Manger une nourriture bonne, cultivée en bio et qu’on a vue pousser, ça ne mange pas de pain. C’est du moins ce que l’on retient des expériences présentées lors de la conférence sur l’agriculture biologique du 19 mars 2012 au salon Vivre autrement, à Paris, par la fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab).
Mûre pour l’aimentation locale, l’Amérique? On pourrait penser que non. En fait, les initiatives étatsuniennes se multiplient. La Blackberry meadows farm (la ferme des prés aux mûres), en Pennsylvanie, est un nid à idées. Nichée dans la campagne des environs de Pittsburgh, la Blackberry meadows farm «s’inspire fortement des pratiques de la biodynamie», explique Greg Boulos, femier. Elle emploie 7 personnes (sans compter les apprentis et stagiaires) et produit plus de 130 variétés différentes de fruits et légumes sur 8 hectares de terres. Sa particularité: favoriser toujours plus de lien et de transmission des savoirs entre producteurs et consommateurs.
Au point que ces derniers, majoritairement membres d’une community supported agriculture (CSA, l’équivalent américain de l’amap), ne disent pas qu’ils vont à la ferme… mais dans leur ferme. «Nous formons une vraie communauté», insiste Greg Boulos. Une fois par semaine, tous les fermiers se rendent aux points de distribution des paniers, afin de rencontrer les mangeurs de l’amap, laquelle représente quelque 170 ménages. Environ 50 amapiens «viennent régulièrement à la ferme, pour aider à semer, planter, récolter, préparer la volaille…pour ça en particulier, il y a même une liste d’attente !» rigole Greg Boulos. Car les poulets, dindes, dindons et canards élevés à la ferme sont abattus, plumés et découpés sur place. La ferme incite également les gens à pratiquer la bio chez eux: elle produit des semences de variétés maraîchères anciennes et goûteuses, qu’elle vend ensuite aux amapiens. Car faire jardiner les gens c’est, pour les fermiers du pré aux mûres, «leur faire prendre conscience de l’immense diversité des légumes et de leur intérêt gustatif. Du coup, ils mangent moins de viande». Et les épluchures aussi ont leur rôle à jouer ! Le jour de son adhésion, chaque amapien reçoit un seau, qu’il est invité à remplir de déchets organiques pour faire un compost, qui nourrira son jardin. La Blackberry meadows farm alimente aussi des marchés fermiers et une coopérative de vente en gros. Elle accueille aussi des événements festifs (pique-niques, mariages, repas communautaires, etc.)… Dernier projet en date : la construction d’une cuisine centrale. Des cuisiniers(ères) y concocteront conserves, plats préparés et sauces diverses, grâce aux «25% de légumes et fruits perdus chaque année par la ferme». Cognés, trop mûrs ou éraflés, ces mal-aimés seront valorisés localement dans cette future cuisine. Cerise sur le gâteau, celle-ci tournerait aux énergies renouvelables produites sur la ferme (biomasse, vent, soleil).
En France aussi, les initiatives ne manquent pas. Ainsi, l’association Agro Bio Conso, en Franche-Comté, met en lien consommateurs et paysans bio et locaux via son site internet. Fruits, légumes, fromages, farine, pain, charcuterie, limonades, jus de pomme, vins, etc. sont livrés et payés chaque semaine sur une quarantaine de points de dépôt dans la région. «Les membres de l’association ne sont pas des clients mais des sociétaires, qui coopèrent tous pour un même projet», précise Nathanaël Bourdieu, paysan à la ferme bio du Rondeau, dans le Doubs et membre d’Agro Bio Conso. L’organisation des commandes est entièrement gérée par des bénévoles. Un système un peu différent de celui des biocabas, initiés en 2002 dans le Nord-Pas-de-Calais.
Les fruits et légumes des biocabas, à Lille, proviennent de paysans bio du Nord-pas-de-Calais. Entre 6 et 8 jeunes en insertion sont payés pour préparer et livrer des biocabas à Lille. Aussi, les consommateurs en difficulté bénéficient d’un prix moins élevé. «Plus de 2000 biocabas accessibles ont été distribués en 2012», annonce Benoît Canis, paysan bio qui vend ses légumes via les biocabas. C’est le conseil général du Nord qui prend en charge la moitié du prix des biocabas accessibles. En échange du prix moindre, la famille en difficulté s’engage à participer à un atelier de cuisine avec ses enfants, à Villeneuve-d’Asq. Conçus sur la plate-forme coopérative Norabio par les jeunes en insertion, les biocabas sont emmenés vers des points-relais lillois (entreprises, écoles, associations, commerces…), où quelque 700 consommateurs-abonnés viennent les récupérer, avec des idées de recettes de cuisine en prime dans leur panier. «On voulait prouver qu’il était possible de mettre de la bio dans tous les quartiers», explique l’agriculteur, qui souligne l’intérêt que peuvent trouver ses pairs dans cette démarche. «Qui fait les poireaux en semaine 4 ? C’est le genre de question qu’on se pose tout le temps, et auxquelles on doit réfléchir ensemble. Ce lien entre producteurs est enrichissant», souligne Benoît Canis.
Pour la toute jeune marque Ici : l’épicerie locavore, deux agriculteurs cultivent des céréales et des légumineuses bio à Bagnolet (Ile-de-France). Celles-ci sont ensuite transformées localement et de manière artisanale en pâtes, farines et autres produits d’épicerie. Penne, conchiglie, fusili, lentilles et autres farines de sarrasin d’Ici : l’épicerie locavore sont en vente dans certains magasins, moulins, restaurants et amaps franciliens. En matière d’alimentation locale via des circuits courts, le grain commence donc à se faire bien moudre.