La question du mois : y a-t-il un grillon dans le potage ?

Alerté∙e∙s à plusieurs reprises sur la présence non affichée de poudre d’insecte dans notre alimentation, nous avons mené l’enquête. Autorisée en janvier 2023, l’affichage de cette poudre est obligatoire et les bienfaits pour notre santé et pour la planète sont non négligeables. Ceci dit, l’absence de communication pour nous avertir est problématique, car il n’est pas évident de penser à regarder l’étiquette, en particulier dans nos produits de consommation courante habituels. Plus problématique encore, dans quelles conditions sont élevés ces insectes et comment repérer leur présence dans la restauration privée ou dans la restauration collective ?

  • En bref :

La Commission Européenne a autorisé, en janvier 2023, la poudre de grillons dans un grand nombre de produits disponibles dans le commerce, comme : les pains, biscuits secs, barres de céréales, sauces, pizzas, plats à base de légumineuses et de légumes, substituts de viande, soupes, boissons similaires à la bière, fruits à coque et oléagineux ou encore les confiseries au chocolat.

Les plus :

  • La présence de poudre de grillons sera obligatoirement indiquée dans la liste des ingrédients de vos produits, même en cas d’absence d’emballage. Vous verrez la mention « poudre d’Acheta domesticus partiellement dégraissés », ainsi qu’une recommandation et un avertissement pour les personnes allergiques.
  • Les insectes sont intéressants sur un plan nutritionnel. Pour 100 grammes, un steak haché moyen offre environ 25 grammes de protéines ; pour la même quantité, on retrouve 69 grammes dans les criquets.
  • Ils ont également un intérêt d’un point de vue climatique : 10 à 100 fois moins de gaz à effet de serre émis que pour produire 1kg de bœuf.
  • La production est économe en eau, et permet de faciliter l’absence de déchets.

 

Les moins :

  • A l’heure actuelle, aucune législation spécifique n’existe vis-à-vis des insectes. Ils sont tenus de suivre les législations générales de l’agro-alimentaire et « les bonnes pratiques » d’élevage établies par l’Union Européenne… dont on connait l’historique.
  • On peut se questionner sur l’application de l’affichage dans la restauration.
  • L’absence de communication spécifique peut amener les consommateurs∙trices à consommer ces insectes, sans en avoir conscience, ce qui pose la question de la transparence.
  • Un véritable cahier des charges doit encore être créé.

Que dit la réglementation ?

 

Début janvier, la Commission européenne a donné son autorisation pour commercialiser la farine de grillons, ce qui a provoqué quelques interrogations chez de nombreux consommateurs et nombreuses consommatrices. Le grillon domestique était déjà un produit autorisé à la vente depuis 2022. Dorénavant, celui-ci pourra être intégré comme ingrédient dans une série de produits transformés. Cette autorisation est valable cinq ans, et bénéficie d’un contrôle de la part de l’Union Européenne.

Cette poudre sera autorisée dans un grand nombre de produits disponibles dans le commerce comme : les pains, les biscuits secs, les barres de céréales, les sauces, les pizzas, les plats à base de légumineuses et de légumes, les substituts de viande, les soupes, les boissons similaires à la bière, les fruits à coque et oléagineux ou encore les confiseries au chocolat.

Dans son communiqué, l’Union Européenne a déclaré que cette utilisation serait « très marginale dans l’industrie agroalimentaire ».

Contrairement à des informations véhiculées sur les réseaux sociaux, la présence de poudre de grillons sera obligatoirement indiquée dans la liste des ingrédients de vos produits. Vous verrez la mention « poudre d’Acheta domesticus (grillons domestiques) partiellement dégraissés » sur tous les étiquetages des produits alimentaires qui en contiennent. Vous ne pourrez pas manger de poudre de grillons à votre insu en faisant vos courses… à condition de penser à bien regarder la liste des ingrédients, et réussir à y trouver la présence de cet ingrédient ;

Il est également exigé d’indiquer que cet ingrédient peut provoquer des allergies pour les personnes allergiques aux crustacés ou mollusques. Cette mention est donc obligatoire, et devra également être délivrée au consommateur∙trice en cas d’absence d’emballage, lors d’une vente en boulangerie notamment.

En plus des règles sanitaires mises en place, des doses maximales ont été fixées par l’Union Européenne. Vous ne pourrez trouver dans les barres de céréales plus de 3 grammes de poudre de grillons par 100 grammes. Dans vos biscuits, il n’y aura pas plus de 1,5 grammes de cette poudre.

D’autres insectes autorisés sur le marché dans l’Union Européenne

L’Union européenne a autorisé l’utilisation d’autres insectes dans la fabrication de certains produits. Vous pourrez retrouver la larve du ver de farine, le criquet migrateur africain, ou encore le criquet domestique. Ces insectes seront congelés, séchés et mis en poudre.

Mais est-ce qu’on doit manger des insectes ?

