Café et solidarité
« Tu veux savoir qui est Marcos,
qui se cache sous son passe-montagne ?
Alors prend un miroir et regarde-toi,
le visage qui s’y reflète est celui de Marcos
Car nous sommes tous Marcos… »1
Le commerce équitable permet aux consommateur·rices de contribuer à un système commercial plus juste, en soutenant des pratiques éthiques, respectueuses des travailleur·euses et de l’environnement. Le café zapatiste, cultivé par des communautés autochtones au Chiapas au Mexique, est l’un des exemples inspirants de cette approche. Cet article explore les principes du commerce équitable et les spécificités du café zapatiste.
Qu’est-ce que le commerce équitable ?
Le commerce équitable, à ce jour encore, inspire autant de confiance que de défiance. C’est un modèle commercial qui repose sur des principes économiques, sociaux et environnementaux visant à réduire les inégalités dans les échanges commerciaux mondiaux, notamment vis à vis des pays du Sud. Les produits issus de ce type de commerce sont souvent labellisés « équitables », garantissant aux consommateur·rices un engagement des producteur·rices à respecter des normes équitables de production. Une manière de conjuguer commerce et justice sociale, en permettant aux consommateur·ices de s’alimenter dans le respect de leur santé tout en participant à des modes de production et de rémunération respectueux de la nature et des droits humains. Comme avancé plus haut, le commerce équitable est attaché au principe de transparence, le rôle joué par les certifications et les labels est donc majeur. Ces derniers garantissent l’encadrement par la loi d’un cahier de charges ambitieux, et impliquent des contrôles, parfois même des enquêtes menées par les autorités compétentes en la matière. En ce sens, c’est un contrat de confiance émis par les acteurs et actrices d’un tel commerce vis à vis des consommateur·ices et des producteur·ices.
Sur le site de Commerce Équitable France2, nous trouvons les critères garantis par ces labels :
- Des prix rémunérateurs pour les producteur·ices
- Un partenariat commercial pluriannuel
- Le versement d’un montant supplémentaire pour financer des projets collectifs
- Une autonomie des producteur·ices grâce au renforcement de gouvernance démocratique
- La transparence et la traçabilité des filières
- La sensibilisation des consommateur·ices à des modes de production socialement et écologiquement durables
- La valorisation des modes de production respectueux de l’environnement et de la biodiversité
Le commerce équitable, ainsi défini, est au carrefour de nombreux enjeux, et s’inscrit dans une démarche citoyenne.
Le zapatisme et l’autonomie indigène
Le zapatisme, né en 1994 suite à l’insurrection des zapatistes au Chiapas, revendique l’autonomie et la justice sociale pour les peuples autochtones du Mexique. Le Chiapas a vu naître sur ses terres la transformation sociale la plus radicale à ce jour, une transformation aux multiples facettes et qui compte autant d’épanouissements sociaux que de tensions internes et externes. Ce soulèvement s’est fédéré autour des enjeux d’éducation, de démocratie, en faveur de la terre et de la paix. Cette dernière devant s’obtenir (souvent) par la force, les zapatistes se sont patiemment organisés pour une insurrection armée, tout en occupant des lieux-clefs. Il s’agirait d’écrire tout un recueil, peut-être même deux ou trois, pour prétendre avoir balayé les tenants et aboutissants d’une telle insurrection et d’une telle expérience de l’autonomie et de la justice sociale. Nous nous focaliserons plus précisément sur le café zapatiste, issu de coopératives autogérées qui participent au développement d’une autonomie économique. Cette organisation de la production, qui repose sur la coopération, s’inscrit pleinement dans les principes brandis par le commerce équitable.
Le café zapatiste
Les coopératives autogérées et horizontales qui ont fleuri au Chiapas nous permettent aujourd’hui de ne pas parler d’utopie zapatiste, mais de réalisation zapatiste. Leur production de café, issue donc de la rébellion des indigènes, leur permet de s’autonomiser du gouvernement en place, alors et aujourd’hui, et de garantir des espaces économiques sur lesquels ils ont la main. La commercialisation de ce café, rendue possible par le commerce équitable notamment, permet de meilleures conditions de vie des zapatistes, et la construction d’infrastructures essentielles, telles que les routes ou les hôpitaux.
Il existe différentes coopératives de ce genre, parmi lesquelles trois majeures :
« Mut-Vitz », la plus ancienne, réunit une trentaine de communautés, et des centaines d’agriculteurs. Ont suivi les coopératives « Yachil » et « Yochin et SSIT Lequil Lum », qui comptabilisent des milliers de producteurs et de productrices, et ont su s’inscrire dans une exportation aux États-Unis et en Europe. Cette exportation est une forme de résistance, dans laquelle chacun.e peut trouver son compte : les consommateurs et consommatrices soutiennent par ce biais la résistance zapatiste, agissent en faveur de leur autonomie économique, permettent un maintient de ces communautés, et participent de la diffusion d’un récit révolutionnaire historique. Pour les zapatistes, outre les conséquences déjà exprimées, la consommation de café par les Américain.es et par les européen·nes leur permet de se soustraire au cours du café fixé par les bourses mondiales, et de ne pas avoir à le vendre aux « coyotes »3 qui tentent de faire main basse sur les productions zapatistes pour les revendre au prix fort.
Autonomie et labellisation, une histoire impossible
Les communautés zapatistes entretiennent des liens étroits avec la nature, la forêt, l’environnement. Le café zapatiste est principalement cultivé en altitude, de manière biologique et respectueuse de la biodiversité locale. Les coopératives s’organisent pour transformer, conditionner et distribuer leur café dans des circuits de commerce équitable, souvent en partenariat avec des associations et des réseaux de commerce solidaire à l’international.
Nous évoquions plus haut la défiance des consommateur·ices, qui semblent devoir faire un choix entre les produits Bio et les produits équitables. Dans le stricte cas des coopératives de café zapatiste (par exemple, Terra Libra), ne pas être labellisé « Bio » est un choix mûrement réfléchi. Car entre une labellisation Bio et une trajectoire vers l’autonomie, les zapatistes ont tranché : ce sera l’autonomie. Or les certificateurs font partie des transnationales, et à ce jour les zapatistes veulent s’en tenir, à juste titre, le plus loin possible. Bien que rien ne le certifie sinon la parole des producteur·ices, le café Terra Libra pour ne citer que lui, est cultivé sans intrant chimique4.
Pour conclure cette brève, vous l’aurez compris en faveur de la solidarité internationale et en soutien aux coopératives zapatistes et à leur autonomie,
acheter des produits comme le café zapatiste permet aux consommateur·rices de participer à un modèle commercial basé sur la solidarité, la justice sociale et le respect de l’environnement.
Le commerce équitable est une invitation à repenser notre rapport aux échanges, pour favoriser des relations plus justes, qui valorisent le travail de chacun·e et préservent notre planète.
J’approfondis, je soutiens :
http://boisblancsentransition.free.fr/images/Presentation-echanges-solidaires.pdf
https://boutique.terralibra.fr/24-cafes
https://www.helloasso.com/associations/solidaires-rhone/boutiques/cafe-zapatiste-commande-2024
1 Citation de Marcos, dans Ignacio Ramonet, Marcos, La dignité rebelle, conversations avec le sous-commandant Marcos, Editions Galilée, 2001, p. 70
2https://www.commercequitable.org/le-commerce-equitable/definitions/
3 nom donné aux intermédiaires par les indigènes
4https://www.terralibra.fr/nos-fournisseurs/cooperatives-zapatistes/