Le 13 juin un petit groupe de Bio Consom’acteurs Pays d’Angers a visité l’entreprise de Bernard Gaborit, éleveur laitier en agriculture biologique à Maulévrier dans le Maine-et-Loire. Une porte ouverte était organisée dans le cadre du Printemps bio.
Depuis son installation en 1979, sur une vingtaine d’hectares, la ferme de Bernard Gaborit s’est beaucoup développée. Elle s’étend aujourd’hui sur 140 hectares avec plus de 100 vaches laitières de race Jersiaise. C’est la qualité du lait exceptionnellement riche en matière grasse (55g pour 1000g) et en protéines (39,5g pour 1000g) (1) qui a motivé le choix de cette race pour un projet orienté vers la transformation intégrale de la production, en yaourts, beurre, fromages et autres desserts lactés. L’alimentation des vaches est produite entièrement sur la ferme et c’est l’herbe qui constitue la base de l’alimentation. D’avril à octobre, durant la journée elles pâturent des praires temporaires riches en légumineuses (trèfles et luzerne) et le soir, après la traite, elles reçoivent du fourrage vert, ce qui permet de les garder en stabulation pendant la nuit. L’hiver elles reçoivent une ration constituée de foin et de betteraves. Pour réaliser un foin de qualité optimum, la ferme est équipée d’un séchoir permettant d’assurer la finition du séchage tout en préservant la qualité du précieux feuillage des légumineuses, en évitant fermentations et moisissures. A ces rations de base s’ajoute, hiver comme été, un concentré produit à partir d’un mélange de céréales et de légumineuses de la ferme et la quantité est individualisée et ajustée à la production de chaque animal. La ferme est ainsi autonome en matière d’alimentation des vaches laitières et le régime alimentaire permet une production annuelle supérieure à 5000 litres de lait par vache. Il assure au troupeau une longévité d’une dizaine d’années, ce qui est bien supérieur à ce qu’on observe en élevage « conventionnel » à haut niveau d’intrants.
Ce qui frappe lors de la visite, c’est l’extrême modernité de l’organisation et des équipements. La ferme est équipée d’une vaste stabulation permettant de loger plus de 100 vaches. Une remorque spécifique, capable de faucher, charger et distribuer le fourrage permet de distribuer l’alimentation. Une seule personne et un tracteur suffisent pour assurer cette opération, ce qui assure une grande productivité du travail. La nuit l’herbe est rapprochée de l’auge par un robot programmé pour effectuer trois passages afin que les animaux ne manquent jamais de fourrage. Pour la distribution du concentré, chaque vache est équipée d’un badge magnétique, qui permet de contrôler la quantité distribuée à chaque animal, lors de son passage au distributeur en self service ; et l’éleveur actualise, chaque mois depuis son ordinateur, cette quantité, en fonction de l’évolution de la production de chaque animal. A l’extrémité de la stabulation la salle de traite est ultramoderne. Constituée d’une plate-forme circulaire rotative de 25 places, elle permet à une seule personne de traire les 100 vaches en une heure.
Nous avons pu assister à la traite et à l’impressionnant défilé du troupeau regagnant, de son pas lent et paisible, la stabulation après sa journée de pâture. Le troupeau nous est apparu très calme et absolument pas stressé par ces technologies. Les bêtes ont le poil luisant, la panse rebondie, le museau humide et l’œil vif au contour bien dessiné. C’est à ces détails qu’on reconnaît un animal en bonne santé nous enseigne l’éleveur. Le secret de cette bonne santé c’est l’équilibre de l’alimentation, avec une ration très stable, afin de ne pas perturber la flore microbienne de l’appareil digestif des ruminants. La santé des végétaux est, elle, la conséquence d’un sol vivant, respectant la dynamique des sols, bénéficiant de rotations longues (2) et de restitutions organiques importantes après compostage. Ainsi, la chaîne vertueuse : santé du sol, santé des végétaux, santé des animaux et qualité des produits est-elle assurée. A cela s’ajoutent des bâtiments assez spacieux pour permettre à chaque animal de bénéficier de suffisamment d’espace vital pour accéder à la nourriture sans stress et se reposer sans être dérangé. Ainsi, toute son énergie est disponible pour assurer la production et maintenir sa santé.
