Portraits de Dorothée et Marc Pottier, paysans bio dans les Ardennes

A l’occasion de la Journée du patrimoine agricole bio et équitable, dimanche 14 mai 2023, nous avons interrogé un couple d’agriculteurs sur la ferme de Lucquy : Dorothée et Marc Pottier.

 

Dorothée Pottier, Présidente de l’association des agriculteurs « Bio des Ardennes »


« Je vends du local, mais mon local à moi : il est bio. Mes clients ne roulaient pas sur l’or, mais ils mettaient les moyens dans la nourriture parce que pour eux c’est ça qui avait de la valeur ! »

  • Qui êtes-vous ? Pouvez-vous présenter votre activité ?

Je m’appelle Dorothée Pottier, je suis agricultrice associée avec mon conjoint et mon frère sur une exploitation agricole dans le sud des Ardennes. Une exploitation qui ne fait que des productions végétales, 100 % bio.
Par ailleurs, j’ai des responsabilités dans le monde de la bio, puisque je fais partie du conseil d’administration de « Bio des Ardennes », association des agriculteurs biologiques des Ardennes, dont je suis présidente.

  • Pourquoi avez-vous choisi de cultiver en bio ET équitable ? Depuis quand ?

J’ai choisi de changer de vie il y a quatre ans, de revenir sur la ferme familiale et de m’associer avec mon frère. A la base j’ai suivi des études agricoles, c’est mon métier d’origine. Dans mes autres engagements professionnels et personnels, j’étais consommatrice bio, très engagée pour l’agriculture biologique et pour son impact sur l’environnement. Quand je suis revenue vivre sur la ferme, il était hors de question qu’on soit sur un autre système de production ! Mon frère était d’accord pour convertir la ferme.

  • Qu’avez-vous prévu pour cette journée ferme ouverte ?

Ce qui me préoccupe, parce que je suis quand même assez âgée et proche de la retraite, c’est ce qu’il va se passer après. On aimerait bien avoir des repreneurs et des gens intéressés par notre système de production, afin qu’on puisse mettre le pied à l’étrier. Personnellement je suis un peu inquiète pour l’avenir de l’exploitation, il faudrait vraiment qu’elle reste en bio, ce serait très important !

  • Comment commercialisez-vous vos produits ?

Tout à l’heure, j’ai répondu à la question bio, mais pas du pourquoi « équitable ». Quand nous sommes passés au bio, nous avons aussi fait le choix que la plupart de nos productions céréalières, oléagineuses, protéagineuses soient commercialisées par une coopérative. Dès notre arrivée, nous avons changé pour une coopérative  100 % bio et engagée pour un commerce équitable, même si cette ferme a toujours été dans cet esprit de coopérative. On livre tout à la coopérative « Probiolor » en Lorraine.

  • Avez-vous été impactée  par une baisse des ventes à votre échelle ? Connaissez-vous les causes ?

Alors pas du tout impactée, bien au contraire ! Les gens étaient assez surpris car nous n’avions pas augmenté nos prix de vente. On fait aussi un peu de vente directe pour parler de nos métiers et de notre travail.  

Le différentiel prix entre bio et conventionnel a diminué : c’est un argument qui passe bien auprès des consommateurs. En effet, ils font le constat par eux-même et nous disent «  vous n’avez pas augmenté vos prix ! ». Mais en réalité, si on avait pu augmenter nos prix, on les auraient augmenté ! On a aussi des charges, mais comme on n’utilise pas d’engrais chimiques, nous avons été aussi moins impactés par l’inflation. On fait de la pomme de terre, et nous avons des frigos à faire tourner, donc on a été très impactés au niveau du coût de l’électricité. Alors à un moment, il faudra rattraper, car nos charges ont augmenté.

  • Vous sentez-vous soutenu par les consommateurs-rices ?

Dans la région : NON ! Du moins pas dans le département des Ardennes. Je crois que c’est le département, en terme de production Bio, qui est en queue de peloton, mais nous sommes pas les derniers. On est à environ 10 % des surfaces en bio, par contre en terme de consommation, c’est une véritable catastrophe. C’est vraiment très difficile, les explications qu’on peut donner ne sont pas toujours bien reçues.
Alors que les prix n’ont pas augmenté, le Bio reste quand même plus cher, ce qui est normal. En fait on oppose toujours comme argument « Je préfère le local ».
Donc je répond toujours que moi aussi je fais du local ! On compare deux concepts (le bio et le local) qui ne sont pas du tout liés. Ce n’est pas bio ou local, moi je vends du local, seulement mon local à moi, il est bio ! Si les gens veulent trouver par exemple du café local dans la région, et bien qu’ils cherchent du café local dans les Ardennes ! (rires!)

