Pour nourrir la planète, l’agroécologie doit remodeler l’agriculture

Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, invite à  » changer de cap « .

Pour satisfaire les besoins alimentaires de la planète, il va falloir sensiblement augmenter la production agricole, et, dès lors, réinvestir massivement dans l’agriculture. Massivement, mais « surtout différemment », estime le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, le Belge Olivier De Schutter.
 
Mardi 8 mars, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, il devait appeler la communauté internationale à  » une réorientation radicale des investissements dans l’agriculture ».
 
Jusqu’alors, les politiques de soutien à l’agriculture visaient essentiellement à orienter celle-ci vers un mode de production industriel. Pour M. De Schutter, il faut à présent qu’elles soutiennent « l’agroécologie », autrement dit qu’elles favorisent le développement d’une agriculture s’appuyant sur la polyculture plutôt que la monoculture, utilisant des semences traditionnelles plutôt qu’industrielles, des biopesticides et des engrais organiques plutôt que des produits de synthèse, pour lutter contre les espèces invasives et fertiliser les sols.
 
Les traductions de l’agroécologie sont par nature diverses puisqu’à chaque écosystème correspond un type de production adapté. Dans les provinces occidentales de Tanzanie, par exemple, l’agroforesterie a permis de transformer 350 000 hectares de terres, qui étaient hier appelées le « désert de Tanzanie », en une zone agricole riche. Car les arbres fertilisent les sols, limitant le recours aux engrais azotés, et ils y permettent également une rétention de l’eau de pluie.
 
Au Kenya, au lieu d’utiliser des pesticides, quelque 25 000 agriculteurs recourent depuis 2009 à la stratégie de la « répulsion-attraction ». Elle consiste à planter du Desmodium dans les champs de maïs afin d’en éloigner les insectes tout en les attirant aux abords des champs. Cette simple technique permet de doubler le rendement tout en améliorant le sol. Par ailleurs, le Desmodium peut servir de fourrage.
 
Ces modes de production à faible utilisation d’intrants, et qui préservent les ressources, « peuvent être hautement productifs », relève M. De Schutter, qui, dans son rapport annuel remis au Conseil des droits de l’homme, cite toute une série d’expériences concluantes. « L’agroécologie, insiste-t-il, est une réponse au défi de la pauvreté rurale ».
 
 » Crise de la pauvreté « 
 
S’appuyant sur des biopesticides ou des engrais organiques produits localement, utilisant des plantes pouvant capter l’azote et fertiliser les sols, l’agroécologie diminue en effet la dépendance des agriculteurs à l’égard des engrais chimiques et les rend moins vulnérables à l’égard du crédit et des subventions. Ils produisent à moindre coût, sans risque de tomber dans la spirale de l’endettement, et voient leurs revenus augmenter. L’agroécologie limite aussi la dépendance envers l’énergie fossile, contribuant ainsi à l’atténuation du changement climatique.
 
« Produire plus ne suffira pas. La crise que nous affrontons n’est pas seulement une crise de l’offre, devait souligner, mardi, M. De Schutter. C’est aussi une crise de la pauvreté : il faut augmenter les revenus dans les zones rurales, où résident 75 % des personnes les plus pauvres, afin qu’elles puissent se nourrir dignement. Et c’est une crise écologique : des méthodes de production non durables accélèrent le changement climatique et la dégradation des sols et épuisent les réserves d’eau douce, menaçant à terme notre capacité à nourrir la planète ». Pour M. De Schutter, ces crises peuvent être surmontées. Pourvu que l’on « change de cap ».
 
Source : Le Monde

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