Nous avons été surpris de voir des vaches sans cornes. Bernard Gaborit nous a expliqué avoir fait le choix d’écorner les veaux en bas âge pour éviter que les animaux se blessent. C’est après avoir assisté à des accidents qu’il a pris cette décision. Cependant, certains éleveurs réprouvent cette pratique qu’ils ne jugent pas naturelle. Dans l’alignement de la stabulation nous avons pu visiter un autre bâtiment dédié à un élevage de porcs à l’engraissement. Cet élevage permet de valoriser le petit lait (ou lactosérum) (3), sous-produit de la fromagerie. Rien ne se perd chez Gaborit, tout se transforme. C’est « l’économie circulaire » mis en œuvre avant la lettre.
Là, nous avons pu voir des bandes d’animaux dodus, dormant paisiblement sur des lits de paille. D’abord effarouchés par notre présence ils s’enfuient, le jambon alerte, puis reviennent vite vers nous, l’œil vif, le groin curieux et la queue en point d’interrogation (4). Intrigués par notre dissemblance avec leurs congénères de chambrée, ils s’en remettent à leurs puissantes narines qu’ils activent de grognements inquisiteurs pour statuer sur la nature de notre identité.
Devant le succès de ses produits, Bernard Gaborit a transformé l’atelier de transformation des débuts, en laiterie artisanale. Il assure aujourd’hui la transformation et la commercialisation de huit fermes laitières répondant au cahier des charges Bio Cohérence (5). De plus, Bernard Gaborit exclut l’ensilage et impose le choix de vaches de race Jersiaise. L’entreprise assure aussi la transformation et la commercialisation de la production de cinq élevages caprins et propose ainsi une large gamme en fromages et desserts lactés après avoir établi un partenariat avec des éleveurs de l’Aveyron pour s’approvisionner en lait de brebis. C’est aujourd’hui une véritable PME, belle réalisation de développement local (6), qui emploie une quarantaine de salariés. Trente-cinq ans après son installation, l’éleveur est optimiste. Son choix avant-gardiste pour l’agrobiologie est aujourd’hui plébiscité par les consommateurs. Un nouveau bâtiment est en construction, il abritera une chaîne de transformation dédiée à la fabrication de fromage au lait cru. Une affaire à suivre pour les bio consom’acteurs…
Pour la conduite de la ferme, Bernard Gaborit est assisté de son fils et d’un salarié et ce sont ses deux filles qui assurent la gestion de la laiterie, se partageant l’une la transformation, l’autre l’animation commerciale.
Nous terminons la visite par un passage à la boutique après une dégustation, et nous repartons riches des images de ces sympathiques Jersiaises en train de se repaître d’un andain d’herbe fraîche et parfumée.
Dans quelques heures la nuit sera tombée, et dans le silence de la campagne endormie, la voie lactée
scintillera au-dessus de la prairie.
Michel Denis
Crédit photos: Bio Consom’acteurs Pays d’Angers
Plus d’infos:
site de l’entreprise Bernard Gaborit
Article sur web-agri sur la ferme Gaborit
Article sur le site de Satoriz sur la ferme Gaborit
[1] C’est pourquoi la Jersaise est une race dite « beurrière »
[2] Environ cinq ans.
[3] Le lactosérum constitue 25 % de la ration complété par un mélange céréalier de la ferme avec protéïne bio, féverolles et maïs bio. Distribution automatisé de l’alimentation.
[4] Ici on ne coupe ni la queue ni les dents des petits cochons comme c’est la règle en élevage industriel pour éviter le cannibalisme.
[5] http://www.biocoherence.fr/telechargements
[6] Cela est d’autant plus remarquable que pendant cette période les laiteries conventionnelles, qui quadrillaient le territoire à la fin des années soixante, fermaient une à une.