De la santé à la planète, l’extrême-droite fait fi des impératifs actuels. En cette période électorale, nous vous proposons un texte libre sur la bio et l’extrême droite.
Convenons dans un premier temps de l’impératif écologique et environnemental dans lequel nous nous situons, aux bords du précipice qu’est notre lendemain. Convenons dans un second temps que cet impératif implique des changements drastiques et radicaux dans nos modes de production et de consommation. Convenons enfin de l’impossibilité de ne pas penser ces questions à grande échelle, en commençant par nos gouvernements – actuels ou potentiels. Et pourtant, si de nombreux.ses collectifs, organisations, associations se constituent en faveur de ces dynamiques environnementales, aucune figure politique n’agit en ce sens. Ou, probablement pire encore, agit mal. Ni LR ni le RN ne font exception à cette règle, et on ne compte plus les écarts, les ravages, les mauvais votes.
1. De retournements de veste en incohérences, une extrême-droite à 180 degrés
L’extrême-droite semble n’avoir de constant que son imperturbable racisme. La question de l’agriculture – par extension de l’alimentation et de l’environnement – n’a pas droit à une telle fidélité. En 2017, Marine Le Pen dénonçait haut et fort l’utilisation des produits phytosanitaires, allant jusqu’à clamer et jusqu’à revendiquer comme essentielle « l’excellence sanitaire agricole et environnementale de nos produits » laquelle était évidemment mise à mal par l’utilisation de ces produits. Elle allait dans le sens d’un contrôle renforcé des produits phytosanitaires (pesticides, herbicides et autres) qualifiant Monsanto d’ « entreprise criminelle » qui « [empoisonne] notre santé et celle de nos enfants » sur le plateau de RMC (28 novembre 2017). Jusqu’à sa deuxième campagne présidentielle incluse, Marine Le Pen campait droit(e) sur ses pattes : elle défendrait l’environnement, les agriculteur·ices et les consommateur·ices – il était même question d’inscrire pour les français·es le « droit à la sécurité environnementale » ! Un couplet digne de l’eco-terrorisme… Est-ce changer de nom de parti qui l’a fait changer d’opinion ? Rien de moins certain, probablement a-t-elle seulement changé de vague sur laquelle surfer (ou de bras droit).
Aujourd’hui en effet, plus question de limiter ou de considérer les conséquences de ces produits sur nos sols et nos corps, bien au contraire : le RN s’en est allé en guerre contre les normes sanitaires et environnementales, se battant pour l’augmentation de ces mêmes produits que la cheffe de file trop connue combattait il y a encore 7 ans. Pourtant, accompagnée de son fidèle Jordan, Marine Le Pen ne rate pas son rendez-vous favori de l’année (et de sa campagne politique), et se rend au Salon de l’Agriculture le 28 février 2024 susurrer des mots doux aux agriculteur·ices… Car c’est ça, ce que cultive le RN : une relation d’amour superficiel avec l’agriculture. Mais qu’il plonge dans les profondeurs de ce domaine, et le RN devient muet – ou contradictoire. Prenons par exemple sa position concernant les terres et les sols agricoles. Ce parti joue la carte de leur conservation… mais se positionne contre l’objectif ZAN (atteindre un équilibre entre sols artificialisés et zones renaturées d’ici 2050) ! De la même manière, après avoir hurlé à la mort des pesticides, puis avoir dénoncé leur contrôle renforcé, c’est maintenant le cul entre deux chaises que le RN demeure mutique.
Comment satisfaire à la fois les petits agriculteur·ices et l’industrie agro-alimentaire ? Comment garantir – ou valider économiquement – une agriculture qui serait souveraine, exporterait beaucoup, mais n’importerait qu’au minimum… Comment, enfin, concilier production, exportation, souveraineté alimentaire et environnement ? Pour l’agro-industrie, contre l’environnement, sous-couvert de défense des agriculteur·ices : c’est à peu près ainsi que l’on pourrait résumer la position du RN.
Balayant d’un revers de main le rapport du GIEC de 2023, Jordan Bardella dit « ne pas faire le choix de la décroissance »… Alors même qu’elle été identifiée comme un tremplin vers la réduction des gaz à effet de serre, la décroissance a été validée économiquement et socialement depuis les années 70, allant dans le sens d’un avenir pour notre planète. Ambitieux, donc, d’en contester la nécessité.
2. Par quelque organe que ce soit, LR et RN tenus par la FNSEA
Sur cet autre sujet encore, LR et RN s’alignent : ce que la FNSEA demande, la FNSEA l’obtient – et ce sous couvert d’un prétendu bras-de-fer entre Macron et Arnaud Rousseau (président de la FNSEA). C’est en effet ce qui a été observé – et largement contesté – lors du mouvement des agriculteur·ices de cet hiver. Pour retracer grossièrement le chemin (politique et géographique) de cette période : la Confédération paysanne a lancé une lente déambulation de tracteurs sur les routes. Un long zigzag qui n’est évidemment pas sans rappeler la lutte du Larzac – et qui devait aboutir à une entrée dans Paris, et à son siège. Concomitamment, des plateformes de distribution alimentaire étaient bloquées, ralentissant l’approvisionnement des francilien·nes. Si la FNSEA ne s’était pas raccrochée à ce mouvement et n’était pas intervenue auprès du Ministère de l’Agriculture – et même de Gabriel Attal – le siège aurait probablement été plus performatif.
Les revendications premières étaient simples : revalorisation des conditions de travail des ouvrier·es agricoles, mise en place d’un « prix plancher », la hausse de l’accompagnement des agriculteur·ices vers la transition agroécologique, en finir avec la concurrence déloyale, etc. Ce qu’il en est ressorti : le lever de certaines régulations et de contrôles sur l’usage de pesticides… allant dans l’unique sens de la FNSEA, et dans celui évidemment du nouveau cheval de bataille du RN.
Ainsi, la Bio et l’Extrême-droite défendent des mondes radicalement différents – disons même opposés. En effet, le modèle défendu par la Bio, tel que ses valeurs sont définies par la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) (et Bio Consom’acteurs) ne pourra jamais concorder, sur aucun point, avec les «valeurs » véhiculées par l’extrême-droite. La défense du vivant ne peut s’accorder avec la recherche de sa destruction, sélective ou non.