Après des « Coquelicots », la nouvelle tribune « Nous voulons des paysans »

Alors que la crise sanitaire révèle les failles de notre système alimentaire, le mouvement « Nous voulons des coquelicots » lance un nouvel appel intitulé « Nous voulons des paysans ».

La part des agriculteurs et agricultrices dans la population active ne cesse de diminuer, du fait du progrès technique continu dans le secteur, mais aussi à cause des conditions de vies souvent très difficiles pour ces travailleu.rs.ses qui ne les encouragent pas à s’engager dans le métier. L’agriculture reste un secteur où la compétition, la surproductivité mais aussi la détresse sont maîtres mots. L’épidémie nous le prouve, il est grand temps de changer nos modes de productions : l’agriculture et l’élevage favorisent le développement des zoonoses (maladies qui se transmettent de l’animal à l’Homme et vice-versa, comme le COVID-19), et les conséquences du dérèglement climatique vont impacter nos capacités à alimenter l’ensemble de la population de manière satisfaisante !
Nous sommes actuellement dans une période décisive pour acter une réelle transition écologique et sociale, et notamment au niveau agricole. L’Union Européenne s’apprête à voter les nouvelles orientations prises par la Politique Agricole Commune pour les six années à venir. A l’Assemblée Nationale les député.e.s vont devoir se positionner sur la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes. Cette période est charnière, il est plus que temps que notre voix soit réellement prise en compte !

Voici leur appel :

« Nous avons tant besoin de paysans. Officiellement, ils ne sont plus que 430 000, alors qu’ils étaient encore 7,4 millions en 1946. Beaucoup seront partis à la retraite sous trois ans, et ne seront pas remplacés. Seront-ils demain moins de 150 000, rescapés au milieu d’un désert de machines et de détresse ? Sur une planète dévastée par la crise climatique, la mort des oiseaux et des insectes.
Nous avons tous cru que le glorieux travail de la terre pouvait être remplacé par le pétrole, les engins et la chimie. Nous, paysans et non-paysans. Cette vision nous a conduits dans une impasse. Un système absurde, celui de l’agriculture industrielle, nous prive de tout avenir commun. Des paysans endettés se suicident, les sols meurent, des maladies chroniques surgissent, la société se détourne de produits qu’elle ne veut plus manger. 
Il faut donc changer. Nous voulons de grandes retrouvailles entre les paysans et tous ceux qui ont oublié leur passé. Nous voulons que l’immense énergie mise au service de l’industrialisation des campagnes serve aujourd’hui à reconstruire ce pays autour d’un seul mot, celui d’espoir. La France manque de millions de paysans heureux, fiers de nourrir la société tout en retrouvant l’harmonie avec la nature.

Seule leur présence permettra de faire face ensemble au grand défi climatique et à l’effacement de la biodiversité. Au passage, des milliers de petites villes et de villages ne seraient plus les oubliés des services publics, des transports, et de l’avenir. Il s’agirait aussi d’une révolution calme, bénéfique à l’équilibre spatial et psychique de tous.
Et c’est pourquoi nous voulons un plan de sortie de l’agriculture industrielle en dix ans. Il impose des investissements publics massifs, que nous estimons à 200 milliards d’euros au total, soit dix milliards par an. La crise du coronavirus montre qu’on peut mobiliser des budgets colossaux pour des causes bien moindre. Dans ce temps si bref, ce plan permettra à tous les paysans de le rester, et d’évoluer dans la direction souhaitée par la société. Mais il aidera aussi à installer un million de jeunes et moins jeunes, qui deviendront paysans en accédant à une terre que la spéculation foncière leur refuse.

Ce nouveau contrat social doit permettre de produire des aliments de qualité pour tous, sans pesticides, et de les vendre dans des circuits rémunérateurs et stables. L’objectif est fou, mais il est surtout réaliste. Ce qui serait fou, c’est de continuer sur la voie de la destruction des écosystèmes. De sacrifier la santé publique. D’ignorer les signaux qu’une planète exténuée nous envoie chaque jour. Il est temps de se lever et d’annoncer ce que nous voulons vraiment. Car il y a un chemin, et nous allons le parcourir. Ensemble. »

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