La Cour de justice européenne a validé le 13 juillet dernier les directives européennes qui empêchent des associations comme Kokopelli de commercialiser librement les semences de variétés végétales anciennes. Selon Kokopelli, qui risque la cessation d’activité, la Cour consacre ainsi «la toute-puissance du paradigme productiviste», qui dure depuis plus de 50 ans. Pour soutenir Kokopelli, signez la pétition en ligne!
Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2012, la Cour européenne de justice a désavoué Kokopelli, à la satisfaction de l’entreprise Graines Baumaux, avec laquelle Kokopelli est en procès depuis 2005. Selon la Cour, l’enregistrement obligatoire de toutes les semences au catalogue officiel ne viole ni le principe de proportionnalité, ni les principes de libre exercice de l’activité économique, ni même ceux de non-discrimination et de libre circulation des marchandises. Cet avis contredit totalement celui de l’avocat général, rendu le 19 janvier dernier (voir l’article de Bio Consom’acteurs ici). «Avec cette décision, les masques tombent : la Cour de l’Union européenne est, elle aussi, au service de l’agriculture chimique mortifère et de son idéologie corruptrice», déclare l’association dans un communiqué du 13 juillet.
Justification de la Cour: accroître la productivité des cultures. Il faut, selon elle, «garantir que les semences d’une variété possèdent les qualités nécessaires pour assurer une production agricole élevée, de qualité, fiable et soutenue dans le temps», afin de favoriser «un rendement optimal». Faisant référence à la politique agricole commune de l’Europe, la Cour assène plusieurs fois que «l’objectif premier des règles relatives à l’admission des semences des variétés de légumes consiste à améliorer la productivité des cultures de légumes dans l’Union». Cerise sur le gâteau, la Cour de justice semble penser que les variétés anciennes seraient nocives…sans préciser pour qui. «D’autres mesures moins contraignantes [que les règles actuelles d’inscription au catalogue officiel] permettraient la vente et la mise en terre de semences potentiellement nuisibles». Sous-entendant ainsi que les semences du catalogue, certaines enrobées de pesticides tels que le Cruiser, seraient, elles, inoffensives. La Cour de justice de l’Union soutient donc mordicus le bien-fondé de directives européennes consacrant l’agriculture industrielle et productiviste.
Or, ne s’inscrit pas au catalogue officiel qui veut. Il faut que la variété candidate respecte des critères dits de distinction, de stabilité et d’homogénéité. Difficile, voire impossible pour les variétés anciennes de légumes : celles-ci sont justement caractérisées, entre autres, par une grande diversité au sein d’une même variété. Le contraire de l’homogénéité. A l’inverse, les variétés hybrides F1 non reproductibles, elles, n’ont pas les mêmes problèmes. Résultat, le catalogue ouvre plus facilement ses colonnes aux grosses entreprises semencières, fournisseuses de l’agriculture industrielle, qu’aux d’associations comme Kokopelli.
Suite à cet arrêt, Kokopelli risque gros. Non seulement, de payer des dommages intérêts à la société Graines Baumaux (qui lui réclamerait 100 000 euros pour concurrence déloyale, dixit l’association), mais aussi de devoir cesser toute activité. Adieu alors, les petits sachets de graines de tomate noire Black sea man, originaire de Russie, ou de concombre Sikkim, né en Himalaya. Les petits producteurs, paysans, jardiniers et protecteurs de la nature, ceux qui sont conscients de la nécessité de conserver la biodiversité variétale, n’auraient plus qu’à conserver et échanger clandestinement leurs semences. Encore.
Environ 75% de la biodiversité agricole cultivée aurait disparu dans le monde depuis le début du 20ème siècle (source:organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).