Une nouvelle réglementation européenne sur le vin bio a vu le jour à Bruxelles. Pour obtenir le label bio européen sur un vin, il faudra désormais justifier non seulement de raisins bio, mais aussi d’une vinification respectant ce nouveau règlement.
La cuvée 2012 sera bio. Après une dizaine d’années de discussions difficiles, les experts du comité permanent de l’agriculture biologique de l’Union européenne se sont accordés mi-février sur une réglementation spécifique au vin bio. Jusqu’à présent, seuls les raisins pouvaient être certifiés issus de l’agriculture biologique. Désormais, les pratiques œnologiques sont aussi prises en compte, pour pouvoir apposer le logo étoilé sur une bouteille. Avec la nouvelle réglementation, qui sera publiée courant mars au journal officiel et entrera en vigueur en août 2012, ces pratiques œnologiques devront suivre un cahier des charges précis. Celui-ci interdit certaines substances, limite l’utilisation d’autres…et en autorise encore beaucoup d’autres. L’avantage de ce texte : il fixe un cadre minimum pour avoir le label bio européen.
Minimum, car cette réglementation est le fruit d’un consensus entre tous les Etats-membres. Or, entre la Suède et la Grèce, en passant par les Pays-Bas, la France et la Hongrie, la palette des climats et des terroirs est extrêmement variée. Sans parler des différences régionales au sein d’un même pays. Cette grande diversité géographique s’accompagne d’une grande variabilité des pratiques œnologiques. «Entre un Rioja espagnol, très tannique, un vin de Sicile plus alcooleux ou encore un vin du Nord de l’Europe, qui n’aura pas nécessité de traitement pour la stabilisation tartrique grâce au froid quasi constant, les viticulteurs se trouvent face à des contraintes pratiques très différentes. Contraintes auxquelles il faut ajouter celles liées à chaque région : on n’obtient pas un vin de Bordeaux comme on obtient un Bourgogne ou un Coteaux-du-Layon !» fait remarquer Côme Isambert, ingénieur agronome spécialisé en viticulture à l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) de Montpellier. Au final, les Etats-membres se sont accordés sur quelques points. La désulfitation ainsi que l’utilisation d’acide sorbique seront interdits. Mais le point central de cet accord réside dans la concentration en sulfites : ces produits chimiques à base de soufre utilisés pour leurs propriétés antioxydantes et stabilisatrices, devront être moins présents qu’en conventionnel.
Pour avoir le label européen, la teneur d’un vin bio en sulfites, ou anhydride sulfureux (SO2) doit être inférieure de 30 à 50 mg/L par rapport à son équivalent conventionnel. Ainsi, dans un vin rouge sec bio, les sulfites ne dépasseront pas une concentration de 100 mg/L (150 pour un conventionnel). Pour un blanc/rosé sec bio, la limite est de 150 mg/L (200 en conventionnel). Pour les vins liquoreux, plus riches en sucres, la teneur en SO2 doit être abaissée de 30 mg/L. Ces teneurs peuvent paraître toujours énormes, pour un produit labellisé bio. D’autant que de nombreuses autres chartes, privées et souvent locales, elles, vont plus loin.
Chez Nature et Progrès par exemple, les teneurs en sulfites autorisées sont de 70 mg/L pour un rouge et de 90 mg/L pour un blanc ou un rosé. Idem chez Démeter, marque privée pour les produits respectant les règles de la biodynamie. La charte Biodyvin du syndicat international des vignerons en culture biodynamique (SIVCBD) observe, quant à elle, une limite de 80 mg/L et de 105 mg/L pour les rouges et blancs/rosés respectivement. Le point commun de toutes les marques alternatives au label européen : le souhait mettre en valeur un terroir et un savoir-faire en utilisant le moins d’additifs possible dans le processus de vinification. Ces vins, dits nature, seront-ils pénalisés par ce nouveau règlement ? Selon le site d’information Reporterre, créé par le rédacteur en chef d’Inf’OGM Christophe Noisette, nombreux sont les petits viticulteurs à craindre l’arrivée sur le marché de moult vins bios européens, venant concurrencer les leurs. Sans garantir pour autant les mêmes choses. «Ceux qui ne sauront pas se démarquer par une vinification vraiment différente risquent de vivre des années difficiles», estime Jacques Broustet, vigneron du Château Lamery, sur le site Reporterre. Pas moyen non plus de comparer les vins bio entre eux, puisque les pratiques œnologiques n’ont pas à être mentionnées sur l’étiquette. Selon Lilian Bauchet, vigneron du Château des Bachelards, cité par Reporterre, cette nouvelle réglementation «risque de créer une confusion dans l’esprit du consommateur lambda qui, sous le vocable vin bio, amalgamera les vins des industriels du vin dont le seul objectif est l’augmentation de leurs marges bénéficiaires et ceux des vignerons qui considèrent le bio comme un chemin vers l’excellence, dans le respect de l’environnement et des consommateurs». L’amateur de vins nature peut toujours se tourner vers les chartes privées. Et attendre que la réglementation européenne s’améliore : elle sera revue en 2015.