Effet des OGM sur la santé : l’innocuité n’est pas prouvée

La revue Food and chemical toxicology va publier une méta-analyse de 24 études, qui montrerait que l’ingestion d’OGM n’aurait pas d’effet négatif sur la santé animale. La présence de biais majeurs dans cette analyse mérite de la remettre en question.

«Le débat sur les OGM d’un point de vue sanitaire est clos», affirmait Agnès Ricroch, chercheuse à l’institut AgroParisTech, sur Europe 1 le 15 décembre. Tirée d’une analyse, qui sera publiée dans la revue scientifique Food and chemical toxicology, cette conclusion est hâtive. Car l’analyse en question, qui traite 24 études sur l’effet des OGM sur les animaux,  «comporte des biais majeurs», indique Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’Université de Caen et président du conseil scientifique du comité de recherche et information indépendantes sur le génie génétique (Criigen), membre du comité de soutien de Bio Consom’acteurs. «Les auteurs n’ont pas fait de nouvelles analyses statistiques à partir des données brutes, ils se sont contentés de rassembler les conclusions des études, indiquer les problèmes de protocoles et de rapprocher certains résultats des moyennes biologiques».

Premier biais : plusieurs des tests réalisés dans ces 24 études analysées par l’équipe d’Agnès Ricroch étaient trop brefs pour signifier quoi que ce soit. « Une chèvre ou une vache peuvent vivre 15 ans, des tests de 9 ou 35 semaines ne sont donc pas des tests à long terme de toxicité chronique », argue Gilles-Eric Séralini. Idem pour les macaques crabiers cités dans cette analyse: ils ont été nourris avec des OGM durant 6 mois et demi. Sachant que ces singes peuvent vivre une trentaine d’années, on peut penser qu’un tel laps de temps peut difficilement suffire pour déceler d’éventuels symptômes de maladie chronique.

Deuxième travers de cette analyse: certains tests ne s’intéressent qu’à l’aspect nutritionnel des OGM : poids de l’animal, composition nutritionnelle du lait, indice de consommation de nourriture, digestibilité. Mais omettent les analyses de sang, d’urine, de pathologies cellulaires… pourtant indispensables à une évaluation toxicologique. Or, l’équivalence nutritionnelle entre un OGM et un non-OGM ne signifie pas l’innocuité des OGM. On peut aussi douter de la pertinence de certains tests, comme celui portant sur 3 individus seulement, ou un autre ne précisant pas la durée du nourrissage. Sans critiquer la méthodologie ni l’interprétation de ces études, les auteurs de l’analyse publiée dans Food and chemical toxicology les utilisent pour étayer leur propos, à savoir l’absence d’impact sur la santé des OGM.

Par ailleurs, certaines études notent des différences significatives entre les animaux ayant mangé des OGM et les autres : changements dans le métabolisme et la composition cellulaire des reins, du pancréas, du foie ; présence d’ADN transgénique dans le sang ou dans le lait des animaux. Les auteurs de l’analyse expliquent ces différences par des problèmes de protocole, les estimant donc non significatives. Or, des «signes mis en évidence dans les reins et le foie pourraient être le début de maladies chroniques», prévient Gilles-Eric Séralini. Dans une étude que celui-ci a réalisée avec son équipe (et qui n’est pas traitée dans l’analyse d’Agnès Ricroch), il a mesuré «plus de 9% d’effets secondaires, concentrés dans les reins et le foie», chez des animaux ayant mangé des OGM durant plus de 90 jours. Une durée qui reste très insuffisante.

«Les tests de 90 jours ne suffisent pas pour évaluer la toxicité chronique d’un OGM», défend Gilles-Eric Séralini. Du côté d’Agnès Ricroch, c’est l’inverse : des études plus longues ne serviraient à rien. Du côté des autorités de régulation européennes et internationales, c’est plus simple. «Aucune durée minimale pour les tests n’est obligatoire pour les OGM cultivés à large échelle», argue Gilles-Eric Séralini, même si l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) recommandent simplement aux industriels de réaliser des tests de 90 jours avant une demande d’autorisation de mise sur le marché. Une faille socialement inacceptable, en termes de protection sanitaire du consommateur et de l’environnement.

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