Agroécologie: 20 organisations font part de leurs préoccupations dans une lettre à Stéphane Le Foll

Dans une lettre ouverte du 22 janvier 2013au ministre français de l’agriculture, Nature & Progrès, Bio Consom’acteurs et 18 autres organisations demandent l’avénement d’une véritable réforme agraire. Celle-ci serait « inscrite dans une économie sociale et solidaire, basée sur une agriculture à échelle humaine et de proximité ». Les 20 organisations remettent les points sur les i après le colloque « Produisons autrement » organisé par le ministre Stéphane Le Foll en décembre 2012, au cours duquel celui-ci avait annoncé son ambition de faire de la France un « leader de l’agroécologie ».

Voir la lettre en pièce jointe ou en cliquant ici.

Par ailleurs, la fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) a réagi par l’intermédiaire de son président, Dominique Marion, dont voici la réponse:

« Pour ceux qui étaient présents le 18 décembre au Palais de Iéna à l’occasion de la journée « Produire autrement » de Stéphane Le Foll , nous sommes censés avoir entendu le cap, la ligne directrice de la « nouvelle agriculture « .
Il est donc important, pour nous qui y étions, de transmettre  à ceux qui n’y étaient pas ce que nous avons entendu et ce que nous n’avons pas entendu.
Nous avons entendu plus de paysans bio qu’il n’y paraissait dans les annonces faites.  Pas d’identification des paysans bio en tant que tel mais en tant que participants à un mouvement global.
Nous avons entendu TOUS les présents condamner la vieille agriculture celle basée sur les pesticides (l’agrochimie) et le non respect de l’agronomie et de la vie du sol; même ceux qui, engagés dans une réduction drastique des quantités utilisées, ne se sentent pas capables ou prêts  à ce jour à passer en bio.
L’objectif des tous ceux qui pratiquent la « nouvelle agriculture »mise en avant par le ministre est de se passer des béquilles chimiques , tant pour la protection que pour la fertilisation. Sous entendu que la « fertilisation » est  l’ennemi de la fertilité retrouvée par des pratiques culturales respectueuses de l’agronomie.
Nous avons entendu dans la bouche d’un des référents choisi par  Stéphane le Foll (qui n’était pas en  bio), que toute chimie de synthèse introduite dans le sol perturbait les équilibres naturels et donc était à proscrire. Cela confirme donc, si besoin était ce, que nous pratiquons sur nos fermes.
Nous avons aussi entendu que tous les efforts que faisaient les agriculteurs qui changeaient leurs pratiques pour aller vers le maximum de diminution de pesticides et produits de synthèse utilisés, n’étaient pas reconnus à travers une valorisation économique. Qu’il n’y avait que la bio qui permettait de trouver un système valorisant à travers des filières organisées.
Nous avons entendu que les paysans bios qui étaient présents étaient contents et fiers de leurs choix, qui leur  permettaient de trouver une valorisation économique et sociale, et en plus de se poser sans angoisse la question de la transmission de leurs fermes  à travers des choix sociétaux.
 Nous n’avons pas entendu d’agriculteurs mettre en avant leurs pratiques de productions d’agro carburant.
Nous n’avons pas entendu d’agriculteurs qui ne remettaient pas en cause le modèle agro-industriel.
Alors que retirerons-nous de cette journée ?
Que le ministre en a fait un symbole de ce qui doit changer en agriculture en mettant en avant les expériences de terrain qu’il a choisit lui-même pour représenter la « nouvelle agriculture ».
De ce fait, nous pouvons penser, que ce que nous avons vu doit être encouragé et ce que nous n’avons pas vu ne doit pas être soutenu.
Parce que nous pensons qu’un ministre  a le courage de dire là où il veut aller dans son action politique et publique, nous avons compris que les modèles alternatifs qui se passent de l’agrochimie sont le projet de Stéphane le Foll et que les vieux modèles ,dont les effets négatifs sont aujourd’hui incontestés , tant au niveau écologique, économique que sociétaux, ces vieux modèles ne seront plus soutenus par un ministre qui a eu le courage de montrer la voie   à la représentation agricole et nationale , nombre de députés et sénateurs étaient présents, au Conseil économique, social et environnemental et à son président, Jean-Paul Delevoye, si au fait de l’attente sociétale.
