La certification agricole Haute Valeur Environnementale dite « HVE » est apparue en 2012. Entre greenwashing pour certains et rigidité des exigences environnementales pour d’autres, celle-ci ne fait pas l’unanimité du secteur agricole et des associations de protection de l’environnement et de consommateurs. Pourquoi ?
Une certification née sous tension
La certification HVE est issue du Grenelle de l’Environnement qui en 2009, visait à prendre des engagements à long-terme en France, sur l’environnement et le développement durable, dans le respect de la biodiversité, l’efficience énergétique et la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Dans les conclusions du Grenelle, il était mentionné que « la certification est une voie privilégiée pour développer production et consommation durables (…), la reconnaissance des bonnes pratiques environnementales et sanitaires des agriculteurs dans la gestion quotidienne de leurs exploitations (…), et répondre aux besoins des consommateurs à la recherche de produits sûrs et de qualité et aux attentes des citoyens demandant des pratiques respectueuses de l’environnement ».
La Haute Valeur Environnementale (HVE) est le plus haut des trois niveaux de la certification environnementale des exploitations agricoles. Cette certification environnementale des exploitations agricoles est basée sur le volontariat, et comporte 3 niveaux :
• Niveau 1 : le simple respect de la réglementation environnementale
• Niveau 2 : le respect de bonnes pratiques environnementales (biodiversité, protection phytosanitaire, fertilisation, gestion de l’eau) basée sur le principe d’agriculture raisonnée
• Niveau 3 : donne droit à la certification HVE
Cette certification, née sur la base de propositions portées par l’association France Nature Environnement (FNE) lors du Grenelle de l’environnement, a rencontré de nombreuses oppositions issues d’acteurs essentiels du paysage agricole français (chambres d’agriculture, instituts techniques, syndicalisme agricole), qui critiquent majoritairement le renforcement des contraintes et exigences environnementales. Le lobby agricole s’est ainsi battu pendant deux ans et a réussi à assouplir les conditions de cette certification.
HVE : entre l’agriculture conventionnelle/raisonnée et la Bio (label AB, Eurofeuille)
La certification HVE, est accessible par deux voies :
- La 1ère voie est thématique et repose sur des indicateurs de résultats en biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion des engrais et gestion des ressources en eau. Elle est relativement accessible, car le critère de stratégie phytosanitaire peut être validé seulement si une partie de son exploitation n’est pas traitée et si l’exploitant agricole utilise aussi des méthodes alternatives à côté des traitements chimiques.
- La 2nde voie est dite d’approche globale. Synthétique, elle repose sur des indicateurs de résultats selon la place laissée à la nature, avec au moins 10% de la structure en infrastructure agro-écologique et une consommation d’intrants inférieure à 30%. Pour les grandes surfaces, ces critères sont relativement faciles d’atteinte.
Il est possible de combiner certification HVE et labellisation en bio pour des exploitants agricoles déjà en bio et désirant valoriser davantage leurs efforts en matière de biodiversité et de maintien des éléments naturels (haies, arbres…) dans son exploitation.
La certification HVE (niveau 3) est plus stricte que l’agriculture conventionnelle ou raisonnée qui est beaucoup plus dépendante envers les intrants, du fait de l’intensification agrochimique et ses contreparties environnementales (pollution de l’eau, empoisonnement des milieux). Par exemple, la certification HVE exige de faire attention à la biodiversité ou la gestion des ressources en eau. Cependant, elle est bien plus souple que la certification en Bio.
Le label Bio est encadré par un cahier des charges défini au niveau européen, tandis que la certification HVE est une mention valorisante encadrée par les pouvoirs publics français. La différence majeure est la permission d’utiliser des fertilisants chimiques et pesticides dont on connaît les impacts sur la santé (cancers, problèmes neurologiques et immunitaires, infertilité). De plus, pour l’élevage, la certification HVE n’a aucune exigence en termes de bien-être animal.
Plus de risques que d’opportunités en faveur de la protection de la planète ?
Cette certification compte des détracteurs. Certains pensent que rien ne mérite le qualificatif « haute valeur environnementale » en dehors de la bio ; d’autres pointent une sous-estimation des exigences HVE en raison d’une confusion avec l’agriculture raisonnée, et enfin, il lui est reproché de semer la confusion entre HVE et Bio. Pourtant, toute l’agriculture française doit avancer en termes de pratiques environnementales, et la certification HVE permet au moins de valoriser l’autonomie et la diversité des exploitations agricoles. On observe aussi qu’un certain nombre d’exploitants certifiés HVE ont réussi à produire en réduisant leur empreinte écologique.
En raison de la faible attractivité de la certification HVE liée à l’absence de leviers économique ou fiscal incitatifs, certaines organisations souhaiteraient une différenciation sur les produits. « Pourtant, on certifie une ferme et pas un mode de production comme dans l’agriculture biologique. Et ce n’est pas parce que vous respectez l’environnement que vous faites un bon produit. » (Confédération paysanne). En effet, « avec la certification HVE, l’État entend appliquer au vivant les normes issues de l’industrie. Avec cette volonté de sécurisation hygiéniste, la certification ouvre seule l’accès aux marchés et sécurise les approvisionnements des firmes avec des biocides (insecticides, fongicides, herbicides et antibiotiques) sans améliorer les pratiques agronomiques, et vise à camoufler les risques sanitaires les plus criants de l’industrialisation » (Alain Bazot, président de l’Association de consommateurs – UFC Que choisir).
Cela constitue un risque de récupération de la démarche et de la certification par les filières aval (restauration collective, industrie de transformation, distribution etc) tout en ajoutant de la confusion pour les consommateurs et « un risque de concurrence déloyale vis-à-vis des véritables certifications, telles que le Label rouge, l’agriculture biologique ou encore les AOC-AOP ».
Cet article a été rédigé par Aymée Nakasato, bénévole de Bio consom’acteurs.