Portrait d’Isabelle Bretegnier, membre du CA de Bio Consom’acteurs

Qu’est-ce que la consommation responsable selon toi ? 

Selon moi, la consommation responsable est l’expression de plusieurs formes de respect. Puisque notre devoir est d’intégrer la durabilité dans notre consommation quotidienne, je songe bien sûr immédiatement au respect de notre planète, de Dame Nature et des générations futures. Mais il me semble également important de parler du respect de soi, et notamment du magnifique fonctionnement de notre corps humain. Pourquoi consommer toutes ces substances superflues et délétères à notre santé au détriment des produits bruts que nous offre l’environnement et qui répondent parfaitement à nos besoins ? Étant diététicienne nutritionniste je pense bien sûr aux méfaits de l’alimentation moderne. Cette alimentation issue de l’industrie agro-alimentaire avec ses kyrielles d’additifs et substances nocives véhiculées par les emballages. Cette alimentation issue de l’agriculture conventionnelle avec ses quantités de résidus de pesticides ou encore celle issue de l’élevage intensif avec ses doses d’antibiotiques et hormones…cette chaine de production alimentaire moderne est coupable par ailleurs d’une grosse proportion des gaz à effets de serre…Pour moi une assiette responsable est composée de « vrais aliments », riches en vitamines et nutriments : des aliments bio, variés, non raffinés, de saison, où les végétaux ont une place importante. Bien sûr il est souhaitable de consacrer un peu de temps en cuisine pour la préparation des repas, mais le faire avec sa famille n’est-ce pas adopter un comportement responsable vis-à-vis de l’éducation de ses enfants et se positionner en personnes respectueuses de la santé ? En achetant des produits bio et issus du commerce équitable on respecte également les hommes et les femmes qui exploitent notre terre nourricière avec courage et sagesse. En achetant local et en consommant de justes quantités, avec maitrise du gaspillage, c’est notre territoire et son tissu social tout entier que nous respectons. Bien sûr je me focalise beaucoup sur l’alimentation mais finalement consommer responsable c’est pour moi adopter une démarche saine et écologique globale dans tous les domaines : énergie, mobilité, habillement, cosmétiques, … bref c’est faire preuve de bon sens et on peut tout à fait y parvenir en maitrisant son budget. 

Comment devient-on une consom’actrice ? raconte-nous ton histoire … 

Mes parents m’ont élevée à la campagne, ils m’ont transmis avec raison les bases éducatives d’une alimentation saine et durable. Sans effet de mode, mais par nécessité et par conviction. Je suis loin d’être parfaite mais pour moi ce capital précieux fait de moi la consom’actrice que je suis, et je m’efforce de le transmettre à mes enfants. Même en étant citadins… Mes souvenirs d’approvisionnement de la nourriture résident dans les différentes fermes où nous nous rendions. Petite, j’étais fascinée par le mode de vie sur une exploitation agricole, j’ai appris à cultiver les légumes de notre jardin, et à vivre au contact des animaux et des insectes, à les aimer et les respecter. Mon enfance a été rythmée par l’observation de la nature et la compréhension de la saisonnalité. J’ai souvenir d’avoir attendu si patiemment le bon moment pour aller déguster les framboises, les fraises, les cerises, les tomates… Le bon moment après la pluie pour aller ramasser les champignons dans les bois. Le bon moment pour aller chercher les œufs frais dans le poulailler… Quelle précieuse éducation ! 

Concrètement qu’est ce qui a changé dans ta vie au quotidien ? 

Toute cette éducation alimentaire qui m’a été transmise a solidement ancré en moi les bases d’une consommation responsable, durable, de qualité, saine et joyeuse. Adulte, j’ai découvert que mes choix alimentaires avaient des conséquences directes sur notre environnement, notre santé, notre économie, notre société, qu’ils peuvent même revêtir un pouvoir politique, voire devenir des actes militants. Une moitié du monde meurt de faim. L’autre moitié souffre de malbouffe. Et la planète chauffe… Aujourd’hui, concrètement, je refuse les pesticides, les additifs, les produits ultra transformés, les emballages, le plastique, la souffrance des animaux et les conséquences de l’élevage intensif. Je consomme de très petites quantités de viande (bio) et de poissons dont l’espèce et l’origine sont rigoureusement sélectionnées, et je favorise les protéines végétales. J’explore avec délice la cuisine végétarienne maison. Je suis intimement persuadée que pour comprendre les enjeux de la transition et passer à l’acte, il faut avoir un lien fort avec la nature, et être solidaire avec les producteurs. Je privilégie donc les circuits courts et le commerce équitable français, je suis adhérente AMAP et je fuis la grande distribution, je préfère de loin le réseau Biocoop. En cuisine, ma mère m’a appris l’art d’accommoder les restes, malheureusement je n’ai pas de poules dans le fond du jardin alors je composte. Je tente bien sûr de réduire mes déchets au maximum. Mon métier me permet de sensibiliser le plus grand nombre à l’aide de conférences, ateliers, animations, formations sur ces thèmes. 