Le fait qu’un aliment soit comestible ne veut pas dire qu’il est consommable pour un humain. Il faut qu’il soit sain (et c’est le cas des insectes autorisés) mais il faut aussi qu’il ne provoque pas le dégoût. C’est le plus gros handicap à la consommation d’insectes. Il y a des freins culturels très forts en Europe. Une défiance qui découle, d’un réflexe de survie ; une nourriture infestée d’insectes est perçue comme corrompue. On peut retrouver le même réflexe ambivalent avec les produits fermentés, ou les moisissures.
On mange des insectes ailleurs dans le monde, en Asie, en Afrique, parce que cela s’inscrit dans des expériences et des traditions anciennes.

Les insectes sont aussi intéressants sur le plan nutritionnel. Pour 100 grammes, un steak haché moyen offre environ 25 grammes de protéines ; pour la même quantité, c’en est 69 grammes que l’on trouve dans les criquets. Les insectes comestibles sont également très riches en acides gras insaturés, comme les omégas 3 et 6 (qui aident à lutter contre le cholestérol), et en minéraux comme le fer et le calcium.

La culture des insectes se révèle plus écologique :

  • Leur élevage permet un modèle zéro déchet. Les scarabées, mouches et autres grillons sont nourris avec les coproduits de l’agriculture végétale (betteraves, céréales, fruits, etc.), ce qui explique l’installation des fermes dans les zones agricoles, et ainsi, le potentiel de limiter les transports.
  • Produire 1kg de vers de farine entraîne l’émission de 10 à 100 fois moins de gaz à effet de serre que produire 1kg de bœuf. Le méthane, 86 fois plus puissant que le CO2 en matière de réchauffement et massivement produit par les vaches, est peu produit par les vers de farine et encore moins par les grillons.
  • Leur rendement en biomasse est également plus intéressant : il ne leur faut que 1,1kg de nourriture pour produire 1kg de criquet, alors qu’il en faut 10kg pour obtenir 1kg bœuf !
  • Enfin, la différence dans la consommation d’eau est écrasante : 1kg de bœuf englouti 13 500 litres d’eau au cours de sa production. A comparer aux 10 litres demandés par les grillons pour la même quantité.

 

Des risques sanitaires a priori limités

Ynsect et InnovaFeed ont chacune des dizaines de chercheur∙e∙s, basé∙es notamment dans leurs laboratoires d’Evry au Genopole. Ceux-ci étudient la génétique des scarabées et des mouches, leur réaction à différents types d’alimentation, les modalités de leur reproduction ou encore les éventuels risques sanitaires dont ils seraient porteurs. Ynsect travaille également avec l’Inra et l’université Jules Vernes d’Amiens et a déposé 26 brevets à ce jour. Il n’y a actuellement aucun cas connu de transmission à l’homme de maladies ou de parasites par la consommation d’insectes. Il peut en revanche y avoir des allergies comme pour les crustacés ou fruits de mer. Poussée par la FAO qui voit dans « l’entomophagie » (le fait de manger des insectes) un moyen efficace de contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, ainsi que par des start-up positionnées sur ce secteur, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) planche sur l’évaluation des risques, en vue d’ouvrir le marché des insectes aux porcs et aux volailles, ainsi qu’à l’alimentation humaine directement. Ses résultats devraient être publiés en 2023. Le principe de précaution aurait pu pousser la Commission Européenne à attendre ces résultats.

 

Quelles conditions d’élevage pour ces insectes ?

Souvent robotisés et industriels, les sites de production répondent aux normes de l’Union européenne, mais les conditions d’élevage sont très difficiles à trouver. Sous l’impulsion de l’ONU, certains pays occidentaux se lancent dans l’élevage d’insectes à destination de l’alimentation humaine. Au Pays-Bas, des producteur∙trice∙s d’insectes se sont réuni∙e∙s en association et produisent des dizaines de tonnes de vers de farine pour l’alimentation animale, mais aussi pour l’alimentation humaine. En France, quelques élevages industriels voient le jour. Les éleveurs∙euses et futurs éleveurs∙euses d’insectes se sont réuni∙e∙s en fédération : la FFPIDI (Fédération Française des Producteurs et Importateurs d’Insectes comestibles). 

A l’heure actuelle, aucune législation spécifique n’existe vis-à-vis des insectes. Ils sont tenus de suivre les législations générales de l’agro-alimentaire et « les bonnes pratiques » d’élevage établies par l’Union Européenne… dont on connait l’historique.

Notre enquête va donc se poursuivre car il est non seulement complexe de trouver un cahier des charges précis, mais également délicat de savoir si des élevages bio peuvent se créer. De plus, dans la mesure où elle représenterait moins de 5% de leur composition, serait-il envisageable que la poudre de grillons débarque aussi dans des produits transformés bio ? La question reste ouverte à ce stade.

Transparence et communication : principaux problèmes des nouvelles productions

Bien que l’affichage soit obligatoire, il semble impératif et légitime qu’une communication spécifique soit créée pour avertir les consommateurs∙trices que la liste d’ingrédients de leurs produits habituels est susceptible de changer ou d’avoir déjà changé.

Une transparence du cahier des charges et la création d’une législation spécifique semble donc également indispensable, pour faciliter l’information du consommateur.

 

 

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