Le réseau action climat France (Rac-F) et la fondation Nicolas Hulot (FNH) appellent le président de la République et les élus parlementaires à cesser de financer les activités nocives pour la nature. Plus de 35 milliards d’euros annuels pourraient être économisés. Un bon moyen de soigner le budget français et – tant qu’à faire – la planète. Bio Consom’acteurs, 30 autres organisations et 50 économistes ont signé la pétition en ligne sur www.stopsubventionspollution.fr.
Entre 20 et 35,5 milliards d’euros. C’est ce que donnerait l’Etat français chaque année pour des activités polluantes, selon une étude de Guillaume Sainteny, économiste et maître de conférences à polytechnique. A l’heure où la France présentera sa loi de finances rectificative début juillet et sa loi de finances 2013 en septembre, ce creuset d’économies potentielles tombe à pic. Le 27 juin dernier à Paris, le réseau action climat France (Rac-F) et la fondation Nicolas Hulot (FNH) ont donc lancé leur campagne «Stop aux subventions à la pollution». Avec pour but une réforme fiscale. Qui «basculera enfin notre fiscalité, basée sur le travail, vers une écofiscalité», soutient Nicolas Hulot. Une trentaine d’organisations, dont Attac, Agir pour l’environnement, les Amis de la Terre et le WWF, ainsi qu’une cinquantaine d’économistes, ont déjà signé cet appel lancé par les deux ONG. Les citoyens sont aussi invités à signer en allant sur www.stopsubventionspollution.fr.
Car en termes d’environnement, la France doit soigner sa schizophrénie. «On subventionne trois fois plus le changement climatique qu’à lutter contre lui», déplore Guillaume Sainteny. D’après les calculs de ce dernier, près de 9 milliards d’euros nourriraient les énergies fossiles, via les transports, le bâtiment, l’agriculture, etc.. Tandis que la lutte contre le changement climatique n’aurait reçu, elle, qu’entre «3 à 3,9 milliards d’euros». Cherchez l’erreur. Mais les énergies fossiles ne sont pas la seule niche fiscale. Rac-Fet FNH en dénoncent d’autres.
Seul carburant d’origine fossile à ne pas être taxé: le kérosène des avions. Ce cadeau au secteur représenterait un manque à gagner de 3,7 milliards d’euros par an à l’Etat français, selon FNH et le Rac-F. Bizarre: l’avion est le transport le plus émetteur de gaz à effet de serre (CO2, oxydes d’azote et vapeur d’eau). «Ubuesque», commente Guillaume Sainteny. Autre secteur polluant largement subventionné : le transport routier, dépendant à 98% des énergies fossiles et représentant 90% du transport de marchandises, selon les deux ONG. Les transporteurs bénéficient d’un remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), en fonction de leur consommation de gazole. «Un manque à gagner de 300 millions d’euros par an pour la France et pour les régions», signalent les initiateurs de la campagne. Autre grands gagnants des subventions polluantes : les agrocarburants industriels, qui profitent eux aussi d’une exonération partielle de TICPE. Les industriels de la filière auraient ainsi gagné plus de 2,6 milliards d’euros, venant presque entièrement des poches des consommateurs. Ces derniers devant consommer davantage d’agrocarburants que d’essence ou de gazole pour parcourir une même distance, ils doivent payer plus de taxes: taxe sur la valeur ajoutée et taxe générale sur les activités polluantes. Au final, l’Etat perdrait 820 millions d’euros par an, à cause de la défiscalisation offerte aux industriels des agrocarburants.
Selon la Commission européenne, la France se situe à l’avant-dernière place en matière d’écofiscalité. Pour réformer tout ça, Guillaume Sainteny propose par exemple de «redesigner les infrastructures existantes, comme les lignes secondaires de chemins de fer ou les immeubles, plutôt que de miser sur l’étalement urbain et de nouvelles infrastructures de transport». Non seulement l’intérêt de cette écofiscalité est environnemental et budgétaire, mais aussi économique et social. «Cela encouragerait des secteurs nouveaux», rappelle Guillaume Sainteny, «et pourrait profiter aux classes les plus pauvres». Et de souligner qu’aujourd’hui, «les subventions publiques favorisent surtout les intermédiaires ou les classes moyennes». Une fiscalité à réinventer urgemment, donc. Et dont l’agriculture conventionnelle, avec ses engrais et ses pesticides subventionnés grâce à la politique européenne, pourrait faire partie.
Voir le site www.stopsubventionspollution.fr pour signer la pétition, voir les chiffres accordés à chacun des secteurs polluants, et trouver des références.
Voir le livre de Guillaume Sainteny : Plaidoyer pour l’écofiscalité (Buchet-Chastel, 272 p, 20 euros).
Voir le site du réseau action climat France
Voir le site de la fondation Nicolas Hulot