Les produits HVE (Haute Valeur environnementale) envahissent nos rayons. Qu’en est-il ? Retrouvez notre décryptage et notre comparatif
Nous avons proposé en 2021 un décryptage et une infographie, suite à la sortie de deux rapports de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Nous dénoncions en quoi la certification HVE n’engageait pas au changement des pratiques agricoles et contribuait à semer la confusion parmi les consommateurs. Suite à la mobilisation de plusieurs associations, à la multiplication des rapports scientifiques et aux recommandations de l’Union Européenne, un nouveau référentiel de la certification HVE voit le jour pour 2023.
Qu’en est-il ? Nous décryptons ce que ça change pour vous, pour les fermes, et pour la planète dans une nouvelle infographie à partager sans modération :
« Avec des effectifs qui ont plus que doublé entre juillet 2020 et juillet 2022, la certification (HVE) est passée récemment dans une dynamique de croissance exponentielle. » (Rapport de l’OFB d’octobre 2022)
Historique de la certification environnementale
La certification HVE ou « Haute valeur environnementale » a été créée en 2010, suite au Grenelle de l’Environnement de 2007, pour reconnaître « les exploitations agricoles engagées dans des pratiques particulièrement respectueuses de l’environnement ». Elle est constituée de 3 niveaux, dont seul le 3ème permet l’usage de la mention valorisante « Haute valeur environnementale » (HVE) sur les produits issus de l’exploitation.
Cette certification environnementale a été officiellement lancée en 2012. Son pilotage a été confiée à une commission spécifique du Conseil Supérieur d’Orientation et de Coordination de l’Économie Agricole : la Commission Nationale de la Certification Environnementale (CNCE). Elle est composée d’une diversité d’acteurs concernés par le dispositif : représentants des ministères de l’agriculture et de la transition écologique, des syndicats agricoles, d’associations agréées pour la protection de l’environnement, de l’industrie agro-alimentaire, de la distribution et d’organisations de consommateurs.
Suite à la publication de l‘IDDRI et de l’OFB en 2021, et suite à la polémique autour de la révision de la PAC, qui porte le niveau d’aides pour HVE à hauteur avec celui pour l’agriculture biologique, un nouveau référentiel est proposé.
Alors que le rapport ASCA EPICES de l’OFB est paru en octobre 2022, la plupart des recommandations n’ont pas été prises en compte dans la nouvelle version du référentiel. fermes certifiées selon l’ancien référentiel avant 2023, pourront même continuer à s’en prévaloir jusqu’à fin 2024.
Comment obtenir la certification HVE ?
La certification est accessible en cumulant 10 points sur 4 thématiques (irrigation, biodiversité, pesticides, fertilisation). Cette démarche est désormais obligatoire après la suppression de la voie B dans le nouveau référentiel. C’était déjà la voie majoritaire en 2022 (86% des exploitations certifiées).
Contrairement à l’agriculture biologique, il n’y a pas de période de « conversion » ni de contrôle annuel. Les contrôles se font tous les trois ans, par des organismes certificateurs agréés. Le cahier des charges implique uniquement la production et non la transformation, le stockage, l’étiquetage ou la commercialisation des produits, comme cela est obligatoire pour la certification en agriculture biologique.
L’OFB et l’IDDRI, dans leurs rapports*de 2021 et 2022, montrent qu’il est aisé d’obtenir les points nécessaires dans les différentes catégories en respectant simplement la réglementation en vigueur et sans changer de pratiques agricoles. Selon l’OFB, il est même facile de « valider l’indicateur biodiversité sans qu’aucune des caractéristiques de l’exploitation ne soit particulièrement vertueuse au titre de la biodiversité ».
Un nouveau référentiel aussi trompeur que le premier
En 2021, HVE n’apportait aucune garantie sur l’environnement, la gestion de l’eau ou sur des pratiques plus vertueuses. En 2023, si la voie B n’existe enfin plus, la réforme de la voie A ne change que des détails techniques à la marge.