Parce que nous pensons que le ministre ne se satisfait pas d’opération de communication, si réussie soit -elle, nous pensons que dès demain il va agir pour que les mesures de changement soit effectives.
Cela passera par la fin de la niche agrocarburant qui coute environ 200 millions d’euros par an payé par l’automobiliste contribuable (soit plus de 100 000 euros par emploi crée dans cette filière).
 Cela passera par une réforme de la PAC qui verra la fin du hold-up des quelques 80 000 agrimanagers qui se partagent les quasi 7 milliards d’impôts européens pour conforter leur situation de caste.
Cela passera aussi par la décision de ne plus utiliser de produits chimiques de synthèse sur les zones de captage d’eau potable, bien commun de l’humanité  à défendre en priorité. Et pour « ceux qui font déjà des efforts » de réduction d’intrants chimiques, il faudra s’interroger – avec les acteurs de l’eau notamment – sur l’efficacité et l’efficience de mesures agri-environnementales (MAE) toujours renouvelées et qui n’amènent plus vers des vrais changements de systèmes et la possibilité d’une valorisation économique justifiée de la production.
Cela passera aussi par la fin de la cogestion monolithique qui devra être remplacée par une gouvernance ouverte, seule solution pour rendre crédibles, aux yeux de la société et des ONG qui œuvrent à son évolution, les intentions affichées et le soutien à une PAC qui a perdu de sa consistance a force de ne servir que quelques privilégiés.
Il faudra forcer (si nécessaire, mais nous ne doutons pas de leur volonté de ne pas heurter le ministre) les tenants du vieux monde agricole à ouvrir les yeux sur la réalité nouvelle, ne pas hésiter a encourager ceux qui au sein de l’Inr(a) attendent que les verrous sautent pour faire enfin que la recherche française officiellement financée retrouve le A qui veut dire « Agronomie » qu’elle a depuis si longtemps oublié et sacrifié sur l’autel de la rentabilité biotechnologique.
De même la reconnaissance de la recherche participative et paysanne (initiatrice des expériences du 18 décembre) sera le signe concret de la mise en place de la nouvelle agriculture.
Cela passera aussi par la reconnaissance des initiatives tant au niveau foncier collectif et travail en commun qui ne manqueront pas d’être encouragées, y compris financièrement car le monde agricole de demain ne sera pas celui de la compétition mais celui de la coopération, y compris dans le domaine social.
Les restructurations des vieux outils n’apporteront pas de chômage mais libèreront des synergies pour créer de nouveaux outils acceptés par la société tout entière, heureuse de retrouver les fondamentaux de son agriculture au service de la société et de son bien-être et plus au service de quelques uns.
Les moyens financiers retrouvés par les économies budgétaires faites sur la vieille agriculture qui coute trop cher et n’a pas d’avenir sans perfusion financière, seront réinvestis dans la consolidation des réseaux d’alternatives qui ont fait émerger ceux et celles que le ministre  a voulu mettre en valeur, à charge pour eux de contractualiser avec ceux qui ont pour mission de « services publics » qui nous n’en doutons pas saurons faire preuve d’intelligence et d’ouverture pour ne pas rester  à la traine d’un monde agricole qui change de plus en plus vite .Il est temps que cesse la gabegie des finances agricoles distribuées par habitude et dont personne ne contrôle plus l’efficacité au service d’une politique choisie et non subie.
Alors, après tout cela, nous ne pourrons que penser que le ministre a bien fait d’oser porter à la connaissance de la société tout entière ses choix, portés haut et forts, et nous ne pourrons que le soutenir.
A nous paysans bio, paysans inventeurs, de penser que cette année qui commence sera aussi celle que nous aurons le courage de construire, avec les partenaires agricoles qui savent relever le tête pour changer, mais aussi avec les citoyens qui n’attendent que cela.

Dominique Marion

Président de la FNAB »

 

 

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