La première amap française menacée d’expropriation

Denise et Daniel Vuillon, initiateurs de la première amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), sont menacés d’expulsion pour une ligne de tramway. Une illustration de l’artificialisation des terres que nous pouvons tenter de contrer en relocalisant notre alimentation.

Les fondateurs de la première amap en France sont menacés d’expropriation, selon le site des JNE. Douze ans après avoir créé la première association pour le maintien d’une agriculture paysanne, la ferme de Denise et Daniel Vuillon, dans le Var, devra peut-être laisser sa place à une ligne de tramway. Loin d’être un cas à part, la ferme des Olivades est un exemple du phénomène d’artificialisation des sols.

La France perd tous les 7 ans une surface de sols équivalente au département de l’Hérault. Tous les ans, ce sont 78 000 hectares par an qui sont construits, urbanisés, bétonnés, selon la dernière enquête du ministère de l’agriculture citée par Reporterre. Ce qui équivaut à la transformation d’une superficie d’un terrain de football (0,8 ha) toutes les cinq minutes. Et entre 2000 et 2006, environ 90% de cette artificialisation aurait eu lieu aux dépens d’espaces agricoles, selon le Commissariat général au développement durable dans une note de 2011.

Et ça s’accélère. La part des surfaces artificialisées s’élevait à 8,9% en métropole en 2010, alors qu’elle était de 8,4% en 2006, rapportait le Journal de l’environnement l’an dernier. Ce gain de vitesse s’explique non seulement par l’augmentation démographique, mais aussi et surtout par des « besoins » grandissants en surfaces artificialisées: chaque année, ces besoins augmentent de sept mètres carrés, et ce depuis une vingtaine d’années, selon le bureau d’études Solagro, qui, dans son scénario Afterres 2050, s’intéresse à la manière d’utiliser les terres pour alimenter la population française en 2050 (en nourriture, mais aussi en matériaux, énergie, etc.). D’après Solagro, la maison individuelle représente la moitié de l’augmentation de ces besoins. Le reste, ce sont les jardins, espaces verts, parkings, infrastructures de loisirs, de transports, le logement collectif, les zones commerciales et industrielles, etc.

Pour ralentir cette transformation du vert en béton, un moyen est de faire en sorte que les agriculteurs en place sur des terres puissent y rester ; et que des jeunes puissent s’installer. C’est ce à quoi s’emploie Terre de liens, qui achète des terres et les loue à des agriculteurs en bio, biodynamie ou en agriculture paysanne. Les terres sont retirées du marché spéculatif et l’agriculteur a donc toutes les chances de pouvoir y rester. L’autre avantage de garder des terres pour l’agriculture est que cela crée de l’emploi.

En tant que consommateur, on peut stimuler l’agriculture française – et donc le ralentissement de l’artificialisation des terres – en mangeant localement:  si les 65 millions de Français se relocalisaient leur alimentation (c’est à dire achetaient des aliments produits et transformés en France), cela provoquerait l’installation de plus d’un million de paysan(ne)s, ce qui reviendrait à doubler leurs effectifs d’aujourd’hui (voir article Bio Consom’acteurs ici). Ces derniers utiliseraient 22, 9 millions d’hectares de terres agricole, soit 80% de la surface agricole utile. Des terres qui ne seraient donc pas artificialisées. C’est ce qu’on apprend grâce un convertisseur alimentaire élaboré par Terre de liens Normandie.

Autre initiative pour protéger les terres non urbanisées, plus lointaine cette fois: le zonage agricole. Celui-ci est légalement pratiqué au Québec depuis 1978. Les espaces cultivés et urbains ont des limites précises, qui ne peuvent évoluer sans l’accord d’une commission dédiée. Certains acteurs français de l’agriculture travaillent dans ce sens: depuis le printemps 2013, le réseau Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale (InPACT) qui compte la Fédération nationale d’agriculture biologique, Terre de liens, le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, la Confédération paysanne, la Fédération nationale des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural, Filière paysanne, etc. – , ces acteurs  échangent avec les décideurs sur des propositions pour préserver les espaces agricoles, naturels et forestiers du béton. L’enjeu : la loi d’avenir sur l’agriculture, en cours de discussion.

Présentée le 18 septembre dernier par le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, la loi d’avenir sur l’agriculture déclare sur le papier qu’elle souhaite favoriser « l’installation et la consolidation d’exploitations pérennes et diversifiées, en limitant les agrandissements excessifs, afin de favoriser l’emploi, l’installation et la création de valeur ajoutée ». Le projet doit être adopté en Conseil des ministres fin octobre et sera discuté au Parlement début 2014.
 

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