Le nouveau référentiel HVE n’apporte donc rien de plus à la protection de l’environnement ou de la santé. Pire, par un nom qui fait rêver, elle contribue à faire croire aux consommateurs qu’ils soutiennent des pratiques vertueuses en achetant ces produits.
On notera que les questions de commerce équitable, de juste rémunération des producteurs ou de bien-être animal n’y sont par ailleurs toujours pas abordées.
L’accès à cette certification à la majorité des exploitations reste toujours aussi simple, sans réel changement de pratiques, notamment sur la limitation de l’usage des pesticides chimiques de synthèse.
« Il ressort de l’ensemble des analyses que l’effet propre de la certification HVE sur les changements de pratiques des exploitations certifiées – et donc sur l’amélioration de leurs performances environnementales – est globalement limité. Si les exploitants certifiés ont pu faire évoluer leurs pratiques, la plupart auraient effectué ces changements indépendamment de la certification HVE ».
HVE est un exemple significatif dans la jungle des labels, logos et mentions valorisantes. Bio Consom’Acteurs, Action Aid et FAIRe un monde équitable publiaient en Mai 2021, le guide « La Boussole des labels » où l’on comparait déjà HVE avec les labels bio. Les rapports de l’OFB et de l’IDDRI sur lesquels nous nous appuyons aujourd’hui confirment le classement donné à la certification HVE, même avec ce nouveau référentiel.
Merci à A PRO BIO Hauts de France pour leur aide
Et si on rentrait un peu dans le détail ? Ces éléments sont susceptibles d’évoluer avec de nouvelles mises à jour
D’après l’OFB : « Il ressort de cette analyse que la validation de l’indicateur biodiversité semble accessible à la majorité des exploitations françaises appartenant aux principales filières examinées ici (grandes cultures, polyculture élevage, viticulture, arboriculture) » Le nombre d’items par indicateur a augmenté, il est donc plus aisé d’obtenir le nombre de points requis que dans l’ancien référentiel HVE. Ce nouveau système permet également de faire l’impasse sur certains items clés pour l’environnement, notamment concernant la biodiversité.
Même avec la certification HVE, les exploitations peuvent maintenir leurs pratiques en adoptant des gestes simples (réduction des fuites, suivi des recommandations sanitaires, réduction d’un certain nombre de passages de produits chimiques de synthèse déjà jugés inutiles…)
« L’indicateur « Gestion de la fertilisation » comporte 6 items d’importance inégale. Le critère principal est l’item « Part de la SAU (Surface Agricole utile) non fertilisée » qui peut permettre d’obtenir à lui seul les 10 points nécessaires pour valider l’indicateur ». Là encore, les directives déjà existantes permettent souvent d’aller plus loin que ce que propose HVE. Malgré les recommandations de l’OFB en ce sens, le nouveau référentiel va garder le même fonctionnement, à la faveur de quelques détails techniques à la marge.
A nouveau, pour obtenir le nombre de points nécessaires à la certification, les exploitations n’ont pas à opérer de révolution et la gestion quantitative et qualitative de l’eau attendra. Une exploitation « peut valider cet indicateur sans qu’aucune surface irriguée ne bénéficie de matériel ou de pratiques agronomiques favorisant les économies d’eau et sans limitation des prélèvements dans le milieu naturel en période d’étiage. » Il ne s’agit donc pas d’un indicateur de résultats, mais d’un indicateur de moyens, ce qui ne correspond pas aux objectifs affichés de la certification HVE. Le deuxième rapport de l’OFB le confirme : il n’est pas vraiment possible de se prononcer sur le niveau d’exigence de cet indicateur vis-à-vis des pratiques moyennes compte-tenu de la faiblesse des données de comparaison disponibles. On peut simplement souligner que contrairement aux trois autres indicateurs et à la logique d’action affichée de la certification HVE, cinq des six items de cet indicateur renvoient à des obligations de moyens et non de résultats. L’incitation à une démarche collective de gestion de l’eau rapporte des points. Pourrions-nous penser que cela inclut les controversées méga-bassines ? Étant donné le modèle agro-alimentaire véhiculé par les bassines et conforté par HVE, rien ne serait moins étonnant. |