  • Vous sentez-vous soutenu ? (par l’État ? La région ?)

Pas assez ! Clairement pas assez !

  • Avez-vous un message à faire passer ?Avez-vous un message à partager avec les consommateurs-rices ?

Le message que j’aimerais faire passer, c’est un peu dur ce que je vais dire, mais je trouve que l’alimentation est devenue une part de moins en moins importante dans le budget des ménages. Cela remonte à plusieurs années déjà. S’il faut faire un effort sur son budget pour l’alimentation, je pense que c’est quelque chose qui vaut vraiment le coup. L’alimentation, c’est ce qu’on ingère,
ce qu’on incorpore, ce qui nous fait grandir et nous fait nous développer. C’est aussi très culturel. Les choix alimentaires ont un impact sur l’environnement dans lequel on vit ! On ne peut pas à la fois râler parce que il y a de la pollution, parce qu’on retrouve des pesticides dans l’eau, qu’on retrouve du nitrate partout … et puis continuer à vouloir faire des économies sur la nourriture en achetant les premiers prix et des produits ultra transformés. C’est une histoire de cohérence et d’engagement. Je sais qu’il y a des familles qui ont un budget assez restreint, car avant d’être agricultrice j’ai eu un petit commerce de produits bio et franchement, mes clients ne roulaient pas sur l’or. C’était des gens très simples, des gens de la campagne qui n’avaient pas beaucoup de moyens. Ils mettaient les moyens dans la nourriture parce que pour eux c’est ça qui avait de la valeur, et tant pis s’ils se serraient la ceinture sur d’autres choses !

 Marc Pottier , agriculteur Bio et conseiller agricole

« Pensez à l’avenir de la planète et mangez Bio ! »

  • Qui êtes-vous ? Pouvez-vous présenter votre activité ?    

Je suis Marc Pottier, je suis à la fois agriculteur Bio et conseiller agricole en Bio

  • Pourquoi avez-vous choisi de cultiver en bio ET équitable ? Depuis quand ?

Je suis agriculteur depuis quatre ans et conseiller bio depuis quinze ans ; c’était une évidence que ce soit en bio. La question ne s’est même pas posée : c’était bio ou pas du tout !

  • Qu’avez-vous prévu pour cette journée ferme ouverte ?

Pour aujourd’hui le 14 mai à l’occasion de la JPABE, nous avons prévu de recevoir du monde, pour expliquer ce qu’est l’agriculture bio et équitable. On a aussi prévu de faire des points de présentation :  conférences sur le bio et sur l’équitable !

  • Comment commercialisez-vous vos produits ?

On les commercialise presque tous en coopérative. Par exemple, les grains sont commercialisés en coopérative 100 % Bio « Probiolor » et pour le reste, c’est la coopérative de luzerne ou la coopérative de betteraves. Pour les pommes de terres, c’est en vente directe, car il n’y a pas de coopérative pour les plants de pommes de terre.

  • Avez-vous été impacté par une baisse des ventes à votre échelle ? Connaissez-vous les causes ?

Nos ventes n’ont pas été vraiment impactées par l’inflation. Sur les grains, nous sommes plutôt concernés par une baisse des prix. L’inflation ne nous a pas impacté directement.
Pour nos ventes directes, nous n’avons pas changé les prix ! Donc pas d’inflation non plus du tout !

  • Vous sentez-vous soutenu par les consommateurs-rices ?

Nous ne sommes pas vraiment soutenus par les consommateurs et les consommatrices. On manque de consommateurs bio et en particulier, les structures de restauration, qui nous oublient complètement !

  • Vous sentez-vous soutenu ? (par l’Etat ? La région ?)

Nous manquons de soutien, notamment de l’État et la région. Si les cantines arrivaient à 20 % de Bio (ce qui était une promesse avec la loi Egalim) et bien on réglerait une partie du problème et on pourrait continuer à développer le Bio. Maintenant, j’ai l’impression que tout le monde s’en fout du bio et donc nous ne sommes plus soutenus !

  • Avez-vous un message à faire passer ?Avez-vous un message à partager avec les consommateurs-rices ?

Pensez à l’avenir de la planète et mangez Bio !

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