Lors de la COP 21, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a lancé officiellement le programme 4 pour 1000 afin d’augmenter le stockage de carbone par les sols de la planète de 0,4% tout en luttant contre la faim. Une initiative importante pour séquestrer le C02, mais qui doit s’accompagner d’une transition radicale de toute notre économie, dont notre agriculture fait partie, pour être suivie d’effets.
L’agriculture a un potentiel énorme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) responsables du changement climatique. Aujourd’hui, elle y contribue à hauteur de 18% des émissions en France. Premiers responsables : l’utilisation d’engrais azotés qui émet du protoxyde d’azote, et l’élevage, gros émetteur de méthane.
Il y a donc un réel potentiel de réduction de ces émissions, à condition que l’on décide de moins dépendre des intrants, de revoir notre système d’élevage et de manger moins de viande. Le Giec estime que sa capacité de réduction des émissions pourrait être de 20 à 60% d’ici 2030. Mieux : l’agriculture a un potentiel non seulement d’atténuation des émissions de CO2, mais aussi d’absorption. Les experts climatiques ont ainsi établi que si l’on augmentait la teneur en carbone des sols mondiaux de 4 pour 1000, c’est-à-dire de 4 kg de carbone par hectare et par an sur un stock initial d’une tonne de carbone par hectare, on pourrait absorber et stocker quasiment toutes les émissions anthropiques annuelles de CO2.
Pour arriver à ces objectifs, encore faut-il changer radicalement de modèle agricole, notamment en privilégiant ceux dont les pratiques permettent cette séquestration du carbone. Ces pratiques, ce sont les prairies complexes, les cultures de couverture, le semis direct, les rotations longues, les haies et les arbres, le non labour, les cultures de légumineuses (engrais verts), le compost et le fumier et permettant la réduction d’intrants, etc. En somme, des pratiques qui relèvent de l’agriculture biologique et de l’agroforesterie.
Besoin de garde-fous
Or, le programme 4 pour 1000 manque de précisions quant aux possibles dérives. Il ne définit pas quels modèles agricoles seront privilégiés et quels seront les critères pour qu’une exploitation reçoive des subsides. Il ne propose pas non plus, pour l’instant, de mécanisme de suivi ou de redevabilité. Il y a donc encore du travail pour que cette initiative ne soit pas un nouvel instrument de greenwashing, qui laisserait certaines exploitations profiter du mécanisme alors que le modèle économique qu’elles soutiennent va droit dans le mur. Ce pourrait être le cas par exemple d’une monoculture de soja OGM brésilien destiné à être exporté, qui pourrait être « habilitée 4 pour 1000 » juste parce qu’elle permet de stocker du carbone. De même, rien n’est dit dans ce programme pour empêcher l’accaparement des terres, ce dont ne se priveront probablement pas certaines multinationales de l’agroindustrie, notamment dans les pays du Sud.
Pour répondre à l’enjeu climatique et aux besoins alimentaires, l’initiative 4 pour 1000 doit donc encore mettre en place des garde-fous, notamment en faisant participer les ONG à sa gouvernance. Par ailleurs, Bio Consom’acteurs insiste sur le fait que cette initiative n’a de sens que si elle promeut l’agriculture biologique, dont les pratiques réelles vont plus loin que la seule règlementation bio européenne et dont les consommateurs sont de plus en plus demandeurs.
Crédit photo Yann Caradec