Marc Dufumier: L’agroécologie pour nourrir correctement et durablement l’humanité toute entière

Marc Dufumier est professeur émérite d’agriculture comparée et développement agricole à AgroParisTech, membre du conseil stratégique de l’agriculture et de l’agro-industrie durables du Ministère de l’agriculture, membre du Comité de veille écologique de la Fondation pour la Nature et l’Homme et président de la Plate-Forme pour le Commerce Équitable. Il est aussi membre du comité de soutien de Bio Consom’acteurs. Il s’est exprimé dans l’ouvrage que nous avons édité fin 2013, Expressions d’intérêt collectif, dont voici un extrait.

Sur les 7 milliards d’humains que compte notre planète, il en est près d’un milliard qui souffrent de la faim. Cela ne résulte pas tant d’une insuffisance de productions agro-alimentaires à l’échelle mondiale que de la pauvreté de gens qui n’ont pas les moyens de se procurer de quoi manger alors même que les productions alimentaires disponibles sur le marché mondial font l’objet d’énormes gaspillages dans les pays les plus riches, sont destinées préférentiellement à l’alimentation animale ou à la production d’agro-carburants.

Ceux qui souffrent de la faim dans le monde sont pour les deux tiers des paysans du Sud dont les bas revenus ne leur permettent plus d’acheter suffisamment de nourriture ou de s’équiper correctement pour produire par eux-mêmes de quoi manger. Le dernier tiers est constitué de familles paysannes ayant quitté prématurément la campagne, faute d’y être restées suffisamment compétitives.

Il existe pourtant d’ores et déjà des systèmes de culture et d’élevage inspirés de l’agro-écologie qui permettraient à ces paysanneries d’accroître leurs productions à l’hectare sans coût majeur en énergie fossile ni recours aux produits phytosanitaires :
–    Les associations de cultures assurant une forte couverture végétale tout au long de l’année permettent de maximiser la transformation de l’énergie solaire en calories alimentaires par le moyen de la photosynthèse.
–    Les plantes de l’ordre des légumineuses permettent de fabriquer les protéines végétales avec l’azote de l’air sans recours aux engrais azotés de synthèse coûteux en énergie fossile.
–    Les épandages de fumier et compost permettent d’accroître ou maintenir le taux d’humus dans les sols, y réduisent le lessivage de l’eau et des éléments minéraux et préservent la couche arable de l’érosion.
–    Les arbres plantés en bordure ou au sein des champs cultivés et pâturés parviennent à puiser des éléments minéraux en sous-sols et à les restituer dans la couche arable grâce à la chute de leurs feuilles. Ils hébergent des insectes auxiliaires favorisant la pollinisation des plantes cultivées et la neutralisation des ravageurs et agents pathogènes par la voie biologique.

Mais les obstacles à l’élévation de la productivité du travail agricole dans les pays du Sud ne sont pas tant d’ordre technique que de nature socio-économique et politique ; ils résultent bien plus souvent d’un accès limité aux crédits, de structures agraires injustes et des conditions inégales dans laquelle se manifeste la concurrence entre producteurs sur les marchés mondiaux des produits agricoles et alimentaires.

Pourquoi je soutiens Bio Consom’acteurs:
L’association Bio Consom’acteurs a justement un rôle très important à jouer, notamment au travers de l’édition de ses livrets d’information, en aidant les consommateurs à comprendre pourquoi il est important de passer d’un état « passif » à un comportement beaucoup plus « actif » doublé d’un investissement « collectif ». En effet l’union des consommateurs de produits bio aux côtés des paysans pèsera plus lourd face aux pouvoirs publics en facteur du choix d’une agriculture relocalisée, diversifiée, de saisonnalité, en filière courte, débouchant sur une alimentation de qualité plus saine, plus autonome, plus écologique, à plus faible coût énergétique grâce à la réduction des transports, des conditionnements, des stockages, et à l’absence d’utilisation de produits chimiques. La défense de cette agriculture bio, respectueuse de l’environnement et soucieuse de la qualité de nos aliments en France et en Europe, n’est donc en rien contradictoire, bien au contraire, avec le droit des nations du Sud de reconquérir leurs sécurité et souveraineté alimentaires.

Marc Dufumier

Extrait de « Expressions d’intérêt collectif – Réussir la transition », édité par Bio Consom’acteurs en décembre 2013.
 

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