Bio et autonome : le chamboulement d’une ferme conventionnelle

Nadine et Jean-Paul Loisy, éleveurs laitiers en Bourgogne, sont passés en bio en 2012. Ce qui les a mis sur la voie ne paie pas de mine : l’homéopathie.

Cela fait un an que Nadine et Jean-Paul Loisy, éleveurs et fromagers, ont dit officiellement adieu aux tourteaux brésiliens, engrais chimiques et autres antibiotiques… et accueilli prairies, céréales, pois, trèfles ainsi que l’homéopathie. Certifiés bio en 2012, ils reviennent de loin.  En soixante ans, la ferme familiale du Val d’Osseux, nichée dans le village de Rouy, dans la Nièvre (58), est passé de l’élevage conventionnel de vaches charolaises à viande, avec 27 hectares. A 80 vaches laitières (Holstein et Jersiaise), élevées grâce à plus de 90 hectares d’herbages et cultures, pour que les 8 salariés fabriquent du lait et du fromage. C’est grâce à une formation en homéopathie vétérinaire que le couple se lance, en 2007, dans une démarche d’autonomie à laquelle la bio a fait écho. Au pré l’été, les vaches sont nourries grâce à une bonne diversité d’espèces de plantes (vesce, pois, trèfle, fléole, ray-grass, avoine, orge, maïs…), produites sur la ferme. Les animaux sont soignés à l’homéopathie. Tandis que la fromagerie, les salles d’affinage et la maison des Loisy sont chauffées grâce à une chaudière à bois déchiqueté, bois qu’ils récoltent dans un bosquet, à deux pas de la ferme. Le foin est séché dans la grange, grâce à des capteurs solaires sous toiture. En un an, le couple d’éleveurs produit environ 480 000 litres de lait. La moitié est vendue à une coopérative laitière, qui le vend sous forme conventionnelle. Le reste est transformé en fromages : faisselles, tomettes, lactiques de la marque Val d’Osseux et Nivernais, vendus essentiellement dans la Nièvre. Parmi leurs clients : une soixantaine de magasins du département, bio ou non ; mais aussi des citoyens du coin, lors des marchés bihebdomadaires et du marché de producteurs mensuel. Pour finir, un éleveur de chèvres bio redistribue les fromages du Val d’Osseux sur le marché Raspail, à Paris. Entretien avec Nadine Loisy, qui a rejoint l’exploitation en 1993, où elle tient un magasin de produits de la ferme.

Bio Consom’acteurs: Certains consommateurs ne comprennent pas pourquoi les produits bio sont plus chers que les non-bio. Que leur répondez-vous ?

Nadine Loisy : Qu’en France, l’agriculture biologique a des rendements globalement inférieurs à ceux du conventionnel et que les agriculteurs ont besoin de compenser cette perte. C’est en tout cas ce qu’on a constaté sur notre ferme : nos vaches produisent 30% de lait en moins que lorsqu’elles étaient en conventionnel. Du coup, pour compenser une partie de cette perte de production – qui se répercute sur nos revenus-, nous majorons le prix auquel nous vendons nos produits. Cette majoration se répercute forcément sur le prix que paye le consommateur. Ceci dit, il y a quelques années, il y a eu des abus de la part de certains intermédiaires en bio. Ceux-ci n’acceptaient de payer le producteur que si son prix n’était que faiblement majoré… alors que ces mêmes intermédiaires se faisaient de belles marges. Au final, le consommateur payait un prix déconnecté de la réalité. Heureusement, ces abus sont, me semble-t-il, révolus.

Bio Consom’acteurs : Vous êtes certifiés bio depuis mai 2012 alors que la ferme du Val d’Osseux existe depuis 50 ans et que les parents de Jean-Paul, votre mari, étaient en conventionnel. Qu’est ce qui vous a fait passer à l’agriculture biologique?

Nadine Loisy : Nous sommes arrivés à la bio en passant par l’homéopathie. Nos vaches avaient des problèmes de santé dont on n’arrivait pas à se débarasser : boiteries, mammites, inflammations des pattes, poil terne… Nous dépensions 7000 euros par an de frais de vétérinaires et rien n’améliorait la santé de nos bêtes.  Mon mari était découragé. Il ne supportait plus le fait d’être totalement dépendant des médicaments et produits phytosanitaires, du pulvérisateur de pesticides, des tourteaux de soja à importer du Brésil, des tâches administratives parfois lourdes, etc. Il songeait à arrêter le métier. Et puis un jour, en 2007, on s’est laissé convaincre, par un groupe d’amis agriculteurs, de suivre une formation de quelques jours en homéopathie vétérinaire. On a constaté qu’en observant davantage les animaux et en modifiant leur nourriture, on pouvait prévenir beaucoup de maladies. Cela a été le déclic. Nous avons décidé de continuer l’élevage, mais avec l’homéopathie. Et comme en homéopathie, il est établi que la bonne santé des animaux dépend pour moitié de leur alimentation, il nous a fallu chambouler tout notre système. On a arrêté d’acheter du soja brésilien. On a intégré le fait que les vaches étaient des ruminants, et qu’il fallait donc les faire brouter. Nos prairies comptent plusieurs espèces de plantes, complémentaires entre elles pour l’apport d’azote. On a planté aussi du maïs, de l’orge, de l’avoine…En somme, on a retrouvé notre autonomie. A la fois du point de vue de l’alimentation des vaches, mais aussi du point de vue vétérinaire. L’homéopathie, c’est bien connu, ne fait pas travailler beaucoup de laboratoires pharmaceutiques… Et on s’en sort bien. La preuve : en 2012, on a dépensé 2900 euros par an de frais de véto [NB : contre plus du double en 2007]. Faites le calcul !

Bio Consom’acteurs : Vous disiez que l’élevage bio en France donnait des rendements moindres. Par ailleurs la bio demande plus de main d’œuvre, de temps de travail… Ne regrettez-vous pas ce choix ?

Nadine Loisy : Non, car on s’est rendu compte qu’on pouvait prendre nous-mêmes des décisions au lieu de se les faire dicter par des conseillers techniques – même si je ne dénigre pas leur métier. Certes, nous courons un peu après le temps : il faut observer les animaux, faire les foins, les récoltes, les moissons, etc. Mais à côté de ça, on a gagné quelque chose : le fait d’avoir repris en main notre métier d’éleveur-polyculteur. Et ça nous encourage pour voir plus loin. Petit à petit, on essaie de sensibiliser les agriculteurs de notre entourage à nos pratiques. Et Jean-Paul s’intéresse de près à la biodynamie. Si c’est pour être encore plus autonome, pourquoi pas ?

Voir le site de la ferme du Val d’Osseux
Contact: 
Le Val d’Osseux
58110 ROUY
Téléphone : 03 86 60 20 63
Fax : 03 86 60 21 21
Mail : contact@levaldosseux.fr

 

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