OGM : les États européens pourront interdire à la carte

Le Parlement européen a adopté le 14 janvier une directive facilitant les interdictions nationales de plantes génétiquement modifiées. Mais qui devrait aussi, paradoxalement, faciliter la culture d’OGM en Europe.

Ca y est : après une dizaine d’années de blocage au niveau européen, les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont le champ (presque) libre. Le 14 janvier dernier, les eurodéputés ont adopté une directive selon laquelle l’interdiction d’une culture de plante génétiquement modifiée (PGM) sera à la carte des pays – et non plus au menu européen. En clair, les États membres pourront s’opposer à la culture d’une PGM, même si celle-ci est autorisée au à Bruxelles.

En théorie : pour interdire une culture GM sur son territoire, un État pourra désormais invoquer des arguments socio-économiques, ainsi que ses objectifs en matière de politiques environnementale, agricole ou publique. En vrai : pour Inf’OGM, il devrait être plus difficile pour un État d’invoquer la protection de l’environnement pour interdire un OGM, car la nouvelle directive a pour base juridique l’harmonisation du marché. Et non la protection de l’environnement.

Menaces de l’OMC et du traité de libre-échange transatlantique
Et puis avant d’interdire, il faudra négocier. En gros, l’État membre devra demander la permission aux semenciers d’interdire les semences qu’ils voudraient introduire sur le territoire. Dans le cas où le semencier n’est pas d’accord, la nouvelle directive prévoit que l’État puisse interdire unilatéralement la PGM. Question : le semencier laissera-t-il passer cela sans broncher, ou pourra-t-il attaquer juridiquement le pays qui n’a pas voulu de ses semences?

C’est là que le flou persiste. Selon José Bové, eurodéputé EELV dans le Monde, la nouvelle directive ouvre la possibilité aux entreprises d’attaquer les interdictions nationales. Par exemple, en déposant « un recours devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour entrave au commerce, en instrumentalisant un petit pays extra-européen [seuls des pays peuvent faire des recours devant cette instance] ». Ou encore, la firme pourrait déposer des recours contre un État opposé à une PGM, en utilisant les tribunaux d’arbitrage prévus dans le traité de libre-échange transatlantique (TTIP, nommé aussi TAFTA), pour remise en cause de leurs investissements. Avec à la clef, un risque pour l’État de recevoir des sanctions commerciales. Autre souci découlant de la nouvelle directive : les distorsions de concurrence entre agriculteurs, inévitables si certains États autorisent une PGM et d’autres, non.

Pollution transgénique locale : à la charge des États
Et que penser de cette possibilité d’interdiction à la carte, dans le contexte de l’Europe ? Comment un État pourra-t-il défendre son opposition à un OGM au niveau communautaire, s’il a la possibilité de l’interdire sur son territoire ? Pour Eric Meunier d’Inf’OGM, interrogé par Reporterre, il s’agit d’une situation « schizophrénique ». On pourrait redouter qu’un État membre vote favorablement pour une culture d’OGM en échange de pouvoir l’interdire sur son territoire. Or, si tel OGM pose problème sur mon territoire, cela a-t-il du sens de le cultiver chez les autres ?

Et la pollution par les organismes génétiquement modifiés, comment sera-t-elle empêchée ? L’UE compte bien rendre obligatoires des mesures de coexistence, mais uniquement pour les États membres cultivant des PGM et sur les zones transfrontalières. Ce sera aux États de se débrouiller pour empêcher les risques de contamination locale, entre agriculteurs d’une même région, par exemple.

La nouvelle directive devrait donc débloquer la mise en culture de semences GM en Europe. Jusqu’à présent, seul le maïs MON 810 de Monsanto était cultivé, principalement en Espagne et au Portugal. Dans le monde, les plantes transgéniques ne concerneraient que 2% de la surface agricole utile, selon l’Isaaa, lobby des biotechnologies agricoles, dans un rapport publié le 28 janvier.

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