« Méthanisation », un processus déjà présent dans la nature mais que l’Homme cherche encore à maîtriser. Y arrive-t-il ? Qu’en tire-t-il ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Tentons de dissiper quelques interrogations.
Qu’est ce que la méthanisation ?
La méthanisation est un processus complexe qui implique des organismes microscopiques et des conditions très particulières. Devant la finitude des ressources en gaz naturel présentes dans la croûte terrestre, elle pourrait permettre un apport en énergie plus durable dans l’avenir. Le biogaz produit par méthanisation est une énergie dont les sources sont assez uniformément réparties dans le monde. Le biogaz peut se substituer au gaz naturel dans tous ses usages actuels : production de chaleur, production d’électricité et carburant pour véhicules.
Mais d’abord, comment cela fonctionne-t-il ? En très simplifié, voici les étapes qui conduisent à la formation de méthane qui sera ensuite utilisé par l’activité humaine :
Des déchets organiques sont mis à fermenter dans un digesteur (comme celui à l’image), où lesdits organismes microscopiques (des enzymes, bactéries et archées) vont par leur action créer deux produits bien distincts : un biogaz que nous pouvons exploiter, et un digestat. Cette matière mi-solide mi-liquide est ensuite mise à composter pour donner un méthacompost, qui servira lui même de fertilisant.
Il est donc possible d’utiliser le biogaz comme carburant, mais encore plus intéressant de l’épurer -entre autres- de son CO2 afin d’améliorer son rendement. Ce gaz raffiné, appelé Biométhane, peut être utilisé soit comme carburant, soit être injecté dans le réseau de distribution du gaz naturel.
La méthanisation peut provenir de plusieurs secteurs d’activité. Par exemple, dans l’agriculture, qui représente un quart de la totalité du biogaz créé en France.
La méthanisation des déchets verts et de l’industrie agro-alimentaire, une aubaine ?
C’est en tout cas le pari qu’ont pris nos dirigeants, avec un objectif affiché de 10% de part d’énergie renouvelable dans le réseau d’ici 2030 : c’est un des objectifs de la loi de transition énergétique de 2015.
Cela permet de valoriser des déchets qui, de toutes façons, se décomposeraient à l’air libre. Contrairement au gaz naturel qui, à l’échelle humaine du moins, est une ressource fossile relachant dans l’atmosphère des éléments qui ne s’y trouvaient pas précédemment ; les biogaz utilisent des composés qui y étaient déjà présents et se sont retrouvés captés par des plantes lors du cycle du carbone.
Ce recyclage semble par ailleurs complet : les déchets verts des municipalités comme le lisier des élevages porcins produisent à la fois de l’énergie et de l’engrais, qui servira à fertiliser de nouveaux plants, ce qui se rapproche d’une économie circulaire.
Au complément de revenus (par la revente d’électricité) pour les agriculteurs s’ajoute une capacité de produire par eux-mêmes un fertilisant de qualité, ce qui leur donne une plus grande autonomie.
Les projets de méthanisation à partir de déchets verts et de l’agro-industrie sont donc voués à s’accélérer, mais on constate des inégalités de répartition sur le territoire.
Un procédé encore largement perfectible
Bien qu’étant plus durable que de continuer à extraire des hydrocarbures de notre terre, la méthanisation artificielle ne va pas sans défauts. Même si elle s’inscrit dans le cycle du carbone, l’intervention humaine enlève des composés de l’atmosphère pour les intégrer dans les sols, ce qui à long terme peut entraîner un surdosage de ces composés et nuire aux cultures. Qui plus est, tous les digestats produits ne se valent pas, et une constante attention doit être portée aux dosages utilisés, à la qualité des sols mais aussi des cours d’eau pour en éviter toute pollution.
Dans le cas des cultures de végétaux, chacun ayant un rendement différent en biogaz, il serait tentant de favoriser la monoculture du plus rentable d’entre eux. Ces végétaux peuvent bien être utilisés à la fois pour la production agricole et celle d’énergie, mais la « libération des énergies renouvelables » peut aussi se faire au prix d’une surface pouvant être utilisée pour l’alimentation : c’est ce qu’on appelle les Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique.
D’un point de vue logistique, la méthanisation des déchets agricoles nécessite de nouvelles installations, et plus grand est le méthaniseur, plus rentable est le procédé. Il s’agit donc d’un investissement d’autant plus risqué pour les petites exploitations que son amortissement est dépendant du prix de l’énergie, et donc soumis aux aléas du marché fluctuant pour un petit exploitant.
Ce processus complexe en est donc encore à ses débuts, et il nous appartient de veiller à ce qu’il soit utilisé de la manière la plus respecteuse des sols, des rivières et des lacs, et des agriculteurs. De plus amples informations sont disponibles sur le site de l’Ademe.