La loi de reconquête de la biodiversité, votée en première lecture au Sénat le 25 janvier 2016, est en 2ème lecture à l’Assemblée nationale depuis le 1er mars. L’un des enjeux du vote par les députés est l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes tueurs d’abeilles.
Il y a bien eu un moratoire sur les pesticides néonicotinoïdes entre 2013 et 2015 en Europe, mais seulement sur 3 substances (sur les 5 disponibles en UE) et sur certains usages uniquement. L’enjeu du vote à l’Assemblée en mars 2016 est de les interdire totalement en France.
Que sont les pesticides néonicotinoïdes?
- Les néonicotinoïdes sont utilisés pour protéger les cultures contre les insectes enquiquineurs des cultures tels que les mouches, pucerons, taupins, scutigérelles, cicadelles, etc.
- Les cultures concernées sont très variées: grandes cultures (maïs, sorgho, tournesol…), maraîchage, arbres fruitiers, fruits rouges, vigne, coton…
- Ces insecticides dits systémiques percolent directement dans la sève, le pollent et le nectar de la plante ; ils sont donc très efficaces même à petites doses auprès des insectes. Ils détruisent le système nerveux central de ces derniers, ce qui entraîne leur paralysie et leur mort.
- Cinq d’entre eux sont actuellement autorisés en UE:
– l’imidaclopride (Gaucho et Confidor de Bayer – substance épinglée par l’Efsa pour ses effets sur le développement du système nerveux humain)
– le thiaméthoxame (Cruiser, Actara, Luzingo de Syngenta) . Un de ses métabolites est la clothianidine, elle-même un néonicotinoïde
– le thiaclopride (Proteus de Bayer)
– l’acétamipride (Suprême, Polysect, Bambi, Equinoxe de Bayer)
– la clothianidine (Poncho de Bayer)
- Ils sont utilisés en préventif en enrobage de semences, ou en curatif en cas de présence d’insectes.
Pourquoi faut-il qu’ils soient interdits?
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a identifié des risques pour les insectes pollinisateurs, en particulier pour la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame.
- Ces insecticides sont des toxiques aigus pour les abeilles. Concrètement, cela se traduit par la perturbation de la reconnaissance des fleurs, du butinage, de l’orientation spatiale des abeilles, par la chute de la performance des colonies, et par l’augmentation de leur fragilité face aux maladies et parasites.
- Et il n’y a pas que les abeilles. Les autres pollinisateurs sont aussi affectés: mouches, bourdons, syrphes, carabes, papillons,… ainsi que d’autres invertébrés comme les vers de terre, et des vertébrés tels que les poissons et les oiseaux. Cette liste n’est pas exhaustive.
- Or, les populations d’abeilles domestiques et sauvages sont en chute libre en Europe. Pourtant c’est grâce aux pollinisateurs que nous mangeons. En Europe, les abeilles mellifères et sauvages pollinisent quelque 84 % des 264 espèces de cultures et 4 000 variétés de végétaux. Elles contribueraient à 153 milliards d’euros par an à l’économie mondiale, d’après des travaux publiés en 2005 par l’Inra et le CNRS, et même plus selon d’autres études : jusqu’à 525 milliards d’euros par an d’après l’Ipbs (Intergovernmental science-policy platform on biodiversity), dans un rapport publié en février 2016.
Quelles alternatives aux pesticides néonicotinoïdes?
A la place des néonicotinoïdes, pas de solution miracle: il faut changer complètement de pratiques culturales, et intégrer:
– les rotations et la diversification des cultures
– l’association de variétés de plantes
– la stimulation des insectes auxiliaires
– la lutte biologique (apport de prédateurs naturels comme les coccinnelles, les nématodes, les bactéries…)
L’apprentissage de ces pratiques ne pourra se faire à grande échelle que si nos dirigeants interdisent par ailleurs le recours aux solutions de facilité que sont les insecticides néonicotinoïdes, ultra-toxiques pour les espèces non-cibles que sont les pollinisateurs.
-> Pour découvrir de nombreuses alternatives aux pesticides, participez à la Semaine pour les alternatives aux pesticides, qui a lieu du 20 au 30 mars prochain dans toute la France!
En janvier dernier, les sénateurs ont rejeté la proposition d’interdiction totale des insecticides de la famille des néonicotinoïdes. Ils ont voté simplement pour l’encadrement de leur utilisation, en suivant les restrictions d’usage recommandées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans son avis du 12 janvier 2016. Le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll s’est dit également opposé à l’interdiction des néonicotinoïdes.
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