L’échec des négociations entre les Etats membres, le Parlement et la Commission sur une éventuelle interdiction de la viande clonée signifie, de fait, qu’elle est autorisée. Pas même un accord sur l’étiquetage de cette viande n’a pu être trouvé alors qu’elle est déjà commercialisée en Europe.
« C’est une honte. Le choix des Européens est clair : ils ne veulent pas que le clonage soit utilisé à des fins de production alimentaire ; et pourtant ils n’ont pas été écoutés. Les produits alimentaires issus du clonage n’apportent aucun bénéfice aux consommateurs, mais leurs intérêts n’ont pas fait le poids face aux inquiétudes du commerce international. Quels intérêts représentaient les ministres au juste ? », s’indigne Monique Goyens, Directrice Générale du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), dans un communiqué. Aux dires des observateurs présents lors des 11 heures de négociations nocturnes, les ministres de l’Union européenne ont refusé toutes les propositions du Parlement européen, y compris celle d’un étiquetage obligatoire des produits alimentaires issus de viande clonée.
Matthias Wolfschmidt, de l’organisation foodwatch (voir article lié), dénonce tout particulièrement le blocage des représentants allemands à Bruxelles. « L’étiquetage de produits alimentaires issus du clonage a échoué en grande partie à cause de l’opposition du gouvernement allemand », dénonce-t-il. « Pour éviter une querelle commerciale pouvant conduire à un embargo de la viande allemande aux Etats-Unis, Ilse Aigner (Ministre allemande de l’agriculture, CSU, parti conservateur bavarois) et Rainer Brüderle (Ministre allemand de l’économie, FDP, parti libéral) ont cédé à la pression des Etats-Unis, principal exportateur de viande clonée et fournisseur de matériel de clonage ». Selon des chiffres publiés par German Meat, l’organisation représentant les intérêts de l’industrie allemande de la viande, la branche génère un chiffre d’affaire annuel d’environ 16 milliards d’euros. Près de 300 000 tonnes de dérivés de viande sont exportés (sur une production totale de 1,4 millions de tonnes) pour une valeur annuelle de 1,3 milliards d’euros. La branche emploie environ 60,000 salariés pour près de 400 entreprises.
Le consommateur européen dupé
Si les consommateurs européens ne mangent pas directement de la viande clonée, ils mangent d’ores et déjà des produits issus d’animaux clonés. A leurs insu. En quelle quantité, dans quels produits, il est aujourd’hui impossible de le dire, si l’on en croit une note confidentielle rédigée pour la Commission européenne que publie le laboratoire indépendant allemand Testbiotech. « Nous avons importé des spermes des Etats-Unis, il y a déjà des descendants d’animaux clonés en Europe, ainsi que des produits alimentaires qui en sont dérivés. Le problème, c’est que nous ne savons pas quel animal est issu de clones », peut-on lire dans la note. Lors des négociations, les députés ont fait valoir que les risques encourus par la consommation de produits issus d’animaux clonés sont encore mal connus. Par ailleurs, ils ont également souligné que le clonage a pour effet de réduire considérablement la diversité génétique parmi les animaux d’élevage et augmente du même coup le risque que des troupeaux entiers soient décimés par des maladies. Un état de fait auquel il faut ajouter la mortalité plus élevée et plus précoce chez les animaux clonés.
100 000 euros pour cloner un animal
Quel est alors l’intérêt du clonage d’animaux ? Il est, sans surprise, d’ordre économique. La note confidentielle pointe dans un premier temps qu’un embargo immédiat des produits européens par les Etats-Unis signifierait un préjudice économique évalué à 250 millions d’euros par an sur les exportations agricoles européennes. Par ailleurs, Christoph Then, de Testbiotech, relève que « seule un petit nombre d’entreprises retirent des bénéfices générés par la technologie du clonage ». Car les techniques de clonage demandent un investissement conséquent. La note confidentielle relève ainsi que le coût du clonage d’un animal peut être estimé à l’heure actuelle autour de 100 000 euros, « mais à mesure que la technologie progresse, les prix peuvent baisser »…
Actuellement, un boeuf non cloné coûte entre 4,000 et 20,000 euros. Or, le clonage signifie la propagation rapide et délocalisée d’un patrimoine génétique recherché par les éleveurs, à savoir celui générant la plus grande productivité possible le plus rapidement possible. Une fois appliquée dans leurs troupeaux, la technique de clonage améliore leur rendement et amortit du même coup l’investissement de départ. Mais au-delà du risque élevé de maladies liées au clonage, le laboratoire Testbiotech met en garde contre la dépendance aux laboratoires proposant ces techniques, un point de vue partagé par Matthias Wolfschmidt : « A l’aide des techniques de clonage, certaines entreprises cherchent à dominer toute la chaîne de production des produits alimentaires animaliers. Ce qui ne va pas dans le sens de l’intérêt public ».
Claire Stam à Francfort (Allemagne)
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