La production de raisin fait partie des cultures les plus gourmandes en pesticides. Découvrez ce qui différencie du raisin bio d’un raisin conventionnel.
Partie consommée : Au sens botanique du terme, le raisin est un fruit, plus précisément une baie telle que la myrtille ou la groseille.
On plante en général une vigne à l’automne afin qu’elle commence à donner des fruits à la fin de l’été de l’année suivante. Le pied de vigne peut vivre jusqu’à cent ans.
Raisin conventionnel
La vigne fait partie des cultures les plus gourmandes en pesticides.
- La viticulture consomme 20 % des pesticides utilisés en France alors qu’elle représente 3,7 % de la surface agricole utile. Il s’agit pour l’essentiel de fongicides (80%).
- La viticulture réclame en moyenne 14,7 traitements par an, derrière les fruits (17 traitements par an en moyenne – sachant que la pomme subit 34 traitements par an) et la pomme de terre (16 traitements par an), mais bien devant les grandes cultures (entre 2 et 6 traitements par an).
- La fréquence de traitements des vignes varie selon les régions : elle est aux alentours de 22 en Champagne et de 7 en Provence.
Que met-on sur une vigne?
Essentiellement (à 80%) des fongicides, dont il existe plusieurs dizaines de formules commerciales. En conventionnel, on peut trouver par exemple :
- le folpel, un puissant sensibilisant pour la peau, qui serait la première cause de signalement d’un problème de santé chez l’agriculteur ;
- le mancozèbe, très toxique pour les organismes aquatiques et susceptique de nuire au fœtus chez les femmes enceintes selon l’Institut national de recherche et de sécurité ;
- le tébuconazole, cancérogène possible, reprotoxique possible et perturbateur endocrinien selon un rapport de 1996 de l’US Environmental Protection Agency (EPA) ;
- le thiamethoxam, un insecticide néonicotinoïde – qui détruit les pollinisateurs ;
- ou encore le chlorpyrifos, un organophosphoré neurotoxique, qui serait lié à l’apparition d’anomalies dans le cerveau des enfants lors de la grossesse (étude PNAS).
etc.
Conséquences
Des résidus dans le raisin et le vin
- En 2008, l’ONG Générations futures montre que 99 % des raisins qu’ils ont analysés contenaient des résidus de pesticides et que 4,8 % des échantillons contaminés dépassaient les limites maximales de résidus.
- D’après l’Environmental Working Group, une ONG américaine, le raisin fait partie des 12 fruits et légumes comportant le plus de résidus de pesticides, avec les fraises, pommes, pêches, nectarines, épinards, tomates, concombres, poivrons, cerises, céleri et épinards. L’ONG a même trouvé 15 résidus de pesticides différents dans un seul échantillon de raisin.
- En 2013, le laboratoire d’analyses oenologiques Excell montre que 90% des vins qu’ils ont analysés contiennent au moins un pesticide. Il trouve jusqu’à 9 pesticides simultanément dans un seul vin.
- Une enquête de 2013 par Que Choisir montre qu’il y a 300 fois plus de résidus de pesticides dans le vin que dans l’eau potable.
Des effets sur la santé
- En 2012, l’étude Phytoner, menée auprès de viticulteurs bordelais suivis durant 12 ans, montre que les pesticides ont un effet sur les fonctions cognitives, celles-ci se dégradant plus rapidement que la moyenne.
- En 2012 encore, une enquête de Générations futures montre que les professionnels viticoles concentrent 11 fois plus de résidus de pesticides que les non professionnels habitant loin des vignes (6,6 résidus en moyenne contre 0,6). Parmi ces résidus, plus de 45 % sont classées cancérigènes possibles en UE ou US.
- En 2013, l’Inserm montre qu’il y a un lien entre l’exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte. Tout simplement.
- En 2013, Générations futures montre que les salariés d’exploitations viticoles présentent 11 fois plus de pesticides que la moyenne dans leurs cheveux, ainsi que les riverains d’exploitations agricoles (5 fois plus de pesticides que la moyenne). L’ONG aura détecté 6,6 pesticides différents en moyenne chez les salariés viticoles contre 0,6 chez les non viticulteurs.
- En 2015, une étude de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) menée dans un village de Gironde, Preignac, montre que la proportion de cancers chez les enfants locaux est plus élevée que la moyenne nationale. La Gironde est – tiens donc – un des départements les plus consommateurs de pesticides.
A noter : Il n’y a pas de limite maximale de résidus de pesticides dans le vin, contrairement aux fruits, légumes, céréales, etc. Or, le processus de vinification réclame l’ajout de nombreuses substances chimiques.
Raisin bio
La viticulture biologique concerne 1,4 % du vignoble français seulement et un peu plus de 1500 viticulteurs.
Quels produits sont utilisés en bio ?
Les produits autorisés en bio sont peu nombreux. Les plus utilisés sont le soufre et le sulfate de cuivre (bouillie bordelaise). On peut citer également:
* le bicarbonate de potassium
* l’huile essentielle d’orange
* les levures naturelles
* les pièges à colle et à phéromones pour prévenir l’invasion d’insectes
* les produits à base d’almine
* l’huile de fenouil
* Bacillus thuringiensis
* la lécithine de soja
Que fait-on dans une vigne bio – à part du vin?
Du fait du petit nombre de produits utilisables en bio, le viticulteur doit particulièrement insister sur la prévention. En résumé, il faut 1/ travailler le sol de manière à ce qu’il soit bien drainé et ne favorise pas l’apparition de champignons, et 2/ soutenir la faune auxiliaire, cruciale pour réguler les ravageurs un peu trop sans-gêne.
Quelques pratiques :
- Taille, apport de compost, fumier, écorces d’abres, engrais verts (trèfle, pois…), enherbement permanent, effeuillage, etc pour soigner le sol.
- Maintien d’une nourriture abondante pour les insectes auxiliaires, araignées et typhlodromes (ces derniers sont acariens prédateurs des araignées rouges, qui sont d’autres acariens) : enherbement des allées, couverture des talus, mise en place de haies, construction de murs de pierres sèches, aménagement de refuges artificiels, prise en compte des auxiliaires lors de l’utilisation d’intrants, etc.
- En biodynamie : ajout de préparations à base de plantes, de poudre de roche et de cornes d’animaux, pour favoriser l’enracinement et le développement des feuilles.
Défis pour les viticulteurs :
- Les variétés de raisin de table sont plus résistantes à l’oïdium et au mildiou que les variétés à vin et peuvent être relativement faciles à cultiver en bio, y compris par des particuliers…
- Pour la vigne à vin, c’est une autre histoire. D’une part, les marges de manœuvre en termes de plantation sont limitées, du fait des règles liées au terroir, notamment AOC : choix du cépage, densité de plantation, agroforesterie par exemple. De plus, contrairement aux grandes cultures, on ne dispose pas encore de matériel végétal résistant aux agresseurs, d’après l’Institut technique d’agriculture biologique. « On ne peut donc pas intervenir au niveau du choix du matériel végétal à la plantation, comme n grandes cultures, pour limiter l’usage de pesticides à court terme, sauf réponse partielle apportée par le choix d’un porte greffe ou d’un mode de conduite pouvoant diminuer la vigueur et donc limiter une pression parasitaire ».
- Le souci de la flavescence dorée
A l’heure actuelle, peu de choses existent pour lutter efficacement en bio contre cette maladie. La seule solution consiste dans la prévention : 1/ plantation de ceps sains, traités à 50°C pour détruire tous les microorganismes ; 2/ prospection dans les vignobles afin de détecter et arracher les ceps contaminés ; enfin, 3/ maîtrise de la cicadelle (l’insecte vecteur) avec des épandages d’insecticide bio (3 fois par an) : le pyrèthre naturel, extrait des fleurs de chrysanthème. Problème : cet insecticide n’est pas sélectif, et détruit donc la faune auxiliaire, dont le fameux typhlodrome…lequel est crucial pour prévenir le développement d’autres maladies, notamment le mildiou ! Ce qui explique le refus tout net de certains viticulteurs bio d’épandre ce produit, d’autant plus si la maladie ne touche pas leur département…
La petite vie de la vigne
- La vigne réclame beaucoup de soleil et craint les vents trop puissants. Elle a besoin néanmoins de vivre dans un milieu aéré, du fait de sa sensibilité aux champignons : il lui faut donc des sols bien drainés et bien aérés. L’idéal sous nos latitudes étant les terrains en pente, qui facilitent l’écoulement de l’eau de pluie et sont plus ensoleillés.
- La vigne est une liane vigoureuse qui peut atteindre 5 mètres de haut et vivre plus d’un siècle. Pour favoriser sa fructification, elle doit être entretenue tout au long de l’année : taille, effeuillage, palissage (conduite de la plante sur une strucutre : piquets, pergola, treille,etc.).
- Il existe 50 à 60 espèces de vignes dans le monde. C’est l’espèce Vitis vinifera qui est la plus cultivée. Elle-même serait composée d’environ 6000 variétés, qu’on appelle cépages dans le monde du vin.
Ses ennemis
- Les plus importants sont des champignons, qu’il s’agisse du mildiou, de l’oïdium, du botrytis ou encore du black-rot.
- Des petites bêtes peuvent aussi contrecarrer sa bonne santé : acariens et insectes divers comme l’altise – un coléoptère qui troue les feuilles -, la tordeuse de la grappe – une chenille de papillon -, ou encore la cicadelle – une sorte de petite punaise qui se repaît de la sève.
Un cas à part : la flavescence dorée (voir plus haut)
- La cicadelle de la flavescence dorée est le vecteur de la maladie du même nom, qui est mortelle et incurable pour la vigne.
- Cette maladie se répand peu à peu en France depuis les années 1950.
- Elle constitue un vrai problème pour les viticulteurs, qu’ils soient bio ou conventionnels : d’abord parce qu’elle est difficile à détecter, notamment du fait de l’apparition de symptômes seulement un an après la contamination ; ensuite parce que les moyens de lutte existants dans les zones touchées consistent à épandre des insecticides – dont celui autorisé en bio détruit la biodiversité, y compris les auxiliaires (voir plus haut).
Le vin d’abord
- Les premières vignes sauvages ont poussé en Asie centrale et mineure, puis se sont dispersées vers l’ouest, des millions d’années avant l’apparition de l’homme sur Terre.
- Sa domestication il y a environ 6000 ans serait venue de la découverte du processus de fermentation qui transforme le jus en vin. C’est donc d’abord l’effet sympathique de l’alcool, qui a motivé les humains pour cultiver la vigne. Le raisin de table sera consommé par les Egyptiens et Romains de l’Antiquité, mais dans notre monde occidental, ce sera au 20ème siècle que le raisin sera vraiment vu pour ce qu’il est : un fruit très bon, même s’il n’a pas fermenté dans un tonneau.
- Deux événements majeurs dans l’histoire de la vigne européenne fin 19e siècle:
– L’attaque par le phylloxera de la vigne, un insecte venant d’Amérique, causera des dommages considérables en France. La maladie sera enrayée grâce à la découverte de vignes sauvages américaines résistantes à cet insecte. Ce sont ces variétés ou des hybrides qui sont utilisées, depuis, comme porte-greffe à nos vignes.
– L’attaque de mildiou, importée elle aussi d’Amérique du Nord. Elle sera contrôlée grâce à la découverte de la résistance des vignes sur lesquelles a été appliqué du sulfate de cuivre : c’est la naissance de la bouillie bordelaise, mélange de sulfate de cuivre et de chaux éteinte, fongicide qui a alors sauvé les vignobles européens.
Le coeur ou le raisin, pas la peine de choisir !
- Le raisin est un ami de la santé cardiovasculaire, grâce à sa teneur en flavonoïdes, qui sont des antioxydants puissants et ont de jolis petits noms: quercétine, myricetine, kaempférol, catéchines, épicatéchines, proanthocyanidines, anthocyanines. Les antioxydants sont des molécules qui neutralisent les radicaux libres du corps, ce qui prévient l’apparition de maladies cardiovasculaires et certains cancers et maladies chroniques. Des études ont montré que les fruits et légumes bio contenaient davantage d’antioxydants que les conventionnels, ce qui tombe bien (voir l’infographie Mon alimentation c’est moi!).
- C’est une très bonne source de manganèse et aussi de cuivre. Il contient des proportions intéressantes de vitamines B1, B2, B6, C, fer, potassium, phosphore.
- Le raisin noir contient plus de vitamines, de minéraux et nutriments que le blanc. Il est riche en tanins, astringents et antioxydants aussi.
- Défi : pelez vos grains de raisin. Ou pas.
Avez-vous déjà essayé d’éplucher du raisin ? Pénible, non ? C’est pourtant ce que vous devriez faire, si vous mangez du raisin conventionnel : la peau des fruits et légumes concentre le maximum de résidus de pesticides.
Or, on sait aussi que la peau des fruits et légumes contient un maximum d’antioxydants. La peau du raisin n’y échappe pas. En particulier, celle-ci contient beaucoup de resvératrol, un antioxydant que la vigne produit en quantités lorsqu’elle est stressée (par une attaque de pathogène, par exemple) et qui aurait, comme tout antioxydant un effet cardioprotecteur et anti-radicaux libres.
Laissez donc tomber votre économe et régalez-vous de cette belle grappe bio, que vous mangerez toute entière sans scrupules !
- Choisissez du raisin aux grains fermes et bien mûrs. La pellicule blanche sur les grains, ou pruine, est un indice de fraîcheur. Conservez-les bien au sec au réfrigérateur.
- Le vin rouge et le jus de raisin contiennent aussi des flavonoïdes (des antioxydants) : en consommer de façon modérée peut avoir un effet cardioprotecteur…
- L’huile de pépins de raisin est riche en acides gras omega 6 et en vitamine E. Elle est pauvre en acides gras saturés et riche en gras insaturés. Elle peut servir pour la cuisson, la macération et les grillades grâce à son point de fusion très élevé. Elle se conserve aussi au réfrigérateur car elle s’oxyde rapidement.
Manger le raisin différemment
- En soupe froide : mixé avec une purée de pêche, d’ananas, de figues par exemple.
- En sauce trempette, pour aller une tranche de pain complet grillé par exemple : mixer du raisin cru avec oignons verts, ail, piment, coriandre, citron.
- Sauté avec des légumes : oignons, ail, champignons, gingembre, poivrons, choux…
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A lire :
Mon alimentation c’est moi !
Pourquoi l’histoire du viticulteur bio ayant refusé d’épandre un pesticide est plus compliquée qu’il n’y paraît
Le viticulteur bio qui avait refusé de traiter ses vignes enfin relâché : la recherche doit continuer !
Pêche bio vs pêche conventionnelle
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Sources :
Agreste, enquête sur les pratiques phytosanitaires en viticulture en 2013
Bilan des observations du réseau Phyt’attitude de la Mutualité sociale agricole entre 2008 et 2010
Base de données Fiches toxicologiques de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité)
Portail substances chimiques de l’INERIS (Institut national de l’environnemental industriel et des risques)
US Environmental Protection Agency
Analyse de résidus de pesticides dans les cheveux (2013) par Générations futures
Enquête sur le raisin de table et les pesticides dans l’UE (2008) par Générations futures
Pesticides dans les vins 2013 – Etat des lieux, stratégies de réduction et perspectives – Excell
Enquête de Que Choisir sur les pesticides dans les vins (2013)
Environmental working group : Dirty Dozen
Neurobehavioral effects of long-term exposure to pesticides : l’étude Phytoner menée chez des viticulteurs bordelais durant 12 ans