Peux-tu nous en dire plus sur le collectif que tu as créé ? 

Le militantisme qui m’habite et le constat effarant de l’offre alimentaire de bon nombre de cantines en France m’ont poussé en 2012 à fonder un collectif citoyen avec des amis : « Pas d’Usine, On Cuisine ! ». Avec ses plusieurs milliards de repas par an, la restauration collective est un acteur majeur dans la transition. Les enjeux sanitaires, éducatifs et environnementaux sont énormes et malheureusement l’industrie agro-alimentaire est de plus en plus présente dans les menus. Certaines cuisines centrales fabriquent des dizaines de milliers de repas par jour, uniformisés, sous plastique, avec seulement une poignée d’hommes et de femmes pour les assembler. Nous sommes aujourd’hui de nombreux citoyens à refuser cela. La santé et l’éducation des enfants n’a pas de prix. Les effets dévastateurs sur l’environnement de ce mode de production culinaire ne sont pas tenables. Le collectif est force de propositions et nous souhaitons le retour à des cuisines à taille humaine, où il serait possible de produire une alimentation en phase avec les attentes de notre siècle. 

Comment es-tu arrivée au CA de BCA ? 

Depuis longtemps je suis avec le plus grand intérêt les activités vertueuses de BCA. Je me sers souvent du jeu Ludobio ou des ressources documentaires de l’association, et je salue son investissement et sa participation à de grands projets comme l’étude Bio Nutrinet ou le projet « Nos cantines engagées pour le climat ». Mais c’est la rencontre avec une personne extraordinaire qui m’a permise d’intégrer le CA : ma collègue Valérie Jacquier, bio-nutritionniste et militante comme moi. Valérie est par ailleurs co-fondatrice du Collectif les Pieds dans le Plat, une autre association avec laquelle je travaille. Ce réseau national est composé de cuisiniers et diététiciens dûment formés à la consommation responsable, il accompagne les collectivités désireuses de s’inscrire dans une démarche de progrès pour sa restauration collective. 
Quels conseils donnerais-tu à un novice qui veut se lancer dans la consommation responsable ?
 Je crois que pour certains on peut parler d’une réelle conversion, et Paris ne s’est pas faite en un jour, alors courage ! Il ne faut pas sombrer dans l’angoisse existentielle, on peut agir tous ensemble pour inverser la tendance du réchauffement climatique et du pessimisme ambiant. Tout d’abord on évite les débats avec les climato-sceptiques décérébrés, ou pire encore les platistes, et on va de l’avant vers un monde plus bio ! On réfléchit à sa consommation de tous les jours : d’où viennent et comment sont fabriqués les produits que je consomme, que contiennent-ils, sont-ils bons pour ma santé, et celle de mes proches, et pour la planète ? Ai-je vraiment besoin de faire cet achat ? … On s’affranchit des connaissances nécessaires en assistant à des conférences d’experts, en se procurant de bons bouquins et documentaires, en participant à des ateliers (zéro déchets, DIY de BCA, cuisine alternative …). Et s’il reste un peu de temps on se pose les mêmes questions pour la cantine de ses enfants, son restaurant d’entreprise, et on fait gentiment pression sur les décideurs pour refuser le système : dialogue de concertation, sensibilisation, rapprochement des acteurs avec les experts du développement durable pour des menus sains et durables.
 

 
What do you want to do ?

New mail

Partager

À votre tour, contribuez à écrire notre histoire collective !

Envoyez-nous vos textes, vos articles, partagez vos points de vue sur les sujets qui vous animent !

Articles liés