 0,1 µg/litre).

Scandale sanitaire (et économique)

Le chlorothalonil un produit irritant et hautement toxique. Il peut être mortel pour l’homme par inhalation et provoque des lésions oculaires graves en cas de contact avec l’œil. C’est aussi un produit très nocif pour les milieux aquatiques (classé Danger aigu et chronique par l’ANSES en 2017).
L’ensemble du territoire n’est pas touché de la même manière. Les régions Hauts de France et Bourgogne Franche Comté sont les plus atteintes par cette pollution. La facture liée à la décontamination de ces molécules pourrait se chiffrer en milliard d’euros. Les filières de traitement conventionnelles ne parviennent pas à se débarrasser de cette molécule. Les technologies pour éliminer ce produit dans les eaux sont très coûteuses et énergivores. De nombreux centres de traitements des eaux n’ont pas les moyens de les mettre en place… ou alors ce sera le consommateur qui en payera le prix, et verra le prix de l’eau augmenter.
Cette situation met en lumière la persistance dans notre environnement des produits chimiques et à quel point leur toxicité peut être dangereuse pour l’homme, même des années après leur éventuelle interdiction.

Contrôles et persistance des produits : les pesticides (à nouveau) en cause
Cette situation soulève un problème plus général : les pesticides et leur utilisation depuis des décennies, leur persistance dans les milieux, ainsi que leurs métabolites. Les métabolites sont des nouvelles molécules, dérivées du produit initial (la molécule mère), dont on ne sait pas grand-chose pour l’instant. Nous savons néanmoins que ces molécules plus petites sont encore plus persistantes dans l’environnement que la molécule mère.
Pesticides, fongicides, herbicides et leurs métabolites se retrouvent donc dans les sols, dans les nappes phréatiques et au final dans l’eau du robinet. A cela, on peut ajouter d’éventuelles molécules toxiques issues des produits de ménage ou d’hygiène qui peuvent se retrouver également dans l’eau du robinet. Et on obtient un « effet cocktail » longue durée encore peu maitrisé. Car pour trouver chaque substance toxique, même à des taux très faibles, il faudrait les chercher…
A l’image du scandale du chlordécone, quelles seront les conséquences demain de ces cocktails chimiques quotidiennement ingérés ?

Généraliser l’agriculture bio pour réduire les factures d’eau

Il est temps d’en finir avec les pesticides de synthèse ! A défaut, a minima renforcer les procédures d’autorisation des pesticides, notamment pour y intégrer la question des métabolites.
L’absence de contrôle et le maintien des produits chimiques de synthèse dans la pratique agricole entretiennent un modèle mortifère, lié à l’agro-industrie. En fait, nous passons trois fois à la caisse: à l’achat, pour les coûts de santé et pour payer les coûts de dépollution.
Pourtant, la pratique de l’agriculture biologique se généralise pour protéger les zones de captage en eau ou des bassins versants, et faire des économies de retraitement. Pour la ville de Munich, le coût du programme de soutien à l’agriculture bio représente 0,01 euro par m3 d’eau distribué, et cela évite les coûts de retraitement des eaux, sachant que le seul coût de retraitement des nitrates est de 0,3 euro par m3, en France.

La généralisation de l’agriculture biologique constitue une véritable solution crédible et durable, a minima sur les zones de captage.

SOURCES
(1) https://www.sagepesticides.qc.ca/Recherche/Sante/DisplaySante?MatiereActiveID=111

https://www.vie-publique.fr/en-bref/288981-des-traces-de-chlorothalonil-r471811-dans-leau-potable-du-robinet
https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/residus-dun-fongicide-presents-dans-leau-potable-il-est-important-que-cette-molecule-soit-plus-surveillee-20230406_YZHMIXHLVNCM7EELPN3ZCI3P3Q/
https://www.anses.fr/fr/system/files/Fiche_PPV_Chlorothalonil.pdf

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