Mégaévènements et écologie, un binôme inconciliable

En attendant le bilan d’automne, retour critique sur les Jeux et leurs enjeux.

De l’urgence de rester critique

Pas de podium pour la France à l’épreuve d’écologie cette année, et il semblerait presque inutile de souligner le rôle joué en la matière par les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Nous devons attendre l’automne prochain pour un bilan complet de ces Jeux 2024 ? Qu’à cela ne tienne : nous en proposons ici un amuse-bouche social et critique !

Depuis deux mois, hormis dans les réseaux militants, il semble difficile de critiquer les JOP en cours sans se faire illico presto taxer de “rabat-joie”, “troubles-fête” et autres stérilités. Les caméras du monde entier  braquées sur la France, c’est sans (gros) encombre que se sont déroulés ces Jeux, pourtant hautement contestés et décriés. Médias et politiques ont sauté sur cette « bonne tenue » citoyenne pour nous asséner de discours, nous noyant sous les “cohésion, “communion”, “unisson”, “trêve politique”, ”neutralité”. Tout d’un coup, critiquer les Jeux 2024 revenait à critiquer la paix, la quiétude, l’unisson.
Il semble donc essentiel de (re)percevoir les évènements sportifs comme une couleur politique. Il est d’ailleurs grand temps d’interroger la pertinence de l’organisation de ces “megaévènements” (pour reprendre les mots de Sarah Sermondadaz (1) ) au vu des enjeux sociaux et environnementaux que nous devons affronter.

 

Évènements sportifs et écologie : une relation à rude épreuve  

Il n’y a qu’à tendre l’oreille pour entendre la terre et les sols murmurer leur agonie. Des comités scientifiques, des chercheur·euses, des historien·nes, des militant·es alertent, et le gouvernement demeure sourd. Sourd, mais malheureusement pas muet. Discours et promesses “vertes”, campagnes de communication par dizaines, jargonnage et mauvaise foi : le gouvernement s’est montré loquace en matière de transition écologique. Manipulation et hypocrisie au rendez-vous, les JOP 2024 comme “opportunité d’accélération de la transition écologique” résonnent comme un contre-sens, tant au niveau social qu’environnemental. Comment prétendre accélérer une transition écologique, précisément amputée par ces mégaévènements ? Quel avenir peut-on réserver aujourd’hui, et en connaissance de cause, aux mégaévènements sportifs ? Sont-ils compatibles avec la défense de la planète et de tout ce qui la compose ?

En matière d’émission carbone, l’objectif des JOP était clair : diviser par deux  celles des Jeux non-confinés précédents (Londres 2012 et Rio 2016 – qui ont respectivement jeté l’équivalent CO2 de 3,5 millions de tonnes (2) dans l’atmosphère).  Ce que le comité d’organisation ne peut cependant pas contrôler, parce que ce serait aller contre la réussite de leur évènement, ce sont les touristes olympiques et leurs avions – flux nécessaire au rayonnement de ces JOP qu’ils aiment tant. Aucun lit en carton ne saurait rééquilibrer les vols aériens empruntés cet été-là, auxquels s’ajoutent les avions militaires qui ont survolé Paris durant toute la durée des Jeux, par intermittence évidemment (3). L’intégralité du dispositif sécuritaire serait à prendre en compte, notamment la venue de militaires étrangers (près de 1750 venus d’Allemagne, d’Espagne et du Qatar) qui auront préféré prendre l’avion aux rollers – et on les comprend.

Autre point, il faudrait sérieusement intégrer l’impact climatique engendré par les flux numériques – rediffusions télévisuelles et sur les plateformes numériques accessibles. Intégré à l’étude des coûts environnementaux générés par les Jeux de Paris 2024, le numérique s’imposerait comme le troisième poste le plus émetteur de gaz à effet de serre.  Des lits en carton et des repas végétariens pour les athlètes olympiques, c’est bien, mais ça ne compense rien. Reconnaissons ces micro-initiatives à la condition de demeurer critiques et lucides.

L’étude critique de tels évènements mondiaux permet de souligner les enjeux quotidiens que notre société doit  affronter, soit la nécessaire réduction des flux (transports, commerce, numériques, sécurité) et l’émancipation collective des discours politiques stérilisants.
Inutile d’ailleurs que l’étude soit mondiale, et faisons un zoom sur une banlieue de Paris : Aubervilliers et ses jardins ouvriers.

 

De la JAD aux JOP : histoire d’un deuil citoyen

Ce qui est arrivé à la JAD (Jardins à Défendre) d’Aubervilliers est symptomatique d’un gouvernement dont le nouveau défi est de justifier l’incohérence après avoir annoncé l’inatteignable : sur le site du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, on peut lire ces quelques phrases : “Le ministère est engagé pour la réussite de l’organisation des Jeux et pour contribuer à les rendre plus vertueux et durables, en cohérence avec nos politiques publiques dans plusieurs domaines : mobilités, énergie, aménagement du territoire, logement, politique de la ville, climat et biodiversité. » (4) Pourtant, à l’échelle de la commune d’Aubervilliers, la cohérence prétendue ne fait pas sens. Une vingtaine de parcelles perdues, près de 4 000m2 de jardins rasés, des habitant·es en proie à une grande tristesse : c’est le résultat de divers projets de construction menaçants (une piscine d’entraînement JOP 2024, qui devait devenir un solarium, une station de gare pour la ligne 15, un pôle multimodal). Des années durant, la population d’Aubervilliers a organisé la défense de cet espace, un espace JAD mais en vain. Cette ville, dont 41 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté en 2023 selon l’Observatoire des inégalités (5), ne comptait pourtant qu’1,42 m2 d’espaces verts par habitant·es. Les parcelles rasées sont autant de sources d’oxygène littérales et sociales perdues.

Par Blanche Lafaurie, chargée d’action éducative

A lire sur le meme sujet : Reporterre, par Alexandre-Reza Kokabi, Lorène Lavocat, 26 avril 24, “Les JO de paris, un échec écologie annoncé”

Sources :

(1) Sarah Sermondadaz, cheffe de la rubrique Environnement et Énergie de The Conversation, podcast France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/the-conversation/the-conversation-du-samedi-20-juillet-2024-9981354
    
(2) Site dédié : https://olympics.com/fr/paris-2024/nos-engagements/environnement/methode-carbone

(3) https://www.defense.gouv.fr/air/actualites/securisation-aerienne-jeux-olympiques-larmee-lair-lespace-bilan

(4) Ministère de la transition écologique : https://www.ecologie.gouv.fr/rendez-vous/jeux-olympiques-paralympiques-2024/nos-actions”)

(5) Observatoire des inégalités : https://inegalites.fr/Les-communes-les-plus-touchees-par-la-pauvrete-2086

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