• Qu’est-ce que la consommation responsable selon toi ?
Pour moi, c’est d’abord le fait de questionner les modes de consommation qui sont les nôtres : surconsommation, à bas-coûts, en grande surface, avec des produits suremballés… et comprendre que toutes ces choses que l’on nous présente comme autant d’évidences n’ont rien d’anodin. Derrière un prix bas, il y a des travailleur.se.s mal payé.e.s et mal traité.e.s ; derrière un emballage, il y a une production de plastique et une pollution durable etc. A partir de là, on peut décider d’agir et il y a pour ça tout plein de possibilités, et notamment celle de repenser ses habitudes d’achat. De quoi ai-je vraiment besoin, qu’est-ce que j’achète, qu’est-ce qu’au contraire je refuse d’acheter, où est-ce que je fais mes achats ?
Se poser toutes ces questions, et orienter ses décisions d’achat en fonction des réponses qu’on y apporte, c’est s’inscrire dans une consommation responsable. Ce faisant, on reprend un petit bout de pouvoir en s’affranchissant de normes sociales qui font d’un certain type de consommation une condition de notre bien-être, un symbole de réussite, de modernité… et choisir (un peu plus) où va son argent.
Il y aussi tout un volet collectif, auquel on pense moins : on peut militer pour que sa cantine, son restaurant ou son bar préféré change de fournisseurs en tenant compte de considérations éthiques, environnementales et humaines. On peut, aussi, participer à des actions pour visibiliser l’absurdité de nos modes de consommation : je pense aux plastic attacks par exemple. Ces actions permettent de rappeler que si des millions de citoyen.ne.s s’engagent individuellement via leur consommation, c’est bien et cela peut impulser des changements structurels à terme, mais si l’état et les entreprises changent leurs pratiques, ça ira probablement plus vite… Or, on a besoin d’aller vite justement.
• Comment devient-on une consom’actrice ? Raconte-nous ton histoire, ton engagement personnel.
J’ai repensé mes modes de consommation au départ pour des raisons économiques : en tant qu’étudiante, il y avait des choix à faire, et des produits du quotidien devenaient des produits de luxe. C’est le cas par exemple de la viande, des vêtements neufs, des gels douches parfumés… Comme je tenais à mes loisirs, j’ai appris à faire ces choix, et je me suis rendue compte, après-coup, que cette consommation raisonnée collait assez bien avec des considérations environnementales et sociales. A partir de là, j’ai commencé à me renseigner plus, et à motiver mes choix aussi par des raisons éthiques : refuser tel produit de telle marque parce-que ses pratiques sont prédatrices pour les humains et pour l’environnement, acheter, au contraire, tel autre parce-que l’entreprise derrière prône un autre modèle, plus juste, plus équitable, plus durable.
• Selon toi, qu’est-ce que le commerce équitable d’aujourd’hui ? Quels sont ses enjeux ?
Le commerce équitable est un ensemble d’initiatives portées par des ONG, des associations, des entreprises qui ont en commun d’affirmer que le commerce international, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est structurellement néfaste, inéquitable, inégalitaire, et qu’il est possible de faire du commerce autrement, en France et dans le monde, en remettant les producteur.rice.s au cœur d’un système plus équilibré.
Il semble délirant, à l’heure où la « valeur travail » est portée en étendard par une majorité de nos dirigeant.e.s, que l’on admette que le travail agricole ou artisanal, essentiel à nos besoins fondamentaux (se nourrir, se vêtir) ne donne pas droit à un salaire décent et à une vie digne, notamment parce qu’une poignée d’entreprises, non-directement productrices, s’accaparent le pouvoir, et que les prix sont décidés sans tenir compte des coûts de production. Le commerce équitable est une réponse à ce constat.
Les enjeux du secteur sont trop nombreux pour être tous listés ici, mais le premier, à mon sens, est d’affirmer le commerce équitable comme un levier de transition écologique, et sociale. Le commerce est souvent un impensé des politiques publiques ou des stratégies de développement durable, or il structure largement nos modes de production et de consommation et est à ce titre incontournable. Il y a donc un enjeu à prendre conscience des effets néfastes de nos systèmes commerciaux conventionnels et à renforcer l’alternative que constitue le commerce équitable.
On peut aussi citer les enjeux d’impact, de changement d’échelle : comment s’assure-t-on des impacts positifs du commerce équitable ? comment pense-t-on le changement d’échelle, la démultiplication de ces impacts ? S’agit-il de monter en volume, ou de penser des stratégies d’influence de façon à impulser des changements dans les pratiques conventionnelles ?
Après, bien sûr, il y a les enjeux environnementaux, de déforestation, d’égalité de genre, d’accès à la terre… c’est très transversal en réalité !
• Quel est le potentiel éducatif du commerce équitable et parle-nous du projet FAIR Future ?
Le potentiel éducatif du commerce équitable est énorme, du fait de la transversalité que j’ai évoquée : déjà, il permet d’explorer ce qu’est une chaîne de production, une chaîne de valeur, de découvrir qui en sont les acteurs et comment tout cela fonctionne. A ce titre, le commerce équitable permet une multitude d’apprentissages en économie, en géographie, en histoire, en géopolitique, en relations internationales… Mais il permet aussi d’acquérir un regard critique sur notre monde, de questionner des systèmes qui nous sont présentés comme évidents. Enfin, et c’est crucial à mes yeux, il donne des pistes pour agir : il y a les actes de consommation, bien sûr, mais le commerce équitable montre aussi que les sociétés civiles, partout dans le monde, peuvent s’allier et se constituer en mouvement pour créer une alternative qui dure depuis des décennies et gagne en ampleur chaque année. C’est un exemple très fort de ce qu’est la solidarité internationale, de ses déclinaisons concrètes.
FAIR Future, c’est le premier projet collectif d’ampleur dédié à l’éducation au commerce équitable. Concrètement, ce sont 10 organisations de commerce équitable qui se sont réunies en 2019 pour porter ensemble des activités d’éducation et de sensibilisation pour les moins de 30 ans, partout en France, afin de leur proposer des outils et espaces de réflexion, d’apprentissage et d’action en faveur du commerce équitable.
• Quels conseils donnerais-tu à un.e novice qui veut consommer plus de produits issus du commerce équitable ?
La clé, c’est l’information ! Les labels de commerce équitable sont une garantie du respect des principes de commerce équitable, il s’agit donc d’apprendre à les reconnaître : WFTO, SPP, Fairtrade Max Havelaar, Biopartenaires, Fair for life, Bio équitable en France, Agri-éthique France, Tourisme Equitable… Il y a aussi quelques marques, qui passent par d’autres labels ou fonctionnent sans labels, tout en respectant les mêmes principes : c’est le cas par exemple de Guayapi. La traçabilité et la transparence sont des critères du commerce équitable, l’information est donc disponible, et il ne faut pas hésiter à se renseigner ! Des associations de consommateur.rice.s existent aussi, et peuvent être une super source d’informations.
L’autre aspect important est de dépasser une vision un peu datée du commerce équitable, qui le réduit au café, au cacao, à l’artisanat : ces produits existent bien sûr, mais il y a aujourd’hui plein de filières, y compris françaises. Des fruits, des boissons, du pain, du lait, du thé, des aromates, du riz, des légumes secs, des compléments alimentaires, des fleurs… C’est très varié, et ces produits peuvent se trouver aussi bien en magasins spécialisés qu’en grande et moyenne surface.