Alimentation et santé mentale

Alimentation et santé mentale

Dis moi ce que tu manges, je te dirai comment tu vas

La santé mentale est aujourd’hui un objet de discussion récurrent, a fortiori dans les milieux bourgeois d’une gauche qui se pense lacanienne ou dans les cercles militants d’une gauche qui se sait bienveillante. Ces derniers cherchent à la préserver, à agir en faveur de la santé mentale : c’est ce qu’on appelle le care (le soin). Des rayons entiers lui sont consacrés dans les librairies, dans les bibliothèques, des podcasts en explorent la complexité, la honte de la consultation s’estompe, bref : si Tony Soprano avait vécu à notre époque et dans notre groupe politique, il se serait épargné bien des tourments1.

Le 10 juillet 2025, à l’orée de mes vacances, je recevais (comme tant d’autres) un mail de Doctolib. L’objet indiquait “Et si votre alimentation influençait votre bien-être mental ?”. Ce fût probablement le premier mail de Doctolib que je n’envoyais pas illico à la corbeille, et je pris la décision de me pencher sur le lien entre l’un et l’autre de ces sujets.

Que notre alimentation joue sur notre santé physique, c’est une évidence…

…qu’elle entraîne des risques de dépression, en revanche, ne l’est pas.

Comment l’alimentation entraîne-t-elle des symptômes dépressifs ?

A ce stade, il est utile de rappeler que la dépression est un état psychologique très fréquent, aux formes et représentations multiples et diverses. L’organisation Mondiale de la Santé (OMS) évalue à 5% le nombre de personnes dépressives dans le monde,2 soit plus de 2 fois la population de Paris. Tout cela sans compter les personnes qui traverseront des épisodes dépressifs, estimées par l’OMS à 15% ou 18%.

La nourriture étant impliquée dans chacune des fonctions biologiques, intervient nécessairement au niveau du système immunitaire, d’une part, et du système nerveux (par exemple la production d’énergie) d’autre part. Les recherches sur la question sont assez récentes, et ne débordent donc pas de précision ; la première étude sur laquelle je suis tombée date de 20143, ses résultats ont été confirmés en 20184 et sa conclusion est sans appel : une « mauvaise » alimentation entraîne des risques de dépression.

La dépression comprend, entre autres, des perturbations biologiques entraînant une inflammation au niveau du cerveau, du système digestif et du sang. Muette et sous-marine, cette inflammation entraîne potentiellement des troubles neurologiques. Une alimentation de mauvaise qualité (à savoir : composée de produits ultra transformés, insuffisante ou excessive, déséquilibrée, sans rythme) contribue à cette inflammation, et en empêche la guérison. Cette inflammation peut paraître dérisoire face aux représentations habituelles de la dépression (immense tristesse, fatigue, indifférence, absence d’intérêt ou de plaisir pour les choses de la vie, troubles du sommeil, sentiment de vide…) est pourtant un aspect important de la dépression chez 40 % des personnes touchées5.

Le microbiote intestinal, composé d’une multitude de micro-organismes (familièrement appelés « microbes ») tels que les champignons, les virus, les bactéries, etc, est considéré comme un élément majeur de notre santé, physique bien sûr, mais également mentale. L’état dans lequel nous maintenons notre microbiote a une forte incidence sur notre état, notre humeur au quotidien. En prendre soin passe nécessairement par une alimentation saine, qui met de côté les produits ultra-transformés, les sucres, au profit des légumineuses, des céréales, des fruits et légumes.

Le stress entretient également un lien très fort avec l’alimentation. Lorsqu’il est stressé, notre corps produit du cortisol qui, synthétisé en trop grande quantité, augmente le niveau de stress. Sans grande surprise, les produits qui augmentent les niveaux de cortisol, et qu’il s’agit donc d’éviter en trop grande quantité, sont : le sucre (sodas, pâtisserie, sucre blanc), l’alcool et le café.

Autres aliments à consommer avec grande modération pour prévenir les risques de dépression :

  • les aliments frits
  • la viande transformée (saucisses, jambon, bacon, charcuterie…)
  • les produits laitiers (emmental, comté, parmesan…)
  • les céréales raffinées (blé raffiné, riz raffiné, mais…)
  • et évidemment la restauration rapide industrielle (des MacDo aux boulangeries)

A l’inverse, d’autres aliments favorisent le bien-être mental. Il va sans dire qu’un traitement de la dépression uniquement par l’alimentation manque de bon sens : il s’agit seulement de déterminer quels aliments, voire quels régimes, peuvent en atténuer les symptômes.

  • Les acides gras Omega-3, essentiellement présents dans les crustacés ou les poissons gras, sont largement étudiés, compte tenu notamment de leur bonne incidence sur la santé mentale. Il a en effet été démontré qu’un traitement de la dépression par les omega-3 atténuait certains symptômes dépressifs (comme les troubles du sommeil ou les idées suicidaires)6.
  • Le zinc, depuis les années 80, est étudié pour son lien avec la dépression7. Il est associé à celle-ci depuis qu’a été observé le manque de zinc dans le sang chez les personnes souffrant de dépression. Le zinc se retrouve dans les légumineuses, les céréales, la viande et les noix. Alors, faisons le plein de zinc ! Il en va de même pour certaines vitamines (vitamine C, B3, B6, B8) présentes dans les fruits et légumes frais dans les œufs, dans les céréales complètes.

Depuis 2019 et selon différentes études, le régime méditerranéen est considéré comme sain et bourré d’effets positifs sur la santé mentale8. La prévention de symptômes dépressifs pouvant être en partie assurée pas la consommation de légumes frais, de fruits, de fruits secs, de légumineuses l’association du régime méditerranéen au bien-être est une évidence. L’alliance fruits frais/fruits secs équilibre les humeurs,

Évidemment, ce rapide coup d’œil sur les liens entre alimentation et dépression n’a aucune valeur de diagnostic, en revanche il met en lumière un aspect trop méconnu de l’alimentation.

Peut-être que si les risques physiques n’alarment pas suffisamment les politiques publiques, les risques de dépression, d’angoisse, de stress parviendront à avoir raison de leur mépris ?

1Les Soprano est une série américaine diffusée entre 1999 et 2007, qui met en scène Tony, capo mafieux sujet aux crises d’angoisse, qui entreprend un suivi psychanalytique pour « soigner son anxiété »

2https://www.inicea.fr/articles/troubles-du-comportement-alimentaire/alimentation-sante-mentale

3https://academic.oup.com/ajcn/article-abstract/99/1/181/4577292?redirectedFrom=fulltext&login=false

4https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165032717307048?via%3Dihub

5https://www-fondation–fondamental-org.translate.goog/la-psychiatrie-nutritionnelle-une-discipline-emergeante?_x_tr_sl=fr&_x_tr_tl=it&_x_tr_hl=it&_x_tr_pto=sc

6https://www.biologicalpsychiatryjournal.com/article/S0006-3223(10)00247-7/abstract

7Little, K.Y.; Castellanos, X.; Humphries, L.L.; Austin, J. Altered zinc metabolism in mood disorder patients. Biol. Psychiatry 1989, 26, 646–648

8https://link.springer.com/article/10.1007/s00394-018-1653-x / https://link.springer.com/article/10.1007/s00394-019-01943-4

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