L’abattement, la colère et un sentiment d’injustice gagnent des éleveuses et éleveurs de poules pondeuses en plein air confrontés à une « réglementation salmonelles » inadaptée à leurs élevages. Témoignage.
Depuis mars 2020, Angélique Lassonnery élève en bio des poules pondeuses dans les Monts du Lyonnais. Avec deux lots de 300 et 400 poules, elle n’a jamais pu se verser de salaire. La loi oblige les élevages de plus de 249 poules à effectuer régulièrement des prélèvements dans l’environnement pour la recherche de salmonelle. Le 13 octobre 2020, une salmonelle est détectée dans le cadre d’un auto-controle : Angélique doit mettre au rebut la totalité des œufs produits et/ou non livrés à cette date.
« La réglementation n’impose pas l’abattage des poules, ce qui est une aberration si l’élevage est réellement contaminé, mais je ne peux pas nourrir 700 poules si je ne peux pas vendre leurs œufs, alors même que ça me coûte 2000 euros d’aliments par mois, sans compter les charges d’exploitation », dénonce la paysanne. Elle se trouve donc contrainte de les abattre sur sa ferme ; car aucun abattoir ne souhaite prendre ses poules, du fait de quantité insuffisante, mais ne peut demander d’indemnisation (1). Il faut ensuite procéder à un nettoyage, puis à une désinfection chimique de tous les bâtiments, matériel, parcours, abords, chemins d’accès… sous contrôle d’un vétérinaire sanitaire. « A force de tout aseptiser, on crée un désordre bactérien », se désespère Angélique.
L’administration concernée (2) procède alors à de nouvelles analyses, avec 30 prélèvements par bâtiment avant de pouvoir redémarrer l’activité. L’éleveuse ne recevra son nouveau lot de 600 poules que le 29 janvier 2021. Mais sept mois plus tard, le 30 août, c’est la douche froide : angélique détecte à nouveau une salmonelle, toujours dans le cadre d’un autocontrôle. « La salmonelle est une bactérie que l’on trouve partout dans l’environnement, décrypte l’éleveuse. Or, on impose aux élevages plein air et bio de faire des prélèvements dans l’environnement de la ferme et non sur les produits. Malgré le strict respect des mesures de biosécurité, on ne pourra jamais s’affranchir de la présence de salmonelle dans l’environnement et ces contrôles relèvent purement et simplement de la loterie. Je savais que j’allais à nouveau avoir une salmonelle, la question c’était quand ?»
Angélique alerte le groupement de défense sanitaire et la Confédération paysanne, et décide d’attaquer au tribunal l’arrêté ministériel du 1er août 2018. Jusqu’à cet arrêté, des prélèvements contradictoires pouvaient être réalisés en cas de résultats positifs, et l’élevage était placé en surveillance renforcé jusqu’à ce que le doute soit levé ou confirmé : « Ces contre-analyses opermettaient de sauver 40 % des élevages ». Le référé liberté a bien été instruit par le tribunal administratif de Lyon mais il a été rejeté. Angélique, aidée par des éleveurs, a abattu ses poules fin septembre.
C’en était trop : elle a décidé d’arrêter sa production d’oeufs. Mais elle interroge : « La réglementation n’impose pas le rappel des œufs livrés. C’est bien que le risque associé est extrêmement faible ? Dans ce cas, pourquoi prendre des mesures aussi radicales dans les élevages, en abattant des centaines de milliers de poules, sans même se demander si les poules sont contaminées ? » Elle a décidé de poursuivre le combat sur le front syndical pour souligner les limites du protocole actuel, faire réviser l’arrêté de 2018, et proposer des « techniques alternatives naturelles » : « Le nombre d’élevage touché par la salmonelle a considérablement augmenté depuis 2019. Tous les élevages sont touchés : les petits, les gros, les chartés, les non chartés, les jeunes installés, les anciens… L’hécatombe est telle qu’il y a une pénurie de poulettes et qu’il n’est plus possible actuellement pour les éleveurs touchés de remettre des lots de poules pour une durée indéterminée. Bien évidemment, la surveillance et la lutte contre les salmonelles en élevage avicole est incontournable pour garantir un niveau sanitaire élevé, mais sans la modification de la réglementation, inadaptée à nos modèles de production, les élevages de plein air, en particulier les petits, sont voués à disparaître ».
Les éleveurs peuvent adhérer à la « charte sanitaire » et bénéficier en contrepartie d’un dédommagement financier. Sauf qu’aucun petit éleveur ne peut adhérer à cette charte, car les investissements pour garantir le respect des normes d’installation sont très élevés.
-
Les éleveurs peuvent adhérer à la « charte sanitaire » et bénéficier en contrepartie d’un dédommagement financier. Sauf qu’aucun petit éleveur ne peut adhérer à cette charte, car les investissements pour garantir le respect des normes d’installation sont très élevés.
-
Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP)