En Mars, ça repart ! Comment aborder 2022 dans les meilleures conditions ?
Avec l’arrivée du printemps, nous initions cette nouvelle rubrique pour vous accompagner au jardin (ou au balcon) avec les saisons, et bien sûr en agriculture biologique. Julien Lucy, qui a été maraicher bio pendant 7 ans en Charente Maritime et désormais salarié de l’association, tâchera de vous aiguiller au mieux mois par mois. Cette rubrique est ouverte, vos contributions, retours et expériences sont les bienvenus !
En Mars, les jours rallongent et la température s’adoucit, mais nous ne sommes pas à l’abri de fortes gelées. Tour à tour peuvent se succéder des pluies diluviennes qui lessivent les sols, des journées où le soleil brille de tous ses rayons, des nuits où le thermomètre descend encore en-dessous de zéro, surtout dans les zones au nord de la Loire. Il faut donc être patient et agir avec méthode, patience et prudence.
Si l’activité reprend au jardin, c’est aussi le moment de terminer la préparation des sols et des travaux nous permettant d’aborder la saison sur de bonnes bases. Avant de démarrer ses semis, mieux vaut patienter encore si l’on ne possède pas d’abris suffisamment exposés et protégés.
Elaborer sa stratégie pour l’année
Idéalement réalisée entre décembre et la mi-février, la stratégie est un préalable à votre action dans le jardin. Si vous n’avez pas réfléchi à ce que vous voulez en 2022, il est nécessaire de s’y mettre rapidement ! Un maraicher élabore ses objectifs chaque année à partir de ce qu’il veut récolter. Il en découle les surfaces qu’il doit aménager et préparer, les commandes qu’il devra réaliser et le calendrier qu’il devra tenir. Notons qu’on part en général de ce que nous voulons manger (ou vendre) pour se rapprocher, par étapes, de ce que nous aurons à faire jusqu’à la date du jour. L’année se pense de manière globale pendant l’hiver et chaque saison devra être anticipée d’une saison à deux saisons à l’avance.
Concrètement, à votre échelle, posez-vous ces quelques questions :
- Que voulez-vous manger cette année ?
- Quand voulez-vous ramasser les différentes cultures envisagées ?
- Quelles quantités souhaitez-vous ramasser ?
- Quelle quantité de semis devez-vous donc commander ou utiliser ?
- Vos espaces (semis, plantation) sont-ils prêts et sinon, où et comment allez-vous préparer votre sol et votre espace ? On peut réfléchir culture par culture aux conditions les mieux adaptées (ensoleillement, qualité du sol, ressources en eau…)
- Quel plan de culture vais-je mettre en place ? Où allez-vous planter chaque culture ? Quelles associations de cultures pouvez-vous mettre en place pour favoriser le développement de vos plantations ?
Astuces : écrivez et dessinez ! Même si vous n’avez qu’un grand balcon, vous aurez une feuille de route. Si vous êtes déjà très expérimenté, prêtez-vous au jeu, de nouvelles idées viendront surement !
Pourquoi pas nous envoyer vos dessins pour illustrer les prochains articles ?
Si vous souhaitez des tomates entre fin juillet et septembre à hauteur de 2kg à 5 kg par jour pour votre consommation, mais aussi pour faire des bocaux, vous devrez faire pousser suffisamment de pieds de tomates et faire vos semis immédiatement, il faut préparer votre sol pour les planter au bon moment et avoir réfléchi à l’exposition et à l’irrigation de vos futurs plants.
Préparer son sol
En agriculture biologique, on pense d’abord aux besoins et à la qualité du sol, avant de penser aux besoins des cultures. Un bon sol est un sol en vie ! Gardez à l’esprit que la qualité du sol se manifeste par le nombre de verres de terre, la biodiversité qu’il abrite et son équilibre global, avant même son PH, sa profondeur ou sa constitution. La qualité de votre sol est la médecine préventive de vos cultures. En favorisant la biodiversité et l’équilibre de votre sol, vous créez des conditions favorables pour limiter les maladies et les invasions qui détruiraient vos espoirs de récoltes.
De nombreuses techniques existent et elles doivent avant tout s’adapter à votre environnement direct. Notons cependant que si vous respectez votre sol, il doit avoir tendance à gagner en hauteur et en richesse. L’inverse de l’érosion des sols constatée en agriculture intensive et conventionnelle.
- Règles de base :
Si vous aviez pris la précaution de ne pas laisser le sol du potager nu en hiver et si vous n’avez pas encore enlevé le mulch ou le paillage qui le recouvrait, il est grand temps de le faire. Les premiers rayons du soleil vont en effet vite réchauffer la terre et surtout la sécher ! Si vous aviez laissé votre sol à découvert, il a certainement été tassé et lessivé par les intempéries, et durci par le gel. Il est donc temps de légèrement l’ameublir, surtout si votre terre est lourde.
En revanche, ameublir ne veut pas dire bêcher sans retenue. Adoptez plutôt l’un des principes de la permaculture et aérez simplement la partie supérieure du sol avec une grelinette. Cette technique a le mérite de ne pas trop bousculer la petite faune qui œuvre dans le sol. Et profitez en bien évidemment pour fertiliser votre terre avec du compost ou du fumier bien décomposé. En ameublissant le sol, il reste en surface et nourrit ainsi la terre en profondeur. Si votre sol n’est pas trop lourd à tendance sableuse, un simple coup de croc suffit.
Vous pouvez dès à présent semer des engrais verts à croissance rapide sur les parcelles qui ne seront pas occupées immédiatement. Vous pouvez ainsi semer de la féverole, de la luzerne, de la vesce, de la phacélie et de la moutarde blanche qui poussent rapidement. Ces engrais verts vont fournir des éléments nutritifs au sol, en particulier de l’azote, limiter la propagation des adventices, favoriser l’aération du sol par leur système racinaire et attirer les insectes auxiliaires.
Enfin, commencez à observer attentivement votre potager afin de repérer les indésirables comme les limaces ou les escargots.
Si vous faites un potager pour la première fois et que votre sol n’est pas prêt, hâtez-vous mais pas de panique :
- Le plus souvent, on installe le potager dans un terrain colonisé par de l’herbe bien installée que l’on va devoir déloger. Dans ce cas, le premier bêchage fait office de défrichage. Utiliser une fourche-bêche, qui va pénétrer plus facilement.
- En terrain souple, bêcher à grosses mottes et laisser ainsi : les racines exposées à l’air et au soleil vont sécher et mourir. Reprendre ensuite les mottes une à une et les secouer pour éliminer l’herbe.
- En sol argileux, la terre formant des blocs très compacts à l’air, ôter les racines au fur et à mesure de leur extraction et les laisser sécher en tas ou les mettre sur le compost.
Prendre le temps d’effectuer ce désherbage soigneusement. Agir en plusieurs fois car c’est fatigant : la taille du premier potager devrait s’en ressentir !
Dans l’idéal, il faudrait bêcher deux fois avant de semer et planter. Mais il est possible d’installer des plants de légumes assez faciles à cultiver (plants de tomates, courgettes), avec un bon paillage pour limiter les mauvaises herbes et éviter l’évaporation trop rapide.
L’objectif est d’obtenir un terrain meuble et souple, dans lequel les racines n’auront pas de mal à s’enfoncer.
Une plante ne se nourrit bien que dans un sol vivant : il faut donc entretenir la fertilité du sol avant de nourrir la plante.
C’est le rôle du compost, un fertilisant organique, mélange de végétaux décomposés que l’on peut acheter ou fabriquer soi-même avec les déchets du jardin et de la cuisine.
Il est apporté à la terre avant les cultures, l’automne précédent ou juste avant la plantation selon les cas.
Comme en cuisine, la lasagne c’est l’alternance successive de couches de matières sèches et de matières humides pour créer un sol fertile pour les plantes. Créer une lasagne permet d’installer votre potager n’importe où dans votre jardin sans travail du sol. Les avantages sont donc multiples car vous limitez perturbation et la fatigue du sol. Le resultat sera directement exploitable : vous pourrez planter et semer directement dessus ! Toutes les matières de la lasagne retiennent l’eau, vous aurez moins besoin d’arroser. On utilise les déchets qu’on a sous la main, nos ressources : nous polluons moins ! Créez votre lasagne de préférence en automne pour laisser le temps aux éléments de se dégrader jusqu’au printemps. Avantage considérable en période hivernale : la dégradation des éléments dégage de la chaleur qui fera gagner quelques degrés à vos plantes ! Nous sommes en mars donc à noter pour l’année prochaine, vous pouvez malgré tout vous lancer en 2022. Alternez les couches de matières humides et de matières sèches. Veillez à bien mettre le double de matière sèche par rapport à votre matière humide et prévoyez 50 cm de hauteur pour votre lasagne :
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Prévoir et aménager ses espaces
Pour réussir son jardin, quelle que soit sa taille, vous devez aménager et préparer vos espaces en fonction de votre environnement et de vos contraintes. Où et comment allez-vous faire pousser vos semis ? L’environnement du sol déjà préparé pour les plantations est-il prêt et adapté ?
- Balcons et maison
Il existe trois paramètres de base : la température, l’éclairage et la ventilation. Tous sont très importants, mais parfois nous les contournons.
Pour la germination des graines de la plupart des légumes qui aiment la chaleur, une température supérieure à + 20 ° C (de la terre et non de l’air) est souhaitable pour la croissance réussie des plants
Si votre appartement est à + 23 ° C, cela ne signifie pas que le sol contenu dans la boîte à semis est chaud. Prenez le temps de planter le thermomètre dans le sol et vous serez désagréablement surpris. Si la boîte est située loin de la vitre, la température du sol est généralement inférieure de 5 ° C à celle de l’air de la pièce. Et si la boîte est sur le rebord de la fenêtre à côté du cadre, elle peut être inférieure de 10 degrés ou plus. À cette température, les graines des cultures qui aiment la chaleur germent mal ou peuvent même pourrir. La même chose peut se produire avec les semis, car le système racinaire refroidi des jeunes plantes fournit mal de l’eau et des solutions nutritives aux organes végétatifs.
Pour améliorer l’éclairage des plantes, il est possible de mettre un écran réfléchissant sur le bord de la fenêtre, en le fabriquant à partir de cartons et de papier d’aluminium collé dessus. Les rayons du soleil se reflètent sur la feuille et illuminent les plantes du côté de la pièce. Dans ce cas, vous pouvez ajuster la pente des boucliers afin que les rayons réfléchis frappent mieux la plante. Pour tout rétro-éclairage, il est nécessaire d’utiliser le maximum de rayons solaires. Pour ce faire, il faut bien essuyer la vitre de la fenêtre et disposer les plantes quotidiennement de manière à ce qu’elles s’ombragent moins et soient éclairées de manière plus uniforme.
- Mini Serre de jardin
Une mini serre est très utile au potager et au jardin d’agrément pour lancer les semis de légumes ou de fleurs. Elle peut être réalisée avec des matériaux récupérés. De nombreux plans et tutto existent. Gardez cependant en tête qu’il faudra arriver à une température adéquate et protéger au mieux du froid votre serre le soir et la nuit.
- Techniques d’adaptation en milieux hostiles (ou non propices)
Si vous ne disposez pas de serre, que vous n’avez pas la possibilité de créer une mini serre ou que l’option fenêtre est compliquée à mettre en œuvre, vous devez garder en tête les règles fondamentales, trouver l’endroit le plus lumineux et abrité possible et sortir régulièrement vos semis au soleil en arrosant à l’eau tiède pour maintenir la température de la terre. Attention, vous risquez d’avoir de nombreuses pertes..
Faire ses semis
On parle de « semis directs » lorsqu’on sème directement en terre, de nombreuses choses sont possibles en mars, rendez-vous au paragraphe suivant pour vous inspirer de la liste.
Pour le reste, vous allez devoir faire pousser des cultures plus fragiles dans des pots, plaques, barquettes (ou autres contenants). Visualisez-vous ce qu’implique une nurserie en terme d’attention et de cadre ? Adaptée aux légumes, c’est globalement le même principe. Vos semis doivent être nourris et arrosés avec justesse et surveillés pour éviter le festin d’une limace ou d’autres envahisseurs qui profiteraient à raison de vos efforts pour un repas idéal. Ils ne doivent pas sortir trop tôt à l’extérieur ni trop tard (mais nous reviendrons dessus en avril).
Pour chaque culture, vous devez regarder les recommandations de densité de semis et trouver la technique qui vous plait le plus. Autant jardiner en prenant du plaisir !
- Conseils
La terre de vos plants doit être assez légère et idéalement dépourvue de trop de graines d’adventices qui nuiraient à vos semis. C’est pour cette raison que vous pouvez utiliser du terreau (avec la mention « utilisable en agriculture biologique ») même s’il est possible de le faire soi-même (mais en mars, vous n’avez plus le temps, nous revendrions dessus dans l’année).
Si vous n’avez pas votre propre grenier, vous pouvez commander vos graine à un Semenciers bio (il en existe de nombreux). Le fait que les semences soient bio vous garantit que la graine n’a pas été traitée préalablement mais vous invite à faire d’autant plus attention à vos cultures. Graines bio ne garantit pour autant pas une semence « de population ». Vous pouvez commander des semences hybrides bio. Si vous ne le souhaitez pas (bravo !), il suffit de vérifier dans vos commandes que la mention « F1 » n’apparait pas. Quant à la différence entre semences hybrides et semences de population, je vous invite à lire cet article.
Sur vos sachets de graines (et sur vos livres ou sur internet), il est indiqué la période et la densité à appliquer. Il est important de s’en approcher sans quoi votre tâche pourra s’avérer bien plus laborieuse. Pour rester sur l’exemple de la tomate, vous pouvez planter une graine par pot ou plusieurs graines en barquette ou en plaques que vous devrez « démarriez » ensuite. La deuxième technique est plus longue mais permet une meilleure vigueur de votre plant.
Les semis n’aiment pas être trop arrosés (vous risqueriez même « la fonte des semis ») mais doivent être dans des conditions humides, chaudes et ventilées.
Astuces : Préparer vos pots, arrosez-les abondament idéalement avec de l’eau tiède, laissez ressuyer puis seulement plantez vos graines.
Quand vos semis ont bien poussé : aérez voir sortez-les par moments pour les « endurcir » ou les « aguerrir »
Ce que nous pouvons faire en mars
- Enrichir son sol
- Semer en terre : Blettes, cerfeuil, laitue hâtives, fèves, navets, oignons, persil, pois nains et à rames, radis
- Semer sous abri et en terre et déjà en plants : Laitues, betteraves, poireaux, carottes, céleris et fenouil, ciboulette, persil, fraisiers, pommes de terre hâtives, oseille, échalotes
- Semis dans votre « nurserie » quel que soit votre choix final (fenêtre, abris chaud etc..) : Aubergines, tomates, Concombres, Haricots (vous pouvez aussi attendre un peu et les semer directement en terre), melon, poivrons, choix, céleris, laitues
Mais aussi : soucis, pavots, pieds d’alouettes, coquelicots…
- Biner les carottes, les échalotes et l’ail. Buttez les fèves et les pois (à condition d’avoir commencé son jardin avant cet article)
- Débuter les artichauts et les asperges en début de mois pour favoriser la pousse des turions (déconseillé sur un balcon..)
- Dernier délai pour tailler les framboisiers, les groseilliers et les cassissiers
- Greffer en fente, en couronne, à l’anglaise les cerisiers, poiriers, pommiers, pruniers, vignes…
- Dernier délai pour planter des arbres et arbustes fruitiers
- Planter les framboisiers
- Récoltez les greffons sur les cerisiers, pommiers, poiriers, etc. afin de les greffer fin mars jusqu’en mai.
C’est aussi le moment de terminer la taille des rosiers et c’est le dernier délai pour tailler votre haie avant la nidification des oiseaux jusqu’en juillet.
On vous souhaite bon courage et… silence, ça pousse !
Julien Lucy