– Qu’est-ce que la consommation responsable selon toi ?
C’est une consommation pensée, réfléchie. Consommer responsable c’est commencer par interroger ses pratiques de consommation pour se tourner vers des produits qui respectent les hommes, les femmes et la planète, autrement dit des produits qui s’insèrent dans une chaîne de production socialement, économiquement et écologiquement vertueuse.
Dans l’alimentaire ça passe par des produits équitables, bio, biodégradables et à l’impact écologique le plus faible possible.
Dans le digital et le textile, ça passe par l’identification du lieu d’origine de ses produits, de leur mode de production et de l’empreinte environnementale qu’ils peuvent générer.
Dans tous les cas, ça passe par l’identification de l’origine et du parcours du produit.
– Comment devient-on une consom’actrice ? Raconte-nous ton histoire, ton engagement personnel…
En prenant le temps d’interroger sa consommation.
Au fur et à mesure du temps le plaisir qu’on prend à acheter, consommer ou manger se nuance. Il se déplace et prend appui sur d’autres critères. Aujourd’hui mon plaisir ne vient plus seulement de l’objet fini mais de son histoire et de son parcours.
Je n’ai jamais été spécialement engagée dans l’alimentation ou l’agriculture, davantage sollicitée par les questions humaines d’interactions sociales et culturelles sur un territoire donné. Et pourtant j’ai appris aujourd’hui, de mes rencontres, de la mouvance politique actuelle et de mes réflexions, à interroger ce qui me semblait quelque chose d’acquis mais pas en phase avec la réalité qu’on me montrait. Je savais bien que ces gens qui m’entouraient avaient compris quelque chose en choisissant tel magasin au profit d’un autre, en achetant tel produit au profit d’un autre, en taxant certaines enseignes et pas d’autres, mais j’attendais le déclic et on me disait « Ça viendra avec le temps », et oui en effet, ça vient avec le temps, le temps qu’on se laisse pour accepter, interroger et transformer ses pratiques.
– Concrètement, qu’est-ce qui a changé dans ta vie au quotidien ?
Mon regard sur les produits. Je ne vois plus l’objet en lui-même mais son histoire et sa place dans le monde et la chaîne de production. J’ai toujours aimé le café, les vêtements et les bananes, or aujourd’hui je ne vois plus ni le café, ni le t-shirt, ni la banane comme un produit mais bien plutôt comme un bien culturel inséré dans une histoire. Je vois un pays, des hommes, des femmes, des conteneurs, L’Amérique, l’Indonésie, le Brésil.
Je ne peux plus manger d’avocat, je regarde les marques de café d’un autre œil, je discute avec des serveur.euses, vendeur.euses, producteur.rice.s, consommateur.rice.s et j’en parle autour de moi, à mes amis, spontanément, parfois sans m’en rendre compte. Quand on me propose de faire un guacamole pour l’apéro… le plaisir n’est plus là, surtout quand on a appris que la culture de l’avocat nous vient du Mexique, du Chili et du Pérou principalement, et qu’elle ravage des hectares de forêt, appauvrit les sols et nécessite d’importantes quantités d’eau, alors que les habitant.e.s de ces régions n’ont même pas assez d’eau pour répondre à leurs propres besoins quotidiens.
C’est ça déplacer son regard du produit à son histoire.
– Selon toi, qu’est-ce que le commerce équitable aujourd’hui ? Quels sont ses enjeux ?
Le commerce équitable est pour moi une alternative au système économique actuel qui replace les producteurs et productrices à l’origine de nos produits, au cœur du système.
Pour moi le principal enjeu du commerce équitable est de tendre à disparaître, pour ne plus être une alternative mais bien une norme. Autrement dit pour devenir LE commerce normal et universel.
On ne devrait pas avoir besoin de qualifier le commerce d’équitable, il devrait l’être naturellement. Mais la réalité actuelle est différente, en 2018 les produits équitables représentaient 22% du marché français. Un autre enjeu est de s’insérer davantage sur le marché mondial.
Enfin d’un point de vue culturel et social, un autre enjeu du commerce équitable est d’œuvrer à la réduction de la pauvreté et veiller à l’égalité des sexes.
– Peut-on associer le commerce équitable à la bio ?
Bien sûr, ce sont des notions et des pratiques intrinsèquement liées.
La justice économique et sociale que vise le commerce équitable et la justice environnementale que vise l’agriculture biologique lient l’humain et la planète !
Pour atteindre la justice environnementale, il faut donner aux hommes et aux femmes les ressources suffisantes : rémunérer les hommes et les femmes à leur juste valeur pour leur permettre d’investir dans des modes de production respectueux de l’environnement, privilégier la transition agroécologique, abandonner les intrants chimiques etc.
De plus, dans le commerce équitable on tend à réduire au maximum ces intermédiaires perfides et puissants de l’économie mondiale, qui s’enrichissent en aval des filières, sur le dos des producteurs et productrices qui se trouvent en amont. Dans la bio on trouve le même principe : réduire au maximum les intrants chimiques qui ressemblent à tout point de vue à ces intermédiaires perfides visant une productivité et un rendement maximal.
– Selon toi, quels sont les enjeux d’une transition écologique aujourd’hui ?
Allier la justice économique et sociale à la justice climatique. Mettre l’humain et la planète sur le même plan.
La transition écologique est sociale, et pour y arriver il faut prendre conscience de la place identique que détiennent l’humain et